mardi 5 juillet 2011

Saint Petelsbouuuuuuulg !

'- Combien pour ce parasol ?
- 60 slotis...
- 60 ? Mais c'est bien trop cher... je t'en donne 20, pas plus...
- Je ne peux pas te le faire à moins de 40...
- Et si je t'en donne 35 ?
… la femme qui tient ce stand le connaît trop bien... alors, elle accepte en souriant.

'Marché conclu !'

Notre hôte est un vrai numéro...

'Tiens, de l'adhésif électrique... je te prends un rouleau. Combien ?
- Je te les vends par 3.
Ce gars là semble aussi le connaître, mais ce n'est pas une raison...
- Tout dépend, tu me les fais à combien ?
- Tu l'as acheté combien ton parasol ?
- 30 slotis ! T'as du feu ?
- … allez, donne moi 5 sl, c'est bon...
Nous croisons le maire et son adjoint. Tous deux nous saluent très cordialement.

- Tu me prépares une bonne botte d'asperges hein, et des petites... je repasse tout à l'heure.

Sur un stand, je vois des armes. 'Haaa, non, jamais je n'ai touché à cela, et ce n'est pas aujourd'hui avec mes 75 balais que je vais commencer... je n'ai même jamais acheté de pistolets à mes gamins... des frondes, oui, mais aucune arme à feu...'.

Hop, une nouvelle clope.

- Bonjour, tu as des œufs aujourd'hui ? Donne m'en une vingtaine. Et je te prends aussi ton filet de patates.

C'est amusant... il bredouille quelques mots polonais au milieu de ses phrases allemandes, et vu que je les comprends, ça ne doit pas être du vrai bon polonais... mais les gens semblent s'être faits à son drôle de langage.

- Tiens, des rustines... combien ?
- Je te les fais 4sl...
- Je t'ai déjà pris ces rouleaux, là...
- Bon, 2sl, c'est bon ?
- C'est bon...

Nous passons récupérer les asperges, et allons au supermarché.
Il écrase la cigarette qu'il vient juste de s'allumer, machinalement.

'Non, ne prends pas ce pain là... il faut prendre celui au dessus de la pile : c'est le plus frais... n'achète pas d'eau : celle du puits est bonne, tu t'y serviras... ah, ça y est : le sucre est plus cher qu'en Allemagne... jusque là, j'y achetais déjà de l'huile et du lait... je sais pas où ça va mener tout ça... et merde, les patates sont moins chères ici... heureusement que je n'ai pris que 3 kg...'

… un drôle de type ce Gerhard. Je ne le sais pas encore, mais ce type a été décoré par la plus haute distinction allemande qui existe : la Bundestverdienstkreuz...

Mais ça, ce n'est pas lui qui me le dirait... le voilà qui jure de nouveau : il a oublié de prendre ses poubelles... il les dépose dans celles du magasin... 'cela lui évite de payer 50sl par mois pour le ramassage : cela n'a l'air de rien, c'est vrai... mais crois-moi, c'est une somme'...


Il nous a demandé peu après le petit déjeuner si nous avions bien dormi sous la tente, si nous n'avions pas eu trop froid ou trop chaud, avant de nous proposer de l'accompagner au marché... nous allions refuser, aussi bêtement que quelques jours auparavant avec les jeunes à la baignade, et puis nous avons pensé aux 2 kilomètres de piste de sable... un peu beaucoup pour aller chercher un peu de pain... alors nous avons accepté.

Eva est donc sa femme. Elle a à peu près trente ans de moins... C'est sa troisième femme. Il l'a rencontrée en Allemagne, vers Hambourg, du temps où il avait sa boîte. Mais il était avec une autre femme, avant de partir en Pologne. Pas pour Eva, c'était pour le boulot. Qu'il faisait grâce à son arrêt maladie suite à son accident de voiture... presque 2 ans d’hôpital...

… tout cela est bien confus... mais c'est à peu près ce que j'ai réussi à rassembler comme infos sur notre gaillard entre la négociation des rustines et du parasol...

Eva arrive tout juste : elle monte dans la voiture.

'- Tu sais combien j'ai payé ce parasol ?
- J'ai besoin de 20sl pour la pharmacie.
- Alors, combien ?
- Allez, dépêche toi...
- 35 sl, je l'ai eu pour 35, il en voulait 60 !
- Il faut qu'on passe chez Piotr.
- Comment il va ?
- Donne moi 20 sl.
- Aaah, les bonnes femmes...'

A côté de moi, sur le siège arrière, des paquets de cigarettes. C'est écrit en russe dessus.

'- Tu comprends le russe ? (il nous a ordonné de le tutoyer 'vers Hambourg, on se tutoie très vite'... cela n'a pas été difficile)
- Non... mais Eva oui...
- Il ne comprend même pas le polonais !...
L'accent d'Eva est délicieux...
- Le polonais est très compliqué...
- Tu n'as jamais vraiment essayé d'apprendre... prends à gauche.

Nous arrivons chez Piotr. Eva descend, nous attendons.

'Et si je peux demander, comment vous vous êtes rencontrés avec Eva... un allemand avec une polonaise, ce n'est pas courant ?...
- elle a travaillé pour moi.
- A Hambourg ?
- Oui
- Tu es donc sorti avec une employée ?
- Non, c'est une longue histoire... on s'est retrouvé bien plus tard... j'ai eu une autre femme entre-temps... une folle qui m'a envoyé des russes en mitraillettes...'

Eva revient.

'Alors, comment il va ?
- Ivre mort. Ça pue là dedans...
- Il ne peux pas continuer comme ça...
- allez, on y va...'

Piotr est leur homme à tout faire... mais il semblerait plutôt qu'il soit leur protégé. Il est dans une mauvaise passe... il passe tout son salaire en boisson, et manque à son travail... Gerhard ne semble pas trop savoir comment réagir...

'- C'est vraiment de la merde l'alcool... c'est comme les cigarettes.' Eva prend un paquet et le montre à Gerhard : tu vois, c'est écrit dessus, fumer tue ! Ils devraient mettre la même chose sur les bouteilles... et baisse la fenêtre !... alors, vous avez fait connaissance ?
- Ces jeunes gens se rendent à Saint Petersbourg... à vélo.
- A vélo ??
- Je te dépose au cimetière ?
- Non, non, finalement, elle ne viendra pas.... vous y allez à vélo ?

Je confirme : c'est bien l'idée...

Eva semble soudainement enchantée...

'Bon, alors je te dépose où... c'est tout bon, on rentre à la maison ?
- Mais non ! On ne rentre pas à la maison !'

Eva semble toute excitée... elle prend Gerhard dans ses bras, faisant tomber la cendre de sa clope...

'Rhooo.... bon allez, dis-moi quoi...'

'Hé bien c'est évident, non ?!'

Gerhard semble avoir saisi : il rigole, tandis qu'Eva ouvre grand sa fenêtre et passe la tête en poussant un merveilleux cri... 'Allez, on y va nous aussi.... c'est par là : Saint Petelsbouuuuuuulg !'


… son timbre est si clair, son accent si russe, sa joie si spontanée... c'est merveilleux... à l'entendre, nous y sommes déjà...


Ses joues sont roses lorsqu'elle rentre de nouveau la tête, ses épaules se soulèvent au rythme de sa respiration : elle est essoufflée et radieuse... Gerhard a aussi dix ans de moins...

Eva se retourne brusquement en me demande à brûle pourpoint :
- Et est-ce qu'il t'a dit ce qu'il a fait pour la Pologne ?...

… ce tutoiement soudain après un instant de rêve partagé me semble couler de source...

'Non... il a pas mal blablaté, mais j'ai du mal à recoller les morceaux pour être franc......'

Gerhard me fait les gros yeux, menaçant... 'jeune homme, tu ne sais pas sur quel terrain tu t'engages...'

Eva se marre...

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