Les retrouvailles avec dame Nature sont particulièrement agréables...
Une multitude de petits lacs aux eaux transparentes se succèdent. Leur surface est calme, pins et bouleaux s'y reflètent entre les nénuphars, en contours très nets. Une vague s'y dessine quand une belle nageoire y fend un sillon. De belles carpes.
Des libellules de toutes tailles et de toutes les couleurs virevoltent en tout sens, donnant la chasse en frottant parfois bruyamment leurs nombreuses ailes. Sur les rives, certains troncs sont grignotés... et nos pieds s'y enfoncent même par endroits. Quelques arbres ont été cerclés de grillage fin à leur pied pour leur éviter le funeste sort que ces petits rongeurs leur réservent...
Un plongeon non loin de nous attire notre regard : ce n'est pas un castor, c'est un ragondin. Il s'est jeté d'une de ces nombreuses touffes d'herbe volumineuses qui gagnent sur le lac. Entre ces touffes, quelques iris se frayent une petite place, en se mêlant aux joncs alentours. Quelques petits bouleaux enfin tentent l'aventure sur ces tout jeunes postes avancés.
L'endroit est parfait pour le repas du midi : il ne nous faut pas longtemps réfléchir pour poser nos derrières à même le sol, sur un tapis d'aiguilles, parmi pommes de pin et pieds de myrtilles.
Première sieste douillette du voyage...
Quelques rivières tout aussi limpides dessinent de jolis méandres.
De très vieux moulins en bois les bordent par endroits, la plupart du temps totalement délabrés. Les rares toits survivants sont en petites plaques de bois ou en chaume, comme la plupart des bâtiments que nous apercevons, fermes ou maisons.
Autour d'elles, nous rencontrons parfois quelques hommes, pantalons de velours à bretelles et chemises épaisses, la plupart du temps en train de faucher. A la faux.
Le geste est propre, mécanique. Pas un grain de sable.
Le visage est buriné, creusé par l'effort et le soleil. Des gueules de casting pour westerns spaghettis...
… ou d'émissions pour enfants. Selon l'humeur, les mêmes traits pourront glacer les sangs ou faire fondre de tendresse. Ils semblent être comme l'expression direct du cœur. Tantôt sauvages et méfiants, tantôt joviaux et accueillants. Pas de faux semblant.
Les sourires qu'ils nous offrent sont purs. Certains les qualifieraient de 'naïfs', comme ils qualifieraient les rires qui s'ensuivent... Nous préférons les qualifier de 'beaux', car ils sont simples, exprimés sans retenue. Aucun barrage, aucune digue. Une chose rarissime, que précisément, on ne rencontre généralement que chez les enfants.
L'attrait touristique du parc n'a bien sûr pas échappé aux voyageurs ou autres agents envoyés en mission aux avant postes par quelque centrale de voyages. Pour la première fois depuis notre départ, nous y croisons en effet quelques camping-cars allemands et néerlandais.
De vieilles fermes sont en cours de rénovation, conservant leur architecture et leur toit de chaume.
Nous dégotons d'ailleurs aisément pour la soirée un camping proposant wifi et bungalows aux toit de chaumes, situé bien sûr en bord de lac. La première offre 'touristique' croisée sur notre route...
Quelques voitures et camping-cars arrivent d'ailleurs les uns après les autres en cours de soirée. Tous polonais. De Varsovie et de Gdansk, qui n'est à présent plus qu'à une journée et demi de nous...
Une voiture vient de se garer sur l'emplacement à côté du nôtre. A peine la porte est-elle ouverte qu'un gosse de 4 ans environ en descend, filet à la main, et part en courant rejoindre la rive du lac.
Un ponton s'y avance, sur une vingtaine de mètres. Quatre hommes y surveillent des lancés. Mains dans les poches, immobiles. Le gamin au filet fait quelques pas sur le ponton, puis s'arrête net, pousse un cri et frappe la surface de l'eau avec son filet. Splasch ! Nos quatre pêcheurs se retournent. Et splasch de nouveau. Et encore...
Le gamin essaye d'attraper quelques alevins qui se promènent en petits groupes en eau peu profonde. Trente centimètres tout au plus. L'eau est claire, et le fond sableux. On y voie des stries, parallèles à la rive, creusées par les remous du vent.
Un des pêcheurs lui dit quelques chose. Le gosse s'arrête aussitôt. Un peu couillon, le pêcheur s'adoucit et l'invite à le rejoindre. Le gamin hésite (sûrement sa mère lui aura-t-elle interdit d'aller trop loin sur le ponton...), puis accepte l'invitation. L'homme a déjà enfilé sa main dans le sac au fond du seau. Quand le gamin arrive, il l'en sort et lui montre un beau gros gardon. Quelques mots, puis le gamin remonte le ponton en courant, tout sourire, rejoint la rive qu'il longe sur quelques mètres, et s'arrête juste à côté de nénuphars. A peine arrivé, le filet frappe de nouveau la surface de l'eau...
Ayant bien vu que nous les observions depuis un petit moment, l'un des pêcheurs remonte le ponton et vient à notre rencontre. Il ne parle pas un mot d'allemand, ni d'anglais ou toute autre langue étrangère. Mais cela ne fait rien : je suis bien trop curieux pour renoncer... j'y vais.
Premier rituel : montrer les prises de la journée. De jolis gardons, quelques perches. Ce à quoi il est toujours de bon ton de répondre par quelques compliments, pouce levé et lèvre inférieure ressortie. Tout le monde est content, les politesses sont échangées, les trois autres bonshommes se détendent à leur tour. Je peux dès lors prendre également la pause, me tourner vers les vagues, mains dans les poches et immobile.
Je remarque que leurs lignes sont montées différemment de ce tout ce que j'ai pu voir jusque là. Le bouchon est libre, et un plomb est monté en amont. L’appât est donc au fond, et le bouchon ne coule qu'une fois le plomb arrivé contre lui. Cela laisse plus de temps au poisson avant de se faire avoir... mais cela permet au moins à l'appât de ne pas se balancer étrangement au rythme des sursauts du bouchon. Une astuce adéquate au vent qui règne...
A l'aide de gribouillis faits sur un papier, je leur explique que nous avons un autre montage de ligne 'par chez nous' pour pêcher au fond, avec une olive, un émerillon et un bas de ligne. Le gars semble comprendre : il relève un de ses lancers, et me montre une autre monture tout aussi inconnue, apparemment destinée à la carpe. Nous sommes l'un est l'autre tout aussi intéressés par ces différentes techniques, mais malheureusement, nous n'arrivons vraiment pas à nous comprendre... les sourires se crispent peu à peu, les tentatives d'explication se font plus insistances, les 'rhoooo' se multiplient, tout comme les silences... et puis nous haussons les épaules, impuissants. Sourires contrits, emplis de frustration, nous ne passerons pas cette fichue barrière de la langue... je sens qu'il est temps de partir. Mon 'Chine couillée' suscite un dernier franc sourire, puis je quitte le ponton, à regret.
Non loin de là, la benne du petit tracteur en plastique orange contient déjà une petite dizaine d'alevins. Le gamin me regarde, méfiant, comme si j'allais les lui voler ou pire, les remettre à l'eau. Je m'accroupis, les compte avec le doigt. Le gamin sourit, fier de sa prise, et me baragouine un charabia que je ne comprends toujours pas... décidément, quelle drôle de chose que le langage.
La nuit finit peu à peu par tomber. L'heure d'affluence pour tout ce qui vole... tourterelles et rossignols s'en donnent à présent à cœur joie...
... et dans le même langage que leurs confrères à travers le monde...
… c'est décidément à en crever de jalousie...
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