La nuit n'a pas été longue... on peut même dire qu'elle fut très courte.
A cette latitude, la nuit de début juin se faire rare, et le jour se présente de nouveau dès 3h30... il nous a fallu si longtemps pour trouver le sommeil que nous ne sommes même pas sûrs de l'avoir bien trouvé... mais il est 7h, nous avons certainement dû l'apercevoir...
7h, et la tente est déjà un vrai four... Nous nous levons.
Andreij est déjà attablé avec une petite bière. Il nous fait un grand sourire, nous invite à le suivre : il nous montre que le vélo est toujours là, nous indique les douches... nous propose savon et shampoing. La dame au tablier nous salue également avec un grand sourire et une ribambelle de mots toujours aussi obscurs... la douche est bonne.
Les caravanes se dépeuplent peu à peu : de nombreux bleus de travail en sortent. Elles semblent ainsi loger plusieurs travailleurs en chantiers. Nous comprenons mieux l'embarras de notre hôtesse à notre arrivée : le camping est 'hors-saison'...
Ces messieurs nous snobent toujours autant... certains apportent quelques poubelles qu'ils rassemblent au cœur d'un cercle de pierre où quelques restes de détritus de la plage finissent de se consumer. L'air empeste le plastique fondu : la transition à la sortie de la douche est radicale.
Avant d'avoir encore plus mal au crane, nous prenons congés d'Andreij et de madame tablier : nous avons appris un mot, la veille, grâce à notre directrice de garderie : 'jean couillé' (prononcer jean comme le pantalon). Il a un effet miracle : nos deux hôtes rient.
Peut-être l'avons-nous très mal prononcé... mais ce n'est pas le plus important...
Nous sommes déjà quelques kilomètres plus loin, et le plastique fondu ne semble pas vouloir quitter nos narines... nous entrons avec elle dans Strzelce la ville suivante, au nom toujours aussi imprononçable, comme si le rationnement communiste avait aussi fini par affecter le nombre de voyelles par nom de ville...
Les piétons nous ignorent toujours autant... un homme, canette à la main, nous exprime toutefois toute la joie qu'il a à nous voir, il crie, fait de grands signes, avant de se rattraper tout juste au banc qu'il vient de heurter... un miracle qu'il ne s'écroule pas à terre... ma foi, c'est déjà un début...
Les rues sont toujours aussi peu praticables, tout comme les trottoirs, mais le centre a quelque chose.
Divers petits commerces y sont réunis : mercerie, coiffure, fleuriste côtoient des petites boutiques hétéroclites dans lesquelles il est possible de souscrire un forfait de téléphone portable ou s'offrir un téléviseur 81cm. Les costumes des vendeurs semblent trop longs et trop étroits... quelque chose cloche : peut-être l'expression de visage, d'une nonchalance ou d'un ennui extrême...
Quelques publicités sont collées sur le mur du HLM qui leur fait face. Ils nous indiquent la route à suivre pour trouver l'Intermarché (!)... cela tombe bien, nous avons besoin de faire quelques courses.
Beaucoup de saucisse, des salades variées (toutes à base de chou râpé : au fromage, au hareng ou au fromage), et une bonne collection de produits au hareng...
L'odeur de plastique s'est évaporée peu avant la caisse.
A la sortie de la ville, une autre pancarte publicitaire nous indique un Castorama. Il y est écrit en allemand que les frontaliers sont exonérés de taxes.
Nous bifurquons sur la droite, quittant l'axe de la nationale pour retrouver une départementale... ne sachant guère laquelle des deux est préférable...
La nationale est peuplée de poids lourds qui, même si 'respectueux' (Adam nous avait informé qu'une loi sévère venait d'être appliquée pour punir les conducteurs de poids lourds en cas d'accident avec des cyclistes : et effectivement, la plupart ralentissent très nettement avant de nous dépasser), restent tout de même dangereux : les traversées de villes pavées finissent en effet par desserrer un certain nombre de boulons, et il y a toujours quelque chose qui se décroche et part dans le décor... quant aux départementales, elles sont le plus souvent prévues pour des transports légers, mais sont tout de même empruntées par des 38T : chaque voie a donc une espèce de forme en w arrondi très peu confortable à vélo... sauf à rouler au milieu.
Enfin, nous pourrions de nouveau tenter les 'routes de traverses', mais nous comprenons très vite pourquoi notre interprète de la veille avait mis 2heures pour boucler 30km : les voies secondaires sont des pistes de sable plus ou moins tassé sur lesquelles il est très difficile de rouler... la roue avant ne cesse de chasser sur le côté, avant de se défausser soudainement... trop casse-gueule, et même à pied, trop épuisant...
La départementale enfile les petits villages comme le fil d'un collier de perles. Les visages des personnes que nous croisons sont toujours durs, et leurs regards nous fuient comme d'habitude.
Certaines jeunes mères ne doivent pas avoir vingt ans... leurs traits si jeunes ont quelque chose de bestial, un mélange de peine et de férocité, qui annihile toute douceur dans leur démarche. Épaules voûtées et seins encore plus lourds... notre embarcation nous paraît par moment encore plus blanche que blanche...
Certaines portent un sac plastique, contenant tantôt une salade, tantôt quelque carottes. Les basses-cours sont fréquentes et nous redécouvrons avec amusement la laideur des dindons : le poulailler sent toujours autant... nous y préférons l'odeur des écuries, ou encore celle de quelques scieries que nous dépassons.
En bord de route, une table est installée sous un parasol. Celui-ci abrite des cagettes de fraises... il n'y a personne : serions-nous en Allemagne ??... détail important : les fraises de ces cagettes sont bien avancées, et une petite sonnette est posée sur la table. Nous sonnons : une petite dame vient à notre rencontre et nous apporte un kilo de fraises fraîches : un bonheur. Tant pour sa jovialité que pour cette 'pause fruit' que nous nous faisons.
Un peu plus loin, une nouvelle ville : Drezdenko. Un gigantesque château d'eau de briques la surplombe de 30 bons mètres. Les parois d'isolation se disloquent et tombent en morceaux au fur et à mesure que les cigognes s'y mettent à leur aise.
Les ordures s'entassent au creux de piles de pneus laissés au hasard des rues sableuses, les pelouses comptent autant de bouts de verre et de mégots que de pousses rachitiques... quelques ouvriers calent à la massette quelques pavés... la ville entière semble attendre son tour depuis bien longtemps...
Les ordures s'entassent au creux de piles de pneus laissés au hasard des rues sableuses, les pelouses comptent autant de bouts de verre et de mégots que de pousses rachitiques... quelques ouvriers calent à la massette quelques pavés... la ville entière semble attendre son tour depuis bien longtemps...
La pause du midi est très rapide. Notre directrice de garderie nous avait conseillé de faire un petit détour au parc d'attraction safari situé non loin de là : peut-être y trouverons-nous un coin sympa à l'ombre pour une petite sieste réparatrice... malheureusement, ce parc est un safari voitures : des véhicules roulent au pas en plein cagnard à travers des parcs de terre battue et de sable où quelques pauvres animaux semblent finir de cuir à point...
Record de chaleur : 38°... notre allure diminue parfois sensiblement et de manière soudaine... en nous retournant, nous pouvons voir les traces que nous avons creusées dans le goudron mou... c'est d'ailleurs l'odeur qui empestait tout à l'heure au passage à niveau : les poutres sentaient encore le goudron... goudron décidément trop mou au goût de nos jambes... le vent, toujours aussi fort en après midi, et toujours de face, n'aide rien à l'affaire... il a au moins le mérite de dissiper les bouffées de chaleur qui nous submergent parfois sous la visière de nos casques... nous longeons de grandes étendues de marécages : l'odeur des reines des prés est entêtante... et pas une seule ombre... quelques grenouilles aplaties semblent être à point et croustillantes... la route tourne à gauche, un pont enjambe la rivière : une pente qui brûle encore plus nos cuisses pour nous mener sur le coteau... une forêt de pin nous offre un semblant de fraîcheur tandis que nous ruisselons tout ce que nous pouvons pour ne pas avoir le cerveau en ébullition... l'odeur de pin est une fraîcheur... la pente s'atténue... la route est à présent plate... elle descend légèrement... ô, brise !......
Roue libre et brise, pures joies du vélo... les troncs se succèdent de chaque côté de la route, que nous dévalons à toute allure... un kilomètre, deux kilomètres, cinq kilomètres... et puis évidemment, une nouvelle côte a fini par se présenter : nos cuisses ont donné leur verdict, il est temps de trouver à dormir... une pancarte se présente justement : camping Zandecki, Zimmer frei, 1km... si en plus on y parle allemand, il n'y a plus à hésiter...
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