mercredi 29 juin 2011

Premier cours de rattrapage : le sexe, clef du bonheur

Comme vous pouvez le constater, il y a vraiment du boulot... voici ci-dessous un premier cours de rattrapage à l'attention de tous les nouveaux pays membres pour pouvoir se rapprocher du bonheur...

Aujourd'hui, on attaque avec le 'Number one', avec 15 articles fondateurs, piochés dans notre presse.

8h30-10h : notions de bases
13/01/2011 Les mystères du baiser_Il paraît qu’on se souvient davantage de son premier baiser que de sa première expérience sexuelle (source : slate.fr).
19/01/2011 Ces rêves qui nous font honte_Il arrive que certains songes, souvent à caractère sexuel, nous mettent vraiment mal à l’aise.(source : psychologies.com)
25/01/2011 Les hommes ont-ils aussi un point G ?_ Si celui de la femme reste un grand mystère, une zone ultra-sensible a pu être repérée chez l’homme.(source : doctissimo.fr)

10h-11h30 : Témoignages de stars
20/01/2011 ‘Je suis serein, je m’amuse’_Visé dans une affaire de prostitution de mineure, Berlusconi nie en bloc et en rigole.(source : l’express.fr)
22/02/2011 Une histoire Ronaldo/Ruby ?_Karima El Mahroug, plus connue sous le surnom de Ruby, met dans l'embarras Cristiano Ronaldo. Ce qu'elle raconte (source : voici.fr)
14/02/2011 Rihanna (quasi) nue sur tapis rouge_Et toutes les autres photos des stars lors de la 53e cérémonie des Grammy Awards. (source : yahoo actualité)

11h30 : Le quart d'heure cocorico
16/02/2011 C'est un Français qui la fait fantasmer_La sulfureuse Eva Mendes avoue un faible pour un gaulois pas trop réputé pour sa modestie. (source : voici.fr)
14/02/2011 69 % des Français auraient déjà fait l’amour en voiture (source : AutoScout24.fr)

13:30 : Quelques informations pratiques
13/01/2011 Qui sont les escorts boys ?_ Ils sont étudiants ou même salariés, vendent leur corps par besoin d'argent, mais pas seulement (source : l’express.fr).
14/01/2011 Louer une petite amie_Un nouveau site internet propose de louer des femmes pour une nuit ou un week-end (source : slate.fr).
26/01/2011 Des hotels pour les amants_Cinq entrepreneurs proposent un site de réservation de chambres d'hôtel de jour. Le juteux business de l'adultère (source : lepoint.fr)

15h-17h : Débats en petits groupes
15/03/2011 Une question classée X_Les femmes peuvent-elles s'intéresser à ces films qui ont l'art de scotcher les hommes ? Début de réponse (source : topsante.fr)
16/02/2011 Ces amis qu'on croise sous la couette_Avoir un “sex friend” - relation purement physique et sans engagement -, est-ce vraiment un bon plan ? (source : lefigaro.fr)
14/02/2011 Infidélité : faut-il le dire ou pas ?_Vous ne savez pas ce qui vous a pris mais vous avez été infidèle. Mais faut-il l'avouer à votre moitié ? Réponse (source : yahoo pour elles)

Et pour aller plus loin...
16/02/2011 Le sexe dans l'espace_Les radiations cosmiques rendraient impossible la conception d'un enfant hors de notre atmosphère. Pourquoi ? (source : maxisciences.com)

Premier homme polonais : va y avoir du boulot...

Nul...

Le premier polonais que l'on rencontre est déjà bien mal barré...

A la question 'qu'est ce qui a radicalement changé depuis 20 ans et qui fait qu'aujourd'hui, c'est bien mieux qu'avant ?', notre aimable hôte met les deux pieds dedans : paf, patatra... sa réponse est spontanée et claire : 'on peut parler politique !'...

Non mais il a pas honte, sérieux... qu'est ce qu'on leur a donc bien appris pendant toutes ces années de communisme ? Et où il est le cul, bordel ?!...

Précisons que notre hôte s'appelle Adam (vrai de vrai), cela pourrait peut-être expliquer la chose... mais enfin, bon, quoi : la politique... ce n'est même pas dans le top 10 !

On lui aurait bien filé la bonne réponse directe, lui disant que chez nous, la politique n'était pas pour tout le monde, que c'était un bien triste sujet réservé à des gens bien tristes aussi, mais devant son engouement, on a tout de même hésité à lui briser son rêve d'entrée de jeu... car vraiment, il y tient.

Il faut dire, c'est un drôle de pays la Pologne... à peine libérés du joug soviétique, qu'est ce qu'ils font ? Ils élisent comme président un ouvrier ! Ah ben bravo... il va falloir qu'on leur apprenne que la politique, c'est l'affaire des gens qui savent... qu'il y a des écoles pour ça... on ne devient pas aussi triste naturellement...

Du coup, avec des drôleries pareilles, ils se mettent tous à rêver... ils refont même régulièrement un Woodstock* !


Ils sont tout de même bien mal barrés, moi je dis... rendez-vous compte : voici déjà la 17ème édition en 17 années d'autonomie, et à chaque fois ce serait pareil : une ville serait retenue pour recevoir le festival un an à l'avance, et les jeunes de cette ville doivent se charger de l'organiser durant toute l'année... ils récolteraient des fonds, rassembleraient le matériel, s'occuperaient de la logistique, des groupes pour les concerts et surtout... des invitations de personnalités pour... des débats !!

Ces festivals dureraient même plusieurs jours, les stands seraient gratuits, comme la participation, il y aurait plusieurs centaines de milliers de participants, et certaines figures de la vie politique mais aussi des dirigeants actuels s'y rendraient pour participer au débat démocratique... non mais vous vous rendez compte ??... Pire, il paraîtrait que de nombreux allemands traversent la frontière pour prendre part à cette mascarade...

… Moi je le dis tout de suite, ils sont pas prêts pour le bonheur...


Mais Adam y croit, lui... alors attention.

Cela ne fait pas une heure que nous sommes arrivés chez lui, et voilà qu'il nous parle déjà de Wałęsa... ce fameux ouvrier président...

Nous avons à peine eu le temps de ranger le tandem, prendre une petite douche, nous voulions juste taper la discuter comme ça, gentiment, juste savoir si la vie était belle à Kostryn, ou en Pologne, et le voilà déjà en train de parler de l’idole du pays, et qu'il a mené une grève à Danzig (ou Gdansk pour les puristes, mais c'est la même ville...), et que grâce à lui le pays a pu s'émanciper, et qu'il a même eu un prix Nobel, et pis et pis... et pis même qu'il était aux côtés de Merkel (il dit Merkel, il faudra qu'on lui dise aussi que la politique, c'est triste, mais décontracte : on dit plutôt 'Angela', comme on dirait Nicolas, Ségolène ou Martine...) pour la cérémonie du XXème anniversaire de la chute du mur... oui, il se trouve qu'on l'a vu, oui, mais enfin... tout de même quoi : il n'est pas dans le top 10...

Adam me laisse la main sur le bras (il n'arrête pas de faire ça... on dirait un gars du Sud : sans cesse à se tripoter quand ils parlent!), et réfléchit... 'Concrètement, qu'est ce qui a changé dans sa vie de tous les jours ?'...

Il est libre ! Il peut voyager partout où il veut... 'ça, c'est une chance !'... oui, mais ce n'est toujours pas dans le top 10, ma foi...

… il y a encore du boulot...


Et justement, puisqu'on parle 'boulot' : y en a-t-il du boulot en Pologne ?

Les investissements pleuvent... le pays est en pleine effervescence. De nouvelles boîtes s'installent un peu partout, régulièrement. Des boîtes allemandes pour la majeure partie, mais aussi anglaises, espagnoles, et même finlandaises et suédoises. Bref, cela va très vite : 'il faut bouger, y'a pas de secret'... 'Ma plus grande a un boulot à Zagan... et la cadette, à Szczecin. Je suis entre les deux, comme ça, ça va...'.

Adam nous explique que ces jeunes qui bougent gagnent très bien leur vie : 'En fait, ils apprennent vite, et en bougeant ils peuvent bien négocier leur salaire... les nouvelles boîtes ont parfois même du mal à les fidéliser !'.

'- Ma fille a un appartement de plus de 100m², avec son mari et ma petite fille... vous savez un peu combien ça coûte un appartement comme ça à louer ?... 270€ !
- Wouha, c'est pas cher !'... patatra...

La main d'Adam a quitté mon bras, il s'est reculé et s'est redressé de tout son long, me regardant d'un drôle d'air, comme si j’appartenais à une nouvelle espèce tombée du ciel...

'Mais 270€, c'est une somme !'


Un peu couillon, pas tant par ce que j'ai pu dire, mais par l'air sévère qu'a soudainement pris notre hôte, je pose la question qui peut-être expliquerait tout : 'Mais, qu'est ce que vous appelez un bon salaire ?'

'Un ingénieur gagne environ 3000 à 3500 slotis par mois... ça fait... environ... 800... voire 1000€.'


Les choses deviennent effectivement beaucoup plus claires...

'- Mais avec ce qui reste, qu'est ce qu'il est possible de faire ?
- Hé, c'est que ça va très vite... il faut payer une nounou, et la garderie... avant, tout ça c'était gratuit, mais maintenant, il faut payer... et c'est pas donné ! Et ça n'arrête pas d'augmenter... d'ailleurs c'est bien simple, tout n'arrête pas d'augmenter, ça se voit tous les mois... le problème, c'est que les salaires n'augmentent pas aussi vite... enfin, pour les jeunes qui bougent, ils augmentent déjà pas mal, le plus dur, c'est pour ceux qui refusent de bouger...... mais vous avez certainement faim, je discute, je discute...'

Adam me tient à nouveau l'épaule... 'si vous avez besoin de quoi que ce soit, sonnez, je descends.
- Justement, oui, on hésite sur la destination à prendre... peut-être auriez vous une idée d'un itinéraire... on vise la Lituanie, mais on hésite entre Pozńan et Gdańsk, on voudrait...
- Y'a pas à hésiter : il faut aller à Gdańsk... ah oui oui oui : il faut voir Gdańsk, il n'y a même pas à hésiter...
- Qu'y a-t-il à y voir ?
- C'est magnifique, vous verrez... c'est au bord de la mer, la vieille ville est magnifique, avec des bâtiments sublimes... et puis c'est aussi là que tout a commencé, il faut aller voir le chantier naval, c'est la ville de Wałęsa, bien sûr, de Solidarnosc, ...'

Et le voilà reparti sur le chemin de la politique...



...

Après avoir encore longuement parlé, un vol de cygnes est passé au dessus de nous... Adam a regardé le ciel, s'est aperçu qu'il faisait déjà nuit... alors il s'est excusé d'avoir tant parlé, et nous a rappelé de sonner si nous avions besoin de quoique ce soit...

Une dernière main sur l'épaule, un 'dobranoc', et sa main est partie, secouée couillonnement tandis qu'il rentre retrouver sa belle en s'amusant à voix basse... 'Hou la la, ça va râler !'...

* Plus de détails sur le festival sur la page traduite de l'anglais, sur le lien suivant.

mardi 28 juin 2011

Vous l'avez tant attendu, le voici enfin : le résultat de sondage !!

Avant que nous ne passions à la suite du voyage, il est grand temps de dévoiler le résultat du sondage 'qu'est ce que le bonheur', que vous attendez tous avec impatience...

Ces résultats sont effectivement très intéressants pour la suite du voyage, car à partir de maintenant, nous allons mettre les pieds (et les roues) dans des pays qui ont connu jusqu'à il y a 20 ans à peine des idéologies très différentes, héritées du communisme, et qui à présent 'apprennent' à devenir 'occidentaux'...

Pour pouvoir les noter par la suite, il est donc très important de disposer d'une échelle de 'valeurs', ou plutôt d'une échelle de la notion du bonheur occidental, que voici enfin :


A la 10ème place, ex_aequo : l'ordinateur, et l'éducation de sa progéniture
A la 9ème : bavarder au téléphone
A la 8ème : Cuisiner
A la 7ème : Faire du lèche-vitrines
A la 6ème : Regarder la TV


Alors, vous vous êtes déjà reconnus ? Pas encore ? C'est sûrement que votre conception du bonheur est dans le top 5 ! Continuons...

5ème : faire du sport
4ème, au pied du podium : prier, ou méditer

… certains parmi vous se reconnaissent déjà ?

Attention, on arrive enfin dans le trio de tête... allez-vous y trouver votre idée du bonheur ??...

3ème : la relaxation.
2ème : les rencontres, les rapports sociaux.

Et enfin... à votre avis, qui arrivera en tête ?

Et oui, merci d'avoir été honnête et d'avoir bravé le tabou : le grand gagnant du bonheur, le number one, c'est effectivement le sexe !


Nous allons donc dès à présent garder ce classement en tête pour voir si nos voisins d'Europe centrale sont devenus 'de bons occidentaux'...


N'hésitez bien sûr par à réagir !

lundi 27 juin 2011

Réponse devinette n°3 !

Alors, trouvé ?

Si vous n'avez toujours pas trouvé, c'est un flagrant déli : vous n'avez toujours pas regardé Good bye Lénine !!

Il vous reste une ultime chance de comprendre ce que fait ce bocal de cornichons dans la boutique du musée de DDR, avant que nous ne tournions pour de bon la page pour la Pologne... allez allez !

Pour les bons z'élèves qui auraient déjà la réponse, voici ci-dessous pour clore cette partie 'DDR' une petite blague bien wessie, de l'époque où on pouvait encore se moquer... (tst : toi, là, t'as pas vu le film, alors ouste ! T'as pas le droit de lire.....)

---

Un ossie meurt. Pan.
Vu que cet ossie n'était pas un bon chrétien, il est directement conduit en enfer...
Arrivé en Enfer, on lui donne à choisir entre l'Enfer de l'Est et l'Enfer de l'Ouest.
Notre bon ossie, qui pour une fois a le choix, se pose évidemment la question que tout le monde se poserait:
'- Hé bien, que se passe-t-il dans l'Enfer de l'Ouest ??
- C'est simple, tu es pendu à une croix, on t'asperge de poix et d'huile, et on te met le feu...
- Hé ben... et... que se passe-t-il dans l'Enfer de l'Est ?
- C'est simple aussi : tu es pendu à une croix, on t'asperge de poix et d'huile, et on te met aussi le feu...
- mais : y'a pas de différence, c'est la même chose !!!
- Moui... enfin presque : dans l'Enfer de l'Est, une fois il manque les clous, une fois les planches, une autre fois la poix ou les allumettes.......'

Und das war die gute alte Zeit ;-).....

Sur les chemins de traverse de l'ex DDR (2/2)

Pour rejoindre le point de passage de frontière le plus proche en évitant la nationale, nous avons trouvé un réseau de petites routes de goudron... avec de gros nids de poules. Nous approchons peu à peu du lit de l'Oder, la frontière naturelle avec la Pologne, un fleuve large et peu profond qui s'étend tout à son aise à chaque hiver. Ces petites routes se retrouvent sous l'eau, qui bien évidemment finit par geler et créer de petites poches sous l'asphalte, qui s'affaissent au retour des beaux jours...

Un vrai cagnard... le vent atténue bien sûr cette chaleur, mais il est si puissant que nous sommes obligés de rouler 'posés' sur lui, légèrement inclinés de biais, tout en zigzaguant entre les gouffres qui jalonnent la voie... et qui finissent par être de plus en plus nombreux... d'ailleurs, il ne reste bientôt plus que quelques lambeaux de goudron... et voilà, on y est : Sophiental est un cul de sac. La route s'arrête ici, à 3 km du fleuve... au delà, ce sont des joncs, des peupliers et des herbes hautes...

La carte nous aurait donc menti ?... nous faisons un tour rapide de ce minuscule hameau : il n'en repart qu'un tout petit chemin de terre, qui conduirait à un point de baignade... il semble partir vers le fleuve... au point où on en est, après tout, pourquoi pas...

Le petit chemin de terre finit par être un chemin de sable assez casse gueule, avant de rejoindre une digue au sommet de laquelle nous retrouvons une allée d'autobloquants. Il ne faut jamais douter... on finit toujours par retrouver sa route !...

Le point de baignade n'est pas loin : il s'agit d'une sorte d'étang, au milieu de vastes étendues de joncs. Nous y rencontrons une autre dame. Quatre vingt deux ans, nous dit-elle... nous lui en aurions donné au moins dix de moins. Elle est venue se baigner, et écouter le chant des oiseaux.

'Il y en a de nombreux par ici... mais il est encore trop tôt. En attendant, je me prélasse sous les saules, entre deux baignades'.

Non loin de là, un pêcheur prépare ses lignes pour la nuit... 'Il y a de jolies carpes ici... mais il est trop tôt pour que ça morde : j'attends le soir... c'est la nuit que ça mord le mieux...'. En attendant, il nous montre un joli brochet qu'il a remonté au petit jour.

Surpris de voir d'aussi beaux spécimens dans une aussi petite 'flaque', je lui demande si c'est bien de là qu'il l'a sorti.

Il nous explique que lors des crues d'hiver et de printemps, l'Oder déborde très largement de son lit. En se retirant, elle laisse de nombreuses poches d'eau qui restent ainsi, comme des petits lacs épars, et dans lesquels pas mal de poissons friands de vers et autres friandises se fond piéger. Si certaines de ces poches s'évaporent complètement (les poissons qui s'y trouvent finissent dans ce cas soit par être ramassés , soit par sècher tout simplement sur place), d'autres poches en revanche persistent toute l'année, et il est même possible d'y pêcher en été, ou de s'y baigner.

Les lignes sont prêtes, notre pêcheur nous demande de l'excuser, mais s'il veut être d'attaque cette nuit, il lui faut piquer un bon somme. Nous le laissons rejoindre sa petite tente et retournons à l'ombre des saules, vers notre octogénaire pétillante.

'Vous venez de France ? J'ai bien connu la France... c'est peut-être un des pays les plus beaux au monde... la Provence et ses champs de lavande, Paris, la Bretagne, les Alpes... vous avez un très joli pays, vraiment... mes 3 fils parlent français. J'ai voulu qu'ils le parlent. C'est important de connaître plusieurs langues... ça ouvre sur les choses...'

Un joyeux groupe de jeunes débarque à cet instant. De lourdes caisses de canettes sont posées à terre, les T-shirts volent, les jupes descendent, et nous assistons le plus simplement du monde à un changement de tenue complet avant baignade... nous avons beau le savoir, nous ne nous y faisons toujours pas... notre interlocutrice n'a rien raté de nos airs surpris et s'en amuse... encore un trait de culture...

Nous restons là, silencieux, à regarder se balancer les joncs.

L'un des jeunes finit tout de même par s'approcher de nous, intrigué par notre monture.
Baraqué comme un videur, un large tatouage sur l'épaule.

'- Vous faites combien de bornes par jour avec ça ?
- Environ 60, c'est variable.
- Et vous dormez où ?
- Ça dépend... des fois en camping, des fois en sauvage, parfois en auberge... pourquoi ?
- Je fais aussi du vélo, et je me pose des questions... j'aimerais partir comme ça, mais sans matériel... c'est trop lourd et on avance pas... je pars comme ça, je roule douze heures, et je rentre... mais j'aimerais bien aller plus loin, et il faudrait faire ça sur plusieurs jours...
- Douze heures de vélo ???
- Ben oui, ça fait environ 300 bornes... mais je m'entraîne beaucoup aussi...
- ...
- Et vous venez d'où comme ça ?
- De France.
- De France ? Mais vous parlez très bien allemand, j'ai même pas remarqué !...... sans vouloir vous vexer, on m'a toujours dit que les français étaient trop fiers pour parler une autre langue...'

… nous rions : ce n'est pas la première fois que nous entendons ça, et certainement pas la dernière... Pour lui montrer que nous ne sommes pas rancuniers, nous lui demandons à quoi son groupe de copains est en train de jouer.



'- C'est un jeu scandinave... cela s'appelle la tour viking. Ça fait quelques années que c'est arrivé chez nous... c'est sympa.
- Et on y joue comment ?
- Il y a 2 équipes, de chaque côté du terrain où sont posées des tours, et 2 rois au milieu. Le but est d'abattre les tours en jetant des bouts de bois tour à tour. Quand toutes les tours ont été abattues deux fois, on peut viser les rois...
- Les tours sont placées comment ?
- Chaque équipe choisit où les placer... la plupart sont mises à l'autre bout du terrain par rapport à l'équipe adverse, mais l'astuce est d'en mettre aussi quelques unes aussi prêt que possible du Roi : si en visant une tour, le Roi tombe, l'équipe qui a lancé le bâton a perdu... c'est pas mal comme jeu... et l'intérêt, c'est qu'on peut y jouer nombreux, à 8, 10 ou même plus !'

Ses copains s'impatientent et l'engueulent déjà : c'est son tour... il nous demande si nous restons pour la nuit... nous hésitons, et finalement déclinons l'invitation... peut-être parce que nous n'osons pas, peut-être parce que nous souhaiterions être dès ce soir en Pologne, peut-être parce qu'il fait trop chaud, ou à cause des moustiques... bref, l'instant pour décider était trop court, alors on a refusé, presque automatiquement... bêtement, comme trop souvent.

Notre baraqué s'en va, nous lance un 'au revoir !' pas trop mal prononcé, nous saluons notre aimable octogénaire qui nous confirme que la digue nous mènera à bon port, et reprenons notre route...


Rouler sur une digue... c'est encore plus abrutissant que de rouler sur un bord de canal... c'est monotone au possible, c'est plat, et bien sûr, c'est encore plus exposé au vent...

Les saules saluent notre passage en peuplant l'espace d'innombrables petits flocons de pollens. Ces derniers voltigent sur l'allée de pavés, tournoient encore en petits tourbillons autour de nos roues avant de s'en aller terminer leur course sur le bord de l'allée, en deux lignes cotonneuses plus ou moins denses...

En retrait, régulièrement espacées, quelque esprit malin a eu l'idée saugrenue de poser des bornes kilométriques... tous les cents mètres. C'est déprimant au possible... Nous avons 15 bornes à faire, ou plutôt 150... non, sérieux, y' a pas plus chiant que de rouler sur une digue...

Parfois, le lit de l'Oder se rapproche. De l'autre côté, la Pologne... mêmes saules, mêmes joncs, mêmes flaques... toujours étrange, ce concept de 'frontière'...

Notre dernière interlocutrice nous avait raconté qu'à la fin de la seconde guerre mondiale, ce lieu avait été le dernier rempart avant l'assaut final sur Berlin. Les affrontements auraient duré 70 jours...

Deux mois et demi à bombarder gaiement, à grenader et labourer le terrain, avant que les troupes russes ne finissent par prendre le dessus et n'aillent poser symboliquement leur étendard sur le Reichstag en ruine... de nombreux obus seraient encore ensevelis sur ces rives.

'Vous verrez, de toute façon, en passant à Küstrin : la ville a été coupée en deux et la partie polonaise n'a pas encore totalement été reconstruite...'

Küstrin, point de passage, où nous arrivons enfin... nous rejoignons un axe principal, empruntons un très long pont par dessus l'Oder, et arrivons effectivement à une moitié polonaise : Kostrzyn.

samedi 25 juin 2011

Réponse devinette n°2 !

Vous l'aurez très certainement reconnue, cette drôle de chose : c'est bien évidemment la Tour de Télévision (Fernsehturm), devenue tout aussi symbolique pour la capitale que ne l'est l'ours.


Mais connaissez-vous en l'histoire ?

Cette Tour édifiée en 1969 par Fritz Dieter et Günter Franke était la fierté du régime communiste (hé oui, elle se trouve dans Berlin Est !), et est à présent le symbole de la ville réunifiée.

Visible partout ou presque dans la ville, elle était censée défier la partie ouest et porter très haut (368m, soit 24 de plus que la Eiffelturm... euh, la Tour Eiffel) les couleurs de la technologie est-allemande.

Aujourd'hui, elle se visite (plus d'un million de visiteurs par an!), et l'ascenseur vous propulse à 200m au dessus des mortels en 40s à peine...

… Mais les plus attentifs parmi vous demanderont sûrement 'Mais quel est donc le rapport avec la page de menu ?'...

Vous l'aurez très certainement noté, il s'agit d'une carte typique d'Allemagne à cette saison : la saison de l'asperge ! Crème d'asperge, soupe d'asperge, salade d'asperge, en gratin, en cocktail barbecue... les allemands savent tout ce qu'il y a à savoir sur l'asperge !

Mais cela ne vous dit toujours pas pourquoi cette page s'est insérée au milieu des 6 autres images de la Tour... c'est très simple : les berlinois très irrévérencieux pratiquent un petit sport bien à eux qui consiste à trouver des surnoms ridicules aux monuments historiques de la ville.

Ainsi, la Chancellerie est-elle surnommée la 'machine à laver' et Mollecule Man (45T et 30m de haut tout de même) affublé d'un sobriquet ridicule ('demi portion', quand ce n'est pas 'le grand gruyère)).




Bref, vous vous en doutez, la Tour de la télévision ne fait pas exception et est très largement surnommée 'die Spargel' : l'asperge...


… allez, nous vous laissons encore un peu cogiter sur la dernière devinette (elle n'est vraiment pas difficile), avant de clore pour de bon ce petit tour de RDA...

Le Putsch de l'Ampelmann

Plus anecdotique, voici une petite histoire qui nous raconte comment un petit personnage bien de l'Est menacé de disparition après la chute du mur s'est aussi fait sa place après 89, en se propageant même à l'ouest ! Comme quoi, tout n'était pas forcément à jeter à l'Est !;-)



'Né en 61 à la grande époque du mur, le célèbre feu pour piéton de la RDA – connu sous le nom d'Ampelmann – a été sérieusement menacé d'extinction en 1994.


C'est alors qu'un designer industriel eut l'idée lumineuse de le reconvertir... en lampe rouge et verte !



Ainsi, 5 ans après la réunification, le bonhomme de l'Est fit un come-back fracassant.

En quelques années, le comité pour la sauvegarde des Ampelmännchen a imposé sa silhouette replette dans l'ex Berlin Est bien sûr, mais aussi dans l'Ex Berlin Ouest... et jusque les départementales des autres Länder !

Un vrai putsch médiatique.

En 2004, des Ampelmädchen – le pendant féminin des Ampelmännchen – ont même fait leur apparition à Zwickau, ville du Sud Ouest de la Saxe'...

(Article tiré du Guide évasion Hachette)

Offre d'emploi de DDR !

Il faut aussi se méfier de tout ce qu'on raconte dans l'Est... on entend partout dire que les jeunes ne trouvent pas de boulot... nous nous en allons vous démontrer que ce ne sont que mensonges éhontés : voici d'ailleurs une offre d'emploi destinée aux jeunes.

Il s'agit d'un CDD de 6 mois. Nous demandons aux candidats de parler anglais, français et russe, quelques notions de chinois et de frison seraient très appréciées. Niveau Bac+3 requis. Une expérience semblable d'un an serait un plus indéniable.

Les candidats seront également soumis à des tests physiques et subiront un examen de santé poussé destiné à déceler toute allergie ou carence alimentaire.

Illustration de l'offre en PJ.


… Méfiez vous de la propagande communiste !!

Rappel : DDR = Demokratische Deutsche Republik, soit en français la RDA (République Democratique d'Allemagne) 

L'ostalgie ne serait-elle qu'une vieille rengaine ?

Ce 'on n'était pas si malheureux qu'on le dit en RDA' qu'on entend de manière récurrente quand on laisse traîner un peu l'oreille coule un peu comme une rengaine des ex Länder de l'Est, et si un jour, vous vous rendez dans le musée de la DDR dont nous avons déjà parlé, vous trouverez très certainement de nombreux écrits allant dans le même sens... un carnet y est en effet ouvert, et chacun est libre d'y laisser ses impressions concernant cette époque et son quotidien d'aujourd'hui.

Au fil des pages, le public met en évidence les lacunes de l'Allemagne actuelle au regard de 'l'ancien régime de l'est'.

Il y a bien sûr à boire et à manger, mais la lecture de ces petits carnets est passionnante, et vous y retrouverez très souvent les mêmes thèmes : poids de l'incertitude, augmentation des inégalités, de la précarité, accentuation des individualismes...




Connaissant l'esprit civique allemand (que nous avons déjà longuement dépeint), je ne peux m'empêcher d'imaginer le désarroi qu'un ossie ressentirait en France... mais il y trouverait tout de même un point de satisfaction, concernant une réelle faiblesse d'outre-Rhin : les mesures visant à lutter contre les difficultés d'emploi non pas des jeunes (...), mais des femmes.



C'est un trait assez allemand : longtemps, la place de la femme a été 'à la maison', à s'occuper des poupons... la longue période d'études (dont nous avons également parlé sur le site) n'aide évidemment pas à concilier à la fois vie professionnelle et vie privée. Il faut donc choisir : être mère ou être active (ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le taux de natalité de l'Allemagne est parmi les plus faibles du monde)...

Les structures en place n'arrangent rien à tout cela : rien n'est traditionnellement fait pour 'soulager' les éventuelles mamans rebelles qui souhaiteraient tout de même concilier ces deux vies.

Si vous discutez un peu de la France et de solidarité avec des allemands, ils vous sortiront presque toujours le même exemple, qui leur fait tant défaut : notre système de garderie ainsi que nos structures d'assistantes maternelles.

A tel point qu'à l'approche de nos frontières, certaines mamans allemandes n'hésitent pas à aller faire garder leurs enfants par quelque nounou alsacienne, ou inscrire leur protégé de l'autre côté du Rhin, dans une garderie ou même une maternelle bilingue.


Si cela a pu valoir à bien des mamans de nombreux griefs (ou reproches tacites), leur faisant sentir à quel point elles sont indignes d'être mères, la situation tant à évoluer petit à petit depuis la chute du mur, surtout depuis que les Länder de l'Est, traditionnellement 'lapins' dans l'âme, ont fini par avoir des taux de natalité aussi ridicules que leurs homologues de l'ouest...

Ainsi, et ce n'est pas si vieux, des mesures sociales phares ont été appliquées depuis 2007, allouant aux femmes davantage de facilités telles qu'aménagement de temps de travail, augmentation des indemnités de maternités, augmentation des temps de maternité et de paternité (un couple qui vient d'avoir un enfant disposent ainsi de 3 ans de congés à se répartir comme ils le souhaitent!), mais aussi… création de crèches et de garderies !

Si cela nous semble 'couler de source', ces établissements n'existaient jusque là que très peu à l'ouest, voire même pas du tout et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le guide Hachette y fait mention en parlant de l'esprit civique particulièrement sensible de Berlin avant 1989...

Exactement ce que 'réclamaient' bon nombre d'ossies : l'ostalgie n'est pas qu'une histoire de vieille rengaine !...


(Pour plus de détails concernant ces mesures, voici ci-dessous un extrait du portail Wikipedia de l'Allemagne).


Le taux de natalité de l'Allemagne est l’un des plus faibles du monde (8,25 pour mille) et son accroissement naturel est négatif depuis les années 1980 pour les 11 Länder de l'Ouest. Jusqu'au début des années 1990, les cinq Länder de l'Est avaient un taux de fécondité bien plus élevé qu'à l'Ouest, mais la natalité de l'Est est aujourd'hui aussi faible que celle de l'Ouest. Une des raisons de cette faible fécondité réside dans la difficulté pour les femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle. D'habitude, les mères restaient à la maison et n'avaient pas recours à une aide extérieure. Durant longtemps, la RFA a été réticente à toute politique incitative qui lui rappelait l'époque nazie ou communiste de la RDA. La coalition CDU-SPD a pris une série de mesures, sous la houlette de la ministre de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse, Ursula von der Leyen qui bouleverse la politique familiale. En 2007 un salaire parental a été créé. Il vient s'ajouter aux allocations familiales. Le parent qui arrête son travail pendant un an, touche une allocation représentant 67 % du salaire perdu, avec un plafond de 1 800 euros et un minimum de 300 euros[22]. La ministre a décidé la construction de 500 000 places de crèches d'ici à 2013 pour les enfants de 1 à 3 ans. Aujourd'hui, seuls 5 % à 9 % des besoins des Länder de l'Ouest sont couverts. L'aménagement du temps de travail, indispensable au développement de toute politique familiale, commence à entrer dans les négociations collectives.
Actuellement, la population allemande n'augmente que grâce à un solde migratoire positif. Mais on peut constater des disparités de situation. Le solde migratoire est négatif à l'Est. Le taux de chômage y est très élevé. Les Ossis migrent vers l'Ouest à la recherche de meilleures conditions de vie.
Pour résoudre le problème du financement des retraites, les assemblées allemandes ont choisi d'élever l'âge légal du départ à la retraite de 65 à 67 ans entre 2012 et 2029[23].
L’Allemagne accueille plus de 7,3 millions d’étrangers, parmi lesquels les Turcs forment la plus importante minorité avec 2 millions de ressortissants[24], devant les Italiens, les Polonais, les Russes et les Grecs.

Letschin, pause de midi

Alors que nous terminons notre casse-croûte, notre petite dame émerge peu à peu de ses songes et semble toute surprise de nous voir apparaître...

'- Bonjour !
- Bonjour...
- Vous avez bien dormi?
- Très bien merci !
- Les klaxons ne vous ont pas dérangé ?
- Vous savez, à mon âge, on dort toujours bien... surtout par cette chaleur !
- vous avez bien de la chance...
- Et d'où vous venez comme ça ?
- De Berlin.
- Et vous faites du vélo par cette chaleur ? Mais vous êtes fous !...

Nous rigolons... nous avons déjà l'impression d'avoir entendu ça quelque part...

- Nous aimerions aller en Pologne, tout en évitant les grandes routes, vous pourriez peut-être nous renseigner ?

Et voilà, en quelques phrases, avec une petite gueule bien sympathique, nous avons le droit de poser à notre tour nos fessiers sur le banc public.


- Vous venez de France ? Ah, j'y suis allée il y a bien longtemps... il y a bien quinze ans de cela... c'était très joli. C'était en allant en Espagne, un voyage organisé. Nous sommes allés au Mont Saint Michel... c'était formidable, vous savez... c'est qu'à mon époque, on n'avait guère l'occasion de voyager, alors quand on a pu, on a essayé de le faire autant que possible...
- A votre époque ?
- Hé oui, j'ai bientôt 77 ans... j'ai passé une bonne partie de ma vie à travailler, et c'était encore le temps où il fallait demander ses congés... tout le monde n'y avait pas droit vous savez... alors évidemment, quand les frontières se sont ouvertes, on a tous voulu y aller !
- Où êtes-vous allée encore ?
- En Espagne, en Grèce, en Italie... c'est magnifique de voyager... et vous, vous allez où au fait ?
- A Saint Pétersbourg...
- A vélo ?!
- Oui... enfin, on fera ce qu'on pourra... mais c'est l'idée oui...
- mon dieu... vous avez raison, vous êtes jeunes... quand vous y serez, il faudra absolument aller voir l’Ermitage, c'est un endroit magnifique ! J'y suis allée aussi, vous savez...
- Après l'ouverture des frontières ?
- Non, non, non, c'était avant ! Il y avait aussi des voyages organisés. Je suis allée en Russie comme ça. Puisqu’on apprenait le russe à l'école, on avait des bases, et on arrivait à se débrouiller... aujourd'hui aussi, je pense que je me débrouillerais.
- Et vous n'avez pas l'intention d'y retourner ?
- Allons jeune homme... j'ai 77 ans ! Si je devais encore faire un voyage, ce serait bien en France... mais je suis vieille maintenant... c'est vraiment un beau pays... et avec une si belle langue... après tout, qui sait... vous avez peut-être raison, pourquoi pas...
- Et ici, qu'y a-t-il de joli à voir ?
- Oh, ici, vous savez.... pas bien grand chose ! Il y avait dans le temps une grande caserne pas très loin d'ici, vous avez sûrement dû la voir en venant. Après l'ouverture des frontières, elle a été fermée, et pas mal de marchands n'ont plus pu joindre les deux bouts... et peu à peu, les gens sont partis... alors il ne se passe plus grand chose...
- C'est difficile de trouver du travail ici ?
- Pour les jeunes, oui : presque la moitié d'entre eux n'en ont pas ! Alors ils partent presque tous, bien sûr... on se retrouve que les vieux !
- C'est plus lié à la fermeture de la caserne ou c'est plutôt que la vie est devenue plus difficile depuis ces vingt dernières années ?

Après quelques secondes d'aspiration, comme pour mieux prendre le temps de la réflexion, notre interlocutrice pousse un profond soupir avant de se lancer.

- ... non, on ne peut pas dire ça... on a quand même eu de bonnes choses ces dernières années. Si si, ça s'est tout de même bien amélioré, on n'a pas à se plaindre... regardez, j'ai un petit supermarché à côté de chez moi, et je peux faire mes courses comme je veux, quand je veux. Je ne manque de rien... j'ai une petite retraite, ce n'est pas beaucoup, mais cela suffit tout de même... et puis comme je vous l'ai dit, on peut aussi voyager aujourd'hui, c'est une chance formidable...
- Alors finalement, c'est mieux qu'avant ?
- Pour moi oui, comme je vous le dis... mais pour les jeunes, non...
- A cause de la difficulté de trouver du travail ?
- Pas uniquement, non... vous savez, quand le mur est tombé, on était tous contents ! Nous, nous allions avoir de tout dans les magasins sans avoir à faire la queue pour faire ses courses, et les wessies étaient aussi tout contents d'avoir un nouveau marché à alimenter...... vous savez, on n'était pas pauvre : la difficulté n'était pas d'avoir de l'argent, on en avait... mais de le dépenser ! Il n'y avait rien dans nos magasins... quand les nouveaux supermarchés sont arrivés, c'était formidable : on a pu acheter tout ce dont on avait besoin, et facilement ! Mais le problème, c'est qu'on est vite tombé dans le panneau : il y avait toujours quelque chose de nouveau à acheter... et beauuuucoup, beaucoup de gens se sont perdus comme ça... ils se sont mis à acheter beaucoup de trucs, de machins, des choses inutiles pour lesquelles ils ont dû prendre des crédits, et c'est comme ça que tout a commencé...
- Vous dites que vous étiez riches ??
- J'ai travaillé dans une raffinerie. Une raffinerie de sucre. On faisait du bon sucre, vendu aussi bien à l'est qu'à l'ouest ! On était bien payés, oui... mais comme je vous l'ai dit, cela ne nous avançait à rien, puisqu'on ne pouvait pas s'acheter ce dont on avait besoin... ou alors il fallait avoir des marks de l'ouest...
- Des marks de l'ouest ??
- oui... il y avait des magasins spéciaux, où on pouvait acheter certaines choses que nous ne trouvions pas ailleurs... et où il fallait payer avec des marks de l'ouest...
- Mais, comment vous faisiez pour en avoir ?? C'était sûrement interdit, non ?
- Bien sûr que c'était interdit, mais les 10 000 d'en haut en vivaient ! Du coup, tout le monde fermait les yeux...
- Mais alors, c'était possible d'avoir certaines denrées 'superflues' ?
- Si vous aviez un peu d'argent de l'ouest, oui...
- Et vous ne le faisiez pas ? Vous n'aviez pas d'argent de l'ouest ?
- Le problème, ce n'était pas tant de trouver de l'argent de l'ouest que de le dépenser sans attirer les soupçons... vous savez, on était tous pareils, et on s'entraidait normalement. Celui qui sortait des marks de l'ouest s'attirait des ennuis... pas forcément de la police, mais des voisins... c'est d'ailleurs le problème aujourd'hui... et c'est là que je voulais en venir pour les jeunes : c'est qu'on n'est plus égaux...
- C'est à dire ?
- C'est simple : beaucoup de jeunes d'aujourd'hui n'ont pas de travail... ils touchent bien un quelque chose, parfois même plus que ma retraite, mais même si c'est assez pour vivre, ils ne peuvent pas être heureux, parce que ceux qui travaillent peuvent s'offrir des choses que les autres n'ont pas. Même s'ils n'en ont pas besoin... D'un côté, certains deviennent arrogants, d'autres envieux... vous savez, nous les vieux, on s'est vite rendu compte qu'on nous faisait acheter plus que ce dont on avait besoin... mais les jeunes, ils ont besoin de faire leur preuves... et ils pensent que plus ils en ont, plus ils prouvent qu'ils ont réussi... et évidemment, ça ne rend personne heureux...
- Puisque vous parlez d'être heureux : pour vous, c'est quoi le bonheur ?

… notre grand mère philosophe rit de bon cœur...

- le bonheur, vous savez, c'est pas quelque chose de compliqué... ce sont toutes les choses simples... venir dormir sous un arbre, c'est déjà bien... se promener, voyager... discuter aussi... c'est un peu ce qu'on a perdu au fond... aujourd'hui, tout le monde a fini par rester devant sa TV, on ne fait plus de veillée ou de petites fêtes comme on pouvait en faire... c'est ça qui a changé aussi. On n'avait pas beaucoup avant, c'est vrai, mais on n'était pas si malheureux que ça quand même, vous voyez, on s'arrangeait ensemble... mais excusez moi, je parle, je parle... et vous avez encore bien du chemin à faire...


Notre mamie a bien raison : il va être temps d'y aller.

Nous remercions une n-ième fois, rangeons nos sacs, enfourchons notre monture, et après quelques derniers coucous de la main, nous repartons au son d'un 'Alles Gute und gute Fahrt nach Petersburg !' chevrotant...

Idée de cadeau de Noël

Si d'aventure certains parmi vous étaient déjà au supplice en réfléchissant à quel cadeau il pourrait bien pouvoir nous faire pour Noël prochain, voici en attendant notre liste une idée qui nous est venue à un certain carrefour de nationale, qui serait peut-être à creuser...



Nous ne traduisons pas : ce serait trop facile ! (et surtout, vous savez très bien utiliser l'option de traduction de Google ;-) )...

Sur les chemins de traverse de l'ex DDR (1/2)

Rouler hors des grands chemins peut parfois donner mal a cul... cette 'petite Suisse' est jolie, mais pour la traverser de manière longitudinale, cap vers l'Est, les voies se font rares... alors nous empruntons les chemins de traverse... ce qui n'est pas toujours triste.

De fait, nous voici déjà depuis quelques kilomètres sur une drôle de 'route', espèce de voie cabossable pavées de gros bossages de grès rose... nous roulons à 10 km/h à peine, en veillant à ne pas coincer la roue entre deux de ces gros cailloux. Leur surface est lisse, poncée par le sable environnant, ce qui les rend encore plus redoutables... nous roulons donc tout sens à l'affût, équilibre précaire et muscles crispés. Difficile dans ces conditions d'être bien réceptifs à quoique ce soit...

Fort heureusement, la Commission Européenne a eu la bonne idée de débloquer quelques fonds pour aménager sur le bord de ces tord-boyaux des petites bandes d'autobloquants larges d'environ 60cm.  De grands panneaux flanqués du fanion bleu à étoiles nous le rappellent régulièrement.


Malheureusement, les rares véhicules que nous croisons en profitent pour ménager leur pneumatiques droits, et certains pavés sont déjà déchaussés...

Après une dizaine de kilomètres de tape-cul, un nouveau panneau nous apprend que la Commission a financé cette toute nouvelle piste cyclable tracée à travers bois, véritable petit tapis que nous dévalons avec grande joie... c'est un nouvel itinéraire de randonnée grande distance.



Les investissements européens dans la région sont nombreux... si tout le monde sait que l'ex Allemagne de l'Est est plus pauvre que l'ex Allemagne de l'Ouest, la différence Nord/Sud en revanche est beaucoup moins connue : le Nord est en effet également plus pauvre que le Sud, où l'on trouve les régions économiques phares de l'Allemagne (Baden Württemberg et Bavière en particulier). Le fameux 'C'est le noooooord' lugubre d'un certain Galabru prend également tout son sens outre-Rhin.

Alors quand on se trouve au Nord-Est, on a vraiment fait une mauvaise pioche...

Les projets autoroutiers pour désenclaver certaines régions, financés par les Länder de l'ouest ou par des fonds européens, sont donc nombreux, et les infrastructures énergétiques type énergies renouvelables se multiplient : éoliennes, panneaux solaires...

Tandis que nous quittons cette jolie petite suisse, cette réalité économique se dévoile peu à peu.

Les fermes, pour la plupart de vieux bâtiments de briques, sont en grande partie vétustes. Le matériel agricole accumulé de toute part a bien vieilli et est laissé à l'abandon.

Dans certains hameaux, les anciennes maisons qui bordent l'unique rue principale sont presque toutes à vendre. De vieux rideaux grisés derrières des vitres sales ou parfois brisées semblent témoigner d'un temps très ancien, depuis lequel ils n'ont plus été tirés... dans les campagnes alentours, de nombreuses éoliennes tournicotent au dessus de champs de blé ou d'orge plus ou moins clairsemés...

Les sols sont presque partout plats, mi ensablés, mi marécageux. Et lorsqu'ils sont légèrement vallonnés, les pluies orageuses les ravinent pour accumuler en leur creux d'épaisses couches de sable qui recouvrent peu à peu les quelques épis qui avaient déjà eu bien du mal à pousser...

Creuser les talus, encore et sans cesse relève d'un travail de Sisyphe.


Nous arrivons à un carrefour. Nous quittons l'itinéraire de grande randonnée, pour nous engager sur un petit bout de nationale. L'explosion soudaine de ces bolides qui déboulent devant nous à toute vitesse est une vraie incongruité...

Un groupe de supers motards pétaradants défile dans un grondement de tous les diables... l'un deux nous klaxonne, et une crinière rose/blonde postée à l'arrière se retourne pour lever en notre direction un poing ganté de cuir... la colonne est passée... le vent souffle à nouveau dans les boulots... étrange vision. Dans cette petite suisse, nous nous étions déjà habitués à la lenteur...

Belle ligne droite de 3km à travers bois... chose étrange, cette voie est bordée de bâtiments désaffectés. Nous trouvons une ouverture dans le grillage qui les entoure... alors forcément, nous allons y jeter un petit coup d’œil.


Au milieu de nulle part, un nom de rue : Karl Marx Allee. Il y a même un arrêt de bus. Des cages de foot sur un terrain en friche, des entrepôts, un château d'eau. D'anciennes routes de béton à moitié ensevelies sous des napperons de liserons. Des panneaux de circulation rongés par la rouille marquent encore certains carrefours. Un peu plus loin, un hangar, toujours debout. Il abrite des piles de poutres métalliques, de traverses de bétons, de plaques d’égout entassées pêle-mêle... de vieux câbles relient encore tout un réseau de tourelles métalliques sur lesquelles quelques cigognes ont élu domicile.

Un peu plus loin, un complexe de bâtiments de béton, tout aussi déserts, se découpe en formes cubiques sur la végétation environnante. En leur centre, une petite place, devenue joyeux bosquet. Quelques variétés d'arbustes décoratifs se sont épanouies, oubliant le temps lointain de la taille d'entretien : ils débordent allègrement sur les voies, où quelques racines de peuplier ont finit par crever le béton. Certaines plaques sont même déchaussées...


Tandis que nous avançons dans ces drôles de rues, un boucan de tous les diables surgit juste à côté de nous : nous avons juste eu le temps de nous  retourner qu'il a déjà bondi par dessus l'encadrement de la fenêtre... le voilà qui s'enfuit à toutes jambes... ou plutôt, à toutes pattes.

Ce pauvre chevreuil semble bien plus effrayé que nous ne le sommes, paniqué qu'il a dû être en glissant tristement sur le sol carrelé du bâtiment où il se nichait... le voilà déjà loin, réfugié quelque part entre boulots et pins... il n'en reste d'ailleurs plus grand chose de ce bâtiment: ni vitre, ni fenêtre, ni porte... la plupart des plaques de carrelage du seuil se sont décollées, les rambardes de la cage d'escalier ont été arrachées... les tapisseries, presque partout identiques, sont décolorées. Elles semblent toutefois connaître une nouvelle vie, accueillant quelques œuvres rupestres très explicites de coïtus d'homo sapiens sapiens. De la fenêtre d'un appartement du dernier étage, nous apercevons d'un coup d’œil l'ensemble du complexe. L'endroit a dû abriter au moins 1000 personnes. Au fond, dans un coin, un mirador, tour blanche à côté d'une cheminée de brique rouge. Deux véhicules viennent de quitter la nationale et de se garer devant le portail grillagé... il va être temps d'y aller.

Deux kilomètres plus loin, Neuhardenberg, drôle de bourg dont l'allée principale est large de cent bons mètres. La route n'en occupe qu'une maigre partie : un large champ bordé de hauts châtaigniers sépare les rives de cette longue avenue rectiligne... De chaque côté, des maisons grises se suivent, toutes semblables et décrépies. Au beau milieu des champs alentours, des rangées de hauts lampadaires surplombent bizarrement les cultures.

Le soleil plombe de nouveau... la fraîcheur salvatrice des forêts de saules, de frênes et d'aulnes de cette jolie petite suisse nous semble déjà un lointain souvenir... les quelques troncs qui bordent encore la route projettent de maigres îlots d'ombre à leur pied, bien insuffisants pour nous soulager... nous voici arrivés sur la grande plaine de l'Oder, uniformément plate et balayée par le vent... si les hélices hautes perchées s'en donnent à cœur joie, nos trois roues ont bien du mal à tourner... il est grand temps de faire la pause du midi.

Nous nous dénichons une toute petite placette au milieu d'un bled appelé Letschin.

De nombreuses banderoles sont accrochées sur les portails ou sur les façades de maisons, dénonçant un projet de stockage de CO2... éoliennes et panneaux solaires ne semblent pas être venus seuls...



Tandis que nous déballons popotes et bouteilles, plusieurs voitures passent à notre hauteur en klaxonnant. Sympa. Nous espérons seulement que nous arriverons à faire une petite sieste... une grand-mère non loin de là ne semble pas être dérangée le moins du monde. A l'ombre des saules, elle pousse un joli roupillon, bien calée sur son banc public...