samedi 23 juillet 2011

Un filet jeté sur le monde...


Quand on déambule sur les lieux 'incontournables' de la planète, il y a souvent foule... et du monde entier. C'est toujours à la fois fascinant et étrange de découvrir le nombre de langages différents qui se mélangent ainsi dans les queues de buvettes, de billets, etc....

Quoi, à l'heure d'Internet, nous ne sommes toujours pas fichus de ne parler qu'une seule et unique langue universelle ?


Quand on déambule sur les lieux 'incontournables' de la planète, il y a aussi souvent parmi la foule une autre foule de personnages avec de grandes poches remplies de gadgets en tout genre, souvent identiques dans tous les pays. Des bracelets fluorescents, des boules à neige, des hélicoptères, des bâtons lumineux et toutes sortes de machins et de bidules pour faire plaisir aux enfants quelques heures avant de finir dans un coin.

Parmi ces gadgets, il en est un qui a particulièrement attiré notre attention : le 'birdy toy'. Il s'agit d'un petit bout de papier/alu en demi cercle, d'environ deux centimètres que l'on colle sur le palet, et qui permettrait en prononçant quelques mots d'imiter le chant des oiseaux. Voyez plutôt ceci.
 
Il faut avouer que là, les ingénieurs en farces, attrapes et gadgets en tout genre ont fait fort. De fait, ces petits bouts de sifflet s'arrachent comme des petits pains, et on se mettrait presque à souhaiter que les bons petits ingénieurs se poussent un peu pour développer son homologue... humain !

La tour de Babel, un petit sifflet de 2 centimètres à se coller sur le palet : voilà de quoi séduire un grand nombre de personnes......

Je pourrais ainsi sans problème expliquer tout ce qu'il y a à savoir sur le montage de bas de ligne au premier polonais venu, et arriver petit à petit à discuter bonheur !


Mais le langage unique et universel serait-il une bonne chose ?.....


En parlant de pêche et de langage, je ne peux m'éviter de citer un certain Humboldt. Vous ne le connaissez pas ? Grand pote de Schiller ou du encore plus connu Goethe, il a même son université à Berlin aujourd'hui ! Il va falloir étoffer un peu cette culture germanique, cela devient pressant ;)...

Bref, Humboldt, entre toutes ses activités de philosophie, de sciences, de diplomatie, eut également encore un peu de temps en rab pour se poser quelques questions sur le langage. De ces activités, il est resté en particulier une formule, qui est souvent citée, et qui me semble tomber à point :

Une langue « c’est un filet jeté sur le monde et au moyen duquel on rapporte un autre bout du monde ».
Dans la rubrique du site consacrée à la langue, nous évoquions déjà cette différence d'appréhension du monde contenue dans le langage : le français, plus conceptuel, l'allemand, plus 'sensitif'...
Le français parle de 'crépuscule', là où l'allemand parlera de 'rouge du soir', jolie image.
Chaque langage, à l'aide de mots, tente ainsi de définir certaines réalités. Une association de mots devient un ensemble de mailles, qui bien sûr, laisse toujours matière à interprétation : ce sont les 'trous' laissés entre les mots.
Le terme 'neige' en français est un ensemble général... le lapon aurait plus d'une centaine de terme pour définir une neige lourde d'une neige poudreuse, d'une autre cristalline, etc...
Bref, on le sent bien, il y aurait d'un côté le monde, en ce qu'il est : pure et simple réalité. Et puis il y aurait le langage, effort fait par chacun pour le décrire, et en partager une représentation abstraite... et par cette représentation abstraite, en partager une certaine représentation.
Sous cette nouvelle lumière, la multiplicité du langage, si frustrante, devient alors autrement plus enthousiasmante : car par cette multiplicité, c'est autant de représentations différentes d'une seule et même réalité qui coexistent par le monde...
… et c'est certainement une réelle chance de pouvoir les confronter, ne serait-ce que pour tisser encore quelques mailles sur notre propre filet, et percevoir encore d'autres portions de 'réalité' qui jusque là nous auraient échappé !

vendredi 22 juillet 2011

Frustrations du langage


Les retrouvailles avec dame Nature sont particulièrement agréables...

Une multitude de petits lacs aux eaux transparentes se succèdent. Leur surface est calme, pins et bouleaux s'y reflètent entre les nénuphars, en contours très nets. Une vague s'y dessine quand une belle nageoire y fend un sillon. De belles carpes.

Des libellules de toutes tailles et de toutes les couleurs virevoltent en tout sens, donnant la chasse en frottant parfois bruyamment leurs nombreuses ailes. Sur les rives, certains troncs sont grignotés... et nos pieds s'y enfoncent même par endroits. Quelques arbres ont été cerclés de grillage fin à leur pied pour leur éviter le funeste sort que ces petits rongeurs leur réservent...




Un plongeon non loin de nous attire notre regard : ce n'est pas un castor, c'est un ragondin. Il s'est jeté d'une de ces nombreuses touffes d'herbe volumineuses qui gagnent sur le lac. Entre ces touffes, quelques iris se frayent une petite place, en se mêlant aux joncs alentours. Quelques petits bouleaux enfin tentent l'aventure sur ces tout jeunes postes avancés.

L'endroit est parfait pour le repas du midi : il ne nous faut pas longtemps réfléchir pour poser nos derrières à même le sol, sur un tapis d'aiguilles, parmi pommes de pin et pieds de myrtilles.

Première sieste douillette du voyage...

Quelques rivières tout aussi limpides dessinent de jolis méandres.
De très vieux moulins en bois les bordent par endroits, la plupart du temps totalement délabrés. Les rares toits survivants sont en petites plaques de bois ou en chaume, comme la plupart des bâtiments que nous apercevons, fermes ou maisons.



Autour d'elles, nous rencontrons parfois quelques hommes, pantalons de velours à bretelles et chemises épaisses, la plupart du temps en train de faucher. A la faux.

Le geste est propre, mécanique. Pas un grain de sable.
Le visage est buriné, creusé par l'effort et le soleil. Des gueules de casting pour westerns spaghettis...

… ou d'émissions pour enfants. Selon l'humeur, les mêmes traits pourront glacer les sangs ou faire fondre de tendresse. Ils semblent être comme l'expression direct du cœur. Tantôt sauvages et méfiants, tantôt joviaux et accueillants. Pas de faux semblant.

Les sourires qu'ils nous offrent sont purs. Certains les qualifieraient de 'naïfs', comme ils qualifieraient les rires qui s'ensuivent... Nous préférons les qualifier de 'beaux', car ils sont simples, exprimés sans retenue. Aucun barrage, aucune digue. Une chose rarissime, que précisément, on ne rencontre généralement que chez les enfants.


L'attrait touristique du parc n'a bien sûr pas échappé aux voyageurs ou autres agents envoyés en mission aux avant postes par quelque centrale de voyages. Pour la première fois depuis notre départ, nous y croisons en effet quelques camping-cars allemands et néerlandais.

De vieilles fermes sont en cours de rénovation, conservant leur architecture et leur toit de chaume.



Nous dégotons d'ailleurs aisément pour la soirée un camping proposant wifi et bungalows aux toit de chaumes, situé bien sûr en bord de lac. La première offre 'touristique' croisée sur notre route...




Quelques voitures et camping-cars arrivent d'ailleurs les uns après les autres en cours de soirée. Tous polonais. De Varsovie et de Gdansk, qui n'est à présent plus qu'à une journée et demi de nous...



Une voiture vient de se garer sur l'emplacement à côté du nôtre. A peine la porte est-elle ouverte qu'un gosse de 4 ans environ en descend, filet à la main, et part en courant rejoindre la rive du lac.

Un ponton s'y avance, sur une vingtaine de mètres. Quatre hommes y surveillent des lancés. Mains dans les poches, immobiles. Le gamin au filet fait quelques pas sur le ponton, puis s'arrête net, pousse un cri et frappe la surface de l'eau avec son filet. Splasch ! Nos quatre pêcheurs se retournent. Et splasch de nouveau. Et encore...

Le gamin essaye d'attraper quelques alevins qui se promènent en petits groupes en eau peu profonde. Trente centimètres tout au plus. L'eau est claire, et le fond sableux. On y voie des stries, parallèles à la rive, creusées par les remous du vent.

Un des pêcheurs lui dit quelques chose. Le gosse s'arrête aussitôt. Un peu couillon, le pêcheur s'adoucit et l'invite à le rejoindre. Le gamin hésite (sûrement sa mère lui aura-t-elle interdit d'aller trop loin sur le ponton...), puis accepte l'invitation. L'homme a déjà enfilé sa main dans le sac au fond du seau. Quand le gamin arrive, il l'en sort et lui montre un beau gros gardon. Quelques mots, puis le gamin remonte le ponton en courant, tout sourire, rejoint la rive qu'il longe sur quelques mètres, et s'arrête juste à côté de nénuphars. A peine arrivé, le filet frappe de nouveau la surface de l'eau...

Ayant bien vu que nous les observions depuis un petit moment, l'un des pêcheurs remonte le ponton et vient à notre rencontre. Il ne parle pas un mot d'allemand, ni d'anglais ou toute autre langue étrangère. Mais cela ne fait rien : je suis bien trop curieux pour renoncer... j'y vais.

Premier rituel : montrer les prises de la journée. De jolis gardons, quelques perches. Ce à quoi il est toujours de bon ton de répondre par quelques compliments, pouce levé et lèvre inférieure ressortie. Tout le monde est content, les politesses sont échangées, les trois autres bonshommes se détendent à leur tour. Je peux dès lors prendre également la pause, me tourner vers les vagues, mains dans les poches et immobile.

Je remarque que leurs lignes sont montées différemment de ce tout ce que j'ai pu voir jusque là. Le bouchon est libre, et un plomb est monté en amont. L’appât est donc au fond, et le bouchon ne coule qu'une fois le plomb arrivé contre lui. Cela laisse plus de temps au poisson avant de se faire avoir... mais cela permet au moins à l'appât de ne pas se balancer étrangement au rythme des sursauts du bouchon. Une astuce adéquate au vent qui règne...

A l'aide de gribouillis faits sur un papier, je leur explique que nous avons un autre montage de ligne 'par chez nous' pour pêcher au fond, avec une olive, un émerillon et un bas de ligne. Le gars semble comprendre : il relève un de ses lancers, et me montre une autre monture tout aussi inconnue, apparemment destinée à la carpe. Nous sommes l'un est l'autre tout aussi intéressés par ces différentes techniques, mais malheureusement, nous n'arrivons vraiment pas à nous comprendre... les sourires se crispent peu à peu, les tentatives d'explication se font plus insistances, les 'rhoooo' se multiplient, tout comme les silences... et puis nous haussons les épaules, impuissants. Sourires contrits, emplis de frustration, nous ne passerons pas cette fichue barrière de la langue... je sens qu'il est temps de partir. Mon 'Chine couillée' suscite un dernier franc sourire, puis je quitte le ponton, à regret.

Non loin de là, la benne du petit tracteur en plastique orange contient déjà une petite dizaine d'alevins. Le gamin me regarde, méfiant, comme si j'allais les lui voler ou pire, les remettre à l'eau. Je m'accroupis, les compte avec le doigt. Le gamin sourit, fier de sa prise, et me baragouine un charabia que je ne comprends toujours pas... décidément, quelle drôle de chose que le langage.


La nuit finit peu à peu par tomber. L'heure d'affluence pour tout ce qui vole... tourterelles et rossignols s'en donnent à présent à cœur joie... 

... et dans le même langage que leurs confrères à travers le monde...

… c'est décidément à en crever de jalousie...

Réponse devinette n°4 !

Après trois semaines d'insoutenable suspens, il est grand temps de clore cette devinette qui aura su inspirer les langues les plus vipérines...



Vous trouverez dès à présent la réponse dans le dernier message de la rubrique suivante !

Le freinage, une autre invention sympa aussi...


Rouler c'est bien. Et quand on peut s'arrêter quand on le souhaite, c'est encore mieux.
Ce n'est pas rien de le dire : le freinage est également un point clef de notre embarcation...

On comprend aisément qu'un engin avec 200kg embarqués lancés parfois à 60km/h ou plus nécessite de bons mécanismes de freinage pour éviter tout désagrément... et en terme de robustesse et de longévité, on n'a encore rien trouvé de mieux que le bon vieux système de frein hydraulique à disque.



Le fonctionnement est très similaire à celui qui existe sur les voitures (sauf qu'on a bien sûr un étrier à l'avant et à l'arrière (pas de tambours!)). Un liquide de frein incompressible est contenu dans des gaines, et le fait de tirer sur la poignée comprime des plaquettes sur la surface du disque solidaire de la roue et inséré dans l'étrier qui porte les plaquettes... ouf, on en a perdu la moitié... cela a l'air bien barbare, mais ce n'est pas si compliqué.





La plupart du temps, ce mécanisme ne nécessite aucune intervention lors du voyage, si ce n'est éventuellement le changement des plaquettes (au bout de 1000, 1500 ou 2000 bornes selon le relief parcouru).

Mais il peut tout de même arriver qu'une purge du système soit nécessaire en cours de route... et là, c'est une autre histoire...

C'est ce qui arrive par exemple quand le mécanisme est en surchauffe. Une descente très longue de montagne par exemple. Comme pour les voitures, si les disques sont sollicités sans cesse pendant dix, quinze ou vingt bornes, ça sent vite le chaud (rappelez-vous, 200kgs embarqués...)... et il est temps de faire une petite pause pour laisser refroidir tout ça. Si vous préférez continuer coûte que coûte, vous aurez de grandes chances de monter en température au delà du point d'ébullition du liquide...

Et alors ?
Et alors, l'ébullition, comme tout le monde le sait, c'est le passage du liquide en gaz : des petites bulles de gaz apparaissent dans les gaines.

Et alors ?
Et alors, le gaz est compressible, à l'inverse du liquide, ce qui a la fâcheuse habitude de détraquer le mécanisme : lors du freinage, l'ensemble chauffe naturellement, et les bulles indésirables se dilatent, augmentent la pression des plaquettes sur le disque, ce qui augmente encore plus la température, et qui dilate encore plus les bulles......... jusqu'à ce que le disque soit totalement coincé, plaquettes collées dessus. C'est fini, plus moyen d'avancer. C'est ballot...


Pour éviter de se retrouver coincé au fin fond de la pampa avec une roue collée, un kit de purge (seringues avec embouts adéquats) et un petit flacon de liquide de frein sont donc embarqués dans la trousse de pièces de rechange (on reviendra plus tard en détail sur la composition de cette trousse).


 
La purge n'est en soi pas particulièrement complexe... mais elle nécessite un soin extrême : la moindre salissure, la moindre poussière ou grain de sable dans le circuit, et on est bon pour recommencer !

Pour cette raison, le système de freins hydrauliques est le plus souvent boudé des cyclistes au long cours, qui lui préfèrent le bon vieux système V-Brake à câble.

Pour un tandem, les efforts en jeu ne permettent généralement pas d'opter pour cette solution... sauf, en cas de terrain très capricieux (terrains sableux, rocheux et reculés de tout...), où une solution intermédiaire est parfois adoptée : un double système de V-Brake, où deux mâchoires sont montées sur chaque roue... cela devient effectivement du bricolage, mais c'est le lot de ceux qui sortent très loin des circuits battus : à un moment donné, l'autonomie nécessite un minimum de débrouillardise.


Et quand on a expliqué tout ce qu'il y a à savoir sur le freinage du tandem, il reste encore une question à clarifier : 'qui freine ?' !

Hé bien un peu de patience : ce sera l'objet du prochain article du coin technique...

lundi 18 juillet 2011

Réceptomètres et sympathomètres toujours en hausse...


Au petit matin, nous profitons d'un soleil radieux pour faire un tour rapide de Człuchów.

De jeunes filles sont assises en cercle dans une pelouse bordée de fleurs, des ados descendent la rue principale en skate. Des mères en poussette déambulent près d'une fontaine... tout ce petit monde nous regarde passer, et nous faisons une jolie moisson de coucous.

Sur la place principale, une exposition de photographies promeut la sauvegarde de la biodiversité de la région. La plupart des bâtiments ont été nouvellement restaurés, et le clocher de l'église est encore empaqueté de filets et d’échafaudages.



Des couvreurs haut-perchés nous hèlent de tout là haut, et nous lancent d'enthousiastes encouragements en échange de nos coucous de la main.

Est-ce bien le même pays que celui que nous traversons depuis une semaine ??

Des drapeaux hissés devant un ancien bâtiment nouvellement ravalé nous le confirment : l'un porte les couleurs de la ville, l'autre effectivement celles de la Pologne, et le dernier un cercle d'étoiles sur fond bleu identique à l'un de ceux qui nous suit.

Ce dernier étendard est d'ailleurs régulièrement visible sur les panneaux d'information en bord des chantiers que nous croisons depuis Złotow : pour tous, il semblerait qu'un coup de pouce européen ait aidé à la réalisation des travaux.



Faut-il y voir un lien de cause au regain de sympathie que notre passage suscite ?...

Une piste cyclable flambant neuf s'en va vers notre prochaine destination, Chojnice, ville un peu plus importante située à 15 petits kilomètres de là. Un vrai bonheur pour longer ce bout de nationale, avec qui plus est un généreux vent de dos... décidément, c'est une journée qui commence bien.

 

 

Une tripotée de petits panneaux publicitaires annoncent l'approche de la ville tandis que nous dévalons la descente, toujours vent de dos. Des garages, des points de vente de fenêtres, d'escaliers... une pub pour une piscine auto-portée... un panneau nous indique un Carrefour non loin, ainsi qu'un Mac Donald.

Cela tombe bien. Non pas que nous soyons fans des spécialités culinaires proposées, mais nous allons surtout pouvoir envoyer quelques mails... c'est effectivement le seul endroit que nous ayons trouvé jusque là pour communiquer par le Net, le câble RJ45 de l’hôtel de Piła n'ayant jamais réussi à trouvé le chemin du réseau...



La pelouse du Mc Do est déjà adulte, et les millepertuis qui la bordent ont déjà connus quelques tailles. Le tout est situé juste au niveau du rond-point des deux principaux axes de circulation. Il y règne un boucan monstre. Des poids lourds transportant du bois, du lait, du sable, se mêlent aux tracteurs et autres scooters, et à toute la circulation ambiante. Un tintamarre assourdissant qui ne semble pas gêner les piétons qui déambulent sur de jolis trottoirs pavés et bordés d'affiches.



Des anciens s'y croisent et s'arrêtent pour taper la discute, en répétant souvent pour couvrir le bruit ambiant. Des petits groupes de lycéennes consultent la carte entre deux SMS. Une femme sourire aux lèvres passe, une cage à la main. Un couple de perruches s'y laisse docilement promener.

Une mère vient de s'arrêter à hauteur du tandem avec ses deux jeunes enfants. Tandis qu'elle sourit à la vue du derrière de la carriole, un 'pouet' retentissant la tire de sa contemplation. Elle a à peine le temps de lever les yeux sur lui que son fils presse de nouveau notre klaxon à poire... elle rit, tout en s'excusant, mais nous sommes aux anges. Le sympathomètre est en constante hausse, et est déjà à 4 au moins.

Nous n'étions plus habitués.

La sympathie serait-elle à corréler avec l'âge de la pelouse du Mc Do ? Ou alors au nombre de publicités en bord de trottoirs ?... Premières hypothèses, et étude à suivre.


Nous reprenons d'ailleurs la route. En bord de la D212, une autre piste cyclable. Une plus petite route s'engage sur notre droite, et devrait border un lac. Bonne nouvelle : cette petite route est bitumée (que de bonnes surprises!), c'est la première fois que nous allons pouvoir emprunter un réseau routier 'blanc' (plus petit qu'une départementale) sans avoir à pousser... les pavés des villes et le sable des cantonales nous semblent déjà bien loin...


Cette petite route est un véritable bonheur. Pas une seule voiture, la voie pour nous seuls, à l'ombre des pins. Le bitume est vieux, mais il n'en est que plus lisse et donc plus roulable. Le tout ondule gentiment, entre de petites collines rondes en sous-bois de pins. En leur creux, de petites tâches de mousse d'un vert très tendre où quelques pieds de myrtilles finissent par apparaître, suivis de linaigrette, puis d'iris en fleurs. Enfin, le lac s'ouvre sur notre gauche, apportant avec lui une franche brise qui nous caresse gentiment le dos... nous voici dans le Parc Naturel de Zaborski, une véritable bouffée d'oxygène...


Cours exceptionnel... parce que vous le valez bien !


'L'argent ne fait pas le bonheur'... Gerhard l'autre jour, puis Ywone à présent... mais qu'ont-ils donc tous contre l'argent ?

'L'argent ne fait pas le bonheur'... ce qu'il ne faut pas entendre tout de même !

Lisent-ils au moins parfois un peu la presse avant de déblatérer de telles énormités ??
Savent-ils seulement ce que nous devons payer chaque jour ? Non ?

Voici ci-dessous quelques exemples pour leur rappeler un peu à quel point l'argent devrait être au cœur de toute préoccupation...

. A quel prix s'élève une grossesse ?_Du test à l'accouchement, les dépenses liées à une naissance peuvent être salées. (yahoo pour elles, 07/02/2011)
. Combien nous coûte la guerre ?_Libération a calculé la charge financière des raids aériens français en Libye, et c'est peu glorieux. (liberation.fr, 24/03/2011)
. Combien va coûter la catastrophe ?_La facture du séisme et du tsunami serait bien supérieure au coût du séisme de Kobe. Cela va coûter une fortune (lefigaro.fr, 21/03/2011)

Qu'on se le dise une bonne fois pour toute, il n'y a que l'argent qui compte, et c'est un vrai manque de savoir vivre que de mépriser ainsi ce qu'il y de plus important au monde.

Heureusement, la presse nous apporte parfois de bonnes nouvelles, qui nous rassurent sur la raison humaine, comme par exemple celle-ci:

. De l’argent sur l’autoroute_Des automobilistes ont risqué leur vie pour ramasser des pièces de monnaie tombées sur l’autoroute (liberation.fr, 19/01/2011)

Qu'on se le dise, nous le répétons, l'argent est plus important que tout, et peut tout, c'est même la clef du bonheur (on le verra un peu plus loin), et il doit donc être dès le plus jeune âge le sujet de toutes nos préoccupations.



Heureusement, vous n'êtes pas seuls, et vous trouverez ci-dessous tous les meilleurs conseils des nos experts pour faire partie du cercle très fermé des personnes les plus riches (et donc les plus puissantes et les plus heureuses, vous verrez)...

. L'argent des tout petits_Dès son plus jeune âge, votre enfant peut apprendre à se constituer une épargne. Quelques règles simples (monnaietime.fr, 15/02/2011)

. Les idées business qui peuvent rapporter_Vous voulez monter votre entreprise mais vous n'avez pas d'idées... Quel concept peut marcher ?(yahoo finance, 24/01/2011)

Pour vous encourager, voici à titre d'exemple un de nos meilleurs élèves :

. Comment Steve Jobs a croqué le monde _Parti de rien, le fondateur d’Apple est aujourd’hui l'un des hommes les plus riches de la planète. (monnaietime.fr, 11/03/2011)


Si toutefois vous ne vous sentiez pas l'âme d'entrepreneur, voici toujours quelques conseils pour la voie salariée :

. Règles d’or pour bien négocier son salaire_Combien demander ? À quel moment ? Découvrez tous nos conseils pour négocier au mieux. Bon à savoir (maviepro.fr, 07/02/2011)
.  Allez-vous être augmenté ?_L’année 2011 ne devrait pas être propice aux augmentations mais certains auront plus de chances que d’autres.(yahoo finances, 14/01/2011)
. Quand doit-on accepter de gagner moins ?_ Parfois pour avoir une chance de réussir, il faut accepter de revoir son salaire à la baisse.(capital.fr, 26/01/2011)

Et si vous ne vous sentiez pas non plus l'âme du salarié en ces temps de crise, voici une autre solution pour cumuler des gains :

. Un champion hors-norme, du jamais-vu_Le grand gagnant des 12 Coups de Midi de Reichmann sur TF1 dépasse tous les records de gain. Plus de 400 000 (purepeople.com, 25/01/2011)

(Conseils pour passer à la TV en sus ci-dessous, parce que c'est vous...)

.  Comment passer à la Télé ?_ Vous aimeriez faire parti du public d’une émission ou carrément être candidat d’un jeu télé…(yahoo pour elles, 14/01/2011)
. Le secret des gagnants des jeux télévisés_Ils participent parfois pendant des semaines voire des mois entiers à des jeux télés. Mais comment font-ils ? (Tvmag.com, 07/02/2011)



Bref, vous voyez, ce n'est pas compliqué : pour réussir, il vous suffit de suivre nos conseils et d'accumuler.


'Mais pour quoi faire ?'...


Ah ah... petits malins... le bonhomme de la pub nous avait avertis que la question serait posée. Apparemment, vous l'avez séché, mais nous, nous avons la réponse... Pourquoi accumuler ? Hé bien, parce que l'argent fait le bonheur pardi !

Accumuler, pour être heureux, c'est évident... mais avez-vous seulement suffisamment cumulé ?

Êtes-vous au moins dans les classements suivants ?

. Des artistes très euros_Yannick Noah, David Guetta, Mylène Farmer... Quels sont les artistes les mieux payés ? (yahoo music, 20/01/2011)
. Les hommes les plus riches du monde_Le magazine Forbes vient d'établir son célèbre classement des milliardaires et un Français frôle le podium. Qui ? (lefigaro.fr, 11/03/2011)
. Le sportif le plus payé de tous les temps ?_Ce champion est totalement inconnu, mais il aurait gagné plus que Woods, Jordan ou Federer. Multimilliardaire (lepost.fr, 11/03/2011)
. Les plus gros salaires_Ils jouent bien au foot, mais assurent encore mieux leurs arrières avec des salaires mirobolants. (sportune.fr, 19/01/2011)
. Ces rappeurs ne connaissant pas la crise_L'industrie musicale étant au plus mal, ils se sont diversifiés pour continuer à gagner des millions. Les 5 plus riches (yahoo music, 14/02/2011)

Alors ? Votre nom y apparaît-il ? Non ?

Alors il semblerait bien que vous n'avez pas encore suffisamment cumulé. Suivez donc les conseils complémentaires suivants !

. Que faire avec votre argent ?_Gain au jeu, prime, que faire lorsque l'on dispose de 10 000, 50 000 ou encore 100 000 euros de côté ? Nos astuces (17/02/2011, monnaietime.fr)
. Les bons conseils de Warren Buffett _Le milliardaire américain déconseille de miser en bourse sur les réseaux sociaux. Des valorisations excessives (lemonde.fr, 29/03/2011)
. Bourse, gagnez à coup sûr_À la Bourse, il existe des valeurs qui permettent aux actionnaires de gagner à presque tous les coups. Lesquelles ? (votreargent.fr, 29/03/2011)

Voyez ? C'est tout de même pas compliqué, n'est-ce pas ?

Bien !

...

Vous voilà déjà fortuné...

Et si on parlait un peu de bonheur à présent... parce qu'à présent, vous le valez bien !

Nous vous avons mitonné ci-dessous quelques idées authentiques qui devraient vous séduire... voyez plutôt :

. Voici les plus belles maisons du monde_La maison de vos rêves existe bien, elle se trouve entre les Alpes suisses, New York et le Brésil. On aimerait y vivre (zigonet.com, 21/02/2011)
. La suite WOW porte bien son nom_Cette semaine, un nouvel hôtel de luxe de la marque W a ouvert ses portes à Londres. Un grand moment. (yahoo voyage, 21/02/2011)
. Combien pour avoir une star chez soi ? _Combien faut-il débourser pour avoir la chance de voir débarquer une star à domicile ? Ca dépend de la star (grazia.fr, 29/03/2011)

Et si vous êtes 'vraiment', mais alors 'vraiment' riche... alors peut-être ceci pourrait-il vous intéresser...

. Combien la Terre coûte-t-elle ?_Un chercheur s’est posé la question en se basant sur un ensemble de critères bien précis. (slate.fr, 07/02/2011)

Alors... elle est pas belle la vie ?

Allez, pour finir, nous vous invitons à vous reposer un peu en musique, en écoutant notre sélection du moment que vous retrouverez sur le lien suivant...

Le bonheur selon Ywone



Au petit matin, une agréable surprise nous attend. Elle s'appelle Ywone, petit bout de femme pleine d'énergie et pétillante d'enthousiasme. Elle a été appelée à la rescousse pour communiquer. Elle parle allemand, et semble d'ailleurs très contente d'avoir de nouveau l'occasion de le pratiquer...

 

Et nous, nous sommes très contents de pouvoir échanger avec quelqu'un du cru...



Ywone est originaire d'un village pas très loin d'ici. Elle élève sa fille, seule. Ce n'est pas tous les jours facile, mais selon elle, élever un enfant est une source de bonheur suffisante pour pouvoir surpasser les difficultés.

Elle est partie en Allemagne pendant une dizaine d'années, à Hannover.

'Nous y sommes allés quelques fois... nous habitions à Göttingen !'

A l'évocation de ce paysage lointain, Ywone sourit: elle y a été heureuse effectivement.
Heureuse d'y apprendre une autre langue 'une autre manière de décrire les choses' comme elle dit. Heureuse d'apprendre un métier aussi. Employée comme femme à tout faire au début, elle est parvenue peu à peu à gravir quelques échelons avant de devenir gérante de bijouterie.

Et puis au fil des années, quelque chose a commencé à prendre de plus en plus de place dans ce bonheur : le mal du pays. De plus son père est tombé malade. Et les problèmes avec son mari se multiplient. Il a fallu faire des choix : elle est revenue au pays, avec sa fille, et a divorcé.

Son père n'a pas longtemps survécu au cancer. Les hôpitaux sont relativement mal équipés... et puis certaines choses sont ainsi. Même douloureuses, on ne peut les éviter.

Elle raconte tout cela avec pudeur, tout en gardant un sourire sur les lèvres, en baissant les yeux.

Aujourd'hui, elle élève donc sa fille. Elle a pu financer une petite maison. Très petite, mais suffisante pour deux. Le divorce ne lui a pas laissé beaucoup de fonds. Les fins de mois sont difficiles, mais c'est le lot de tous ici. Les prix ne cessent de flamber. Elle a vu la différence depuis son retour, il y a 4 ans.

Mais l'argent ne fait pas le bonheur au fond. Elle en est convaincue. Il n'apporte ni amis, ni ne sauve nos proches du cancer... il soulage, c'est vrai, mais il ne faut pas en attendre le bonheur.

Le sien est modeste : consacrer son temps, son attention et son amour à sa fille. Son éducation, passer du temps avec elle, cela n'a pas de prix. Tout comme la santé.

Ensemble, elles soignent le jardin. S'occupent des fleurs, des légumes, et du chat.
Ywone lui apprend également l'allemand.

Et tout cela suffit à son bonheur.

vendredi 15 juillet 2011

Réceptomètre et sympathomètre



Les deux véhicules ci-dessous ont un point commun et une différence fondamentale... regardez les bien.


Que vous inspirent-ils ?

...

Le point commun, c'est que ces deux engins ne courent pas les rues, et qu'ils suscitent donc la surprise quand ils arrivent quelque part.

La différence fondamentale, c'est ce qu'ils représentent, ce qu'ils évoquent pour ceux qui les voient de l'extérieur, et donc, la réaction qu'ils provoquent immédiatement chez eux.

Vous venez d'assimiler les deux fonctions clefs de notre embarcation : elle suscite la surprise et oriente son expression immédiate, non réfléchie... deux réactions qui nous en apprennent beaucoup sur les pays que l'on traverse.


 

Notre voyage pourrait être vu comme une course, pour laquelle ne comptent traditionnellement que les kilomètres et le chronomètre. Adeptes de performances, passez votre chemin, vous vous êtes trompés d'adresse. Bien plus instructives, sur la quête de réflexion sur le bonheur, ce sont les notions de réceptivité et de sympathie qui nous intéressent.

Et pour nourrir cette réflexion, notre monture devient donc notre mode de mesure : réceptomètre pour la capacité ambiante de 'capter/percevoir' ce drôle d'engin. Sympathomètre, pour mesurer la sympathie que notre monture suscite.

Le réceptomètre est ainsi très savamment gradué de 0 (aucune réaction) à 3 (réaction très rapide).
Quant au sympathomètre, il est gradué de -5 (pas du tout sympathique) à +5 (réaction très sympathique).

Quelques exemples de notation au réceptomètre :
. un homme traverse la route en lisant son journal, nous manquons de le renverser, terminons notre course dans les paniers du primeurs du coin de la rue, provoquant une catastrophe en chaîne, sans que le bonhomme n'ait levé le nez de son journal : réceptivité 0.
. Des femmes sont réunies autour de poussettes sur le trottoir en train de discuter mollement, et nous regardent passer en s'étonnant tout aussi mollement : réceptivité 1.
. Une jeune fille qui refait sa natte à un arrêt de bus en train de discuter avec sa copine et qui s'interrompt au beau milieu de sa coiffure et de sa discussion : réceptivité 2.
. Des hommes réunis sur un chantier en pleine activité, qui s'interrompent en nous regardant : réceptivité 3.

De même, pour le sympathomètre :
. Un 'regarde chéri, c'est exactement ça qu'il nous faut !', vaut bien un 3. Tout comme un 'great bike' que l'on apprend à un enfant sur ses épaules en passant tout juste à côté de nous.
. Un pouce levé par la fenêtre d'une voiture qui nous double vaut un 2 (3 si le chauffeur klaxonne en plus).
. Un coucou de la main de toute la famille vaut un 4, surtout s'il est appuyé par de francs sourires.
. Une pause contemplative à côté du tandem garé vaut un 2 (si elle dure jusque 2'), voire un 3 (jusque 5', au delà, cela retombe à 2, voire moins...), surtout s'il est accompagné de sourires et de mots, même incompréhensibles.
. Enfin, une lacération de visage juste avant perte de connaissance vaut largement un 5.

Inversement,

. aucune réaction, sympathomètre = 0.
. Quelqu'un qui klaxonne en doublant à toute blinde, 0 aussi, voire -1 s'il nous a serré de trop près.
. Pas de réponse à un 'bonjour' que nous donnons dans la langue idoine, tout comme le détournement de regard, cela vaut un -2.
. Une pause contemplative à côté du tandem garé vaut un -2 (jusque 2'), voire un -3 (jusque 5', au delà, cela diminue également) lorsqu'il n'est pas accompagné au moins d'un échange de regard.
. -3 lorsque qu'à notre vue, la personne fait demi-tour.
. -4 lorsque la personne nous fixe durement du regard sans détourner les yeux pendant tout le temps que nous passons à sa hauteur. Idem pour les personnes qui lâchent les chiens ou ne rappellent pas ceux qui nous coursent en montrant les crocs.
. Enfin, -5 quand une personne crache par-terre ou aiguise de manière ostentatoire sa faux à notre passage...


A noter enfin pour l'intérêt de nos mesures qu'il nous faudra interpréter en fin de voyage :
. L'embarcation compte également 2 passagers, coiffés de casques et de lunettes de soleil masquant la plupart du temps leur regard, mais la plupart du temps transpireux et souriants (même s'il faut parfois pour cela y mettre beaucoup de cœur....).
. L'embarcation se termine à son extrémité arrière par un mât sur lequel 3 drapeaux voguent au gré des vents (et de la forme des cuisses...) : l'un aux couleurs de la France (nationalité voyageurs), l'autre aux couleurs de l'Allemagne (point de départ), et le dernier aux couleurs de l'Europe (abstraction aux contours incertains qui n'est toutefois pas neutre dans son évocation au gré des lieux traversés...).


Ainsi, au bout de la distance parcourue, nous disposerons de savants diagrammes de réceptivité et de sympathie, que nous pourrons mettre en relief avec les caractéristiques du milieu traversé : nationalité, niveau de richesse, panier de la ménagère, degré d'urbanisation, densité de population de moustiques, nombre de jours pluvieux et période d'ovulation des têtards.

Conclusion de cette savante étude : en fin de voyage !

(PS : et pour les petits malins qui se seraient déjà dit à la vue de la photo 'Oui, mais il y a aussi la réceptivité des passagers', nous leur dirons : n'anticipez pas trop... un peu de patience...)


De l'agréable à Człuchów


Petit déjeuner à la polonaise. Nous faisons le plein d'énergie en avalant des œufs mayonnaise, des cornichons doux et de la salade au hareng, et le plein de couleurs toujours grâce aux néons archiroses du sous sol des enfers...

Nous allons en avoir bien besoin, car dehors, le gris a tout enveloppé. Un nouvel orage a fini par éclater vers les 5h.

Le changement de température est saisissant. 17°C.


Notre récolte de pubs n'a pas été trop mauvaise. Dans les campagnes alentours, les produits vantés sont la plupart du temps des matériaux de construction : des tuiles, des grilles forgées, des portes d'entrée. Des éviers inox, des WC à chasse d'eau. Des cocottes minute, des tronçonneuses, des pièces automobiles. Plus rares, des pubs pour des couches et des mouchoirs en papier. Le seul et unique 'luxe' semble se limiter à la robe de mariée.
Construire, soigner l'hygiène du bébé et la mariée pour le jour des noces. Tel est le programme.
Quelques panneaux proposent également des formations pour passer le permis poids lourd.

A déambuler entre ces modestes promesses de 'mieux', on se demande quel chemin il reste encore à parcourir avant de devoir vanter des Bifidus actifs, des soins intimes et du Biactol...

A l'approche des villes, de nouveaux équipements apparaissent sur les affiches : des réfrigérateurs, des machines à laver, des écrans de TV, et même des ordinateurs portables. Et toujours ces fameuses toilettes à chasse d'eau.

Les pubs ne sont pas encore à l'heure du glamour où l'on fait appelle à des jambes de mannequin, femmes de footballers ou de rockeur pour vendre des lunettes, des semelles, des matelas... la plupart des pubs sont en effet sobres. Du texte, peu d'image. Et rien qui ne soit suggestif… décidément, il reste beaucoup à faire : on est très très loin du savant mélange people / 'number one' sous-jacent qui fait tout vendre...



Dans le resto des enfers, de grands écrans plats sont accrochés derrière le comptoir. Le film du soir y est diffusé. Un classique avec Eddy Murphy. Le doublage de tous les personnages est toujours assuré par le même bonhomme au son monotone. Femmes, hommes, enfants, chiens... toujours le même bonhomme. Il fait tout, et toujours sur le même ton. A entendre en double fond les voix originales surexcitées des scènes de bagarres générales, on se demande si le bonhomme à la voix toujours égale ne serait pas en train de lire l'almanach des horoscopes depuis 1972...

Chose marquante : pour les pubs qui interviennent entre deux bagarres, le bonhomme interrompt sa lecture et semble être remplacé par une équipe de jeunes filles et garçons à la voix dynamique et enthousiaste. Sûrement pour que le bonhomme des films puisse aller boire un coup.


Sur le point de quitter pour de bon Piła, nous passons à côté d'une grande usine Philips. Une gigantesque toile est tirée sur l'un des murs du bâtiment, sur laquelle une ampoule à économie d'énergie est représentée... en voilà une idée.

Un gars peu éclairé du staff marketing, sûrement affalé dans une tour de verre par chez nous, aurait-il eu l'idée déplacée de faire un malheureux copier/coller de l'ex usine française qui tombe ici comme un cheveu sur la soupe ou s'agirait-il plutôt de vanter les mérites de la nouvelle usine qui assure ici la fabrication d'un produit hautement technologique ?...

La communication laisse souvent perplexe, et ce n'est pas qu'une affaire de langage...

J'imagine aisément la perplexité des autochtones du coin qui se retournent à notre rencontre s'ils découvraient une sulfureuse blonde aux jambes interminables se promener nue, même suggestivement, avec une paire de lunettes sur le nez en minaudant pleine de malice 'hi hi hi, un rien m'habille'... c'est sûr, il leur faudra encore quelques années de formation pour le supporter.

2 degrés de moins. Nous roulons depuis une demi heure, et nous avons encore semé deux degrés. 15°C, sous une espèce de crachin tristounet, c'est à nous faire regretter d'avoir osé râler qu'il faisait trop chaud depuis le départ... les poids lourds enveloppés d'une généreuse aura d'écume nous doublent sans pitié aucune, et nous sommes heureux de retrouver une bonne vieille départementale bien moins fréquentée, ne serait-ce que pour nous égoutter en toute tranquillité.

Nouvelles allées de pins, avec leurs petites croix commémoratives semées régulièrement. Certains lieux en comptent plusieurs. Ici, il y en a même 4. -1 degré au thermomètre, tous ces chiffres nous font froid dans le dos... nous roulons le dos rond, en mode automatique, réceptivité minimale.


Złotow. Nouvelle ville.

Une nouvelle ruine d'église en briques au milieu d'un petit bois parsemé de tombes sens dessus dessous. Accès interdit. Juste à côté, une pelouse rase borde un monument commémoratif pour les membres de l'armée rouge tombés au front en 45. Une petite étoile rouge à cinq branches coiffe chaque stèle de marbre blanc. Pour certains les honneurs, pour d'autres, l'oubli. Manichéisme de la guerre.

De l'autre côté de la route, une piste cyclable. Un peu plus loin, un terrain de foot et un cours de tennis. Les filets sont absents, mais les accès soignés.

Nous arrivons au centre ville.

De grands bacs en forme d'écrou contiennent des massifs floraux aux couleurs diverses. La rue pavée est éventrée en divers endroits : intervention lourde sur les canalisations. Pendant que nous faisons quelques courses, différentes personnes passent à côté de notre monture et s'arrêtent pour y jeter un œil.

La mamie qui le décortique des yeux ne fuit pas lorsque nous ressortons. Au contraire, elle semble ravie de rencontrer les pilotes de cet engin. Elle parle, parle... en nous souriant.

Un papi nous rejoint, lui aussi tout sourire... il baragouine quelques mots d'allemand, nous racontons. Il est ravi. Un papa passe avec sa fille sur ses épaules. Il lui fait répéter 'great bike !'.

Mon dieu : de la sympathie...
De l'eau servie à des passagers du désert.

Un peu plus loin, quelques hauts parleurs en bord de terrasse de café diffusent une mélodie dans les rues environnantes. Les gens y déambulent, et semblent détendus. Un retour à petits pas de l'agréable...

Nous sortons du centre-ville. Les axes principaux ont été nouvellement goudronnés. Les trottoirs sont en train d'être faits. Les cubes gris de béton qui peuplent les villes depuis Gorzow se parent de couleurs. Certains arborent même des toits triangulaires couverts de tuiles brillantes.






La route est un véritable petit tapis de velours. Pas un trou, pas un tressautement. Nos trois roues vrombissent doucement d'aise, tandis que nous avançons entre des allées... de bouleaux.

Tiens, c'est vrai : les pins ont laissé la place aux bouleaux. Tout comme le paysage est devenu plus vert d'ailleurs. Des champs de pomme de terre apparaissent. Nous rejoignons bientôt une charrette de foin, si humide qu'il embaume l'air. Le tracteur avance ni trop lentement pour que nous puissions le doubler, ni trop vite pour qu'il puisse nous épargner le foin qu'il sème en petites touffes... il finit par prendre à droite, tandis que les bouleaux laissent place à des chênes à l'écorce noire. Il pleut plus dru, et nous avons de nouveau perdu 1 degré... 13°C, cela commence à faire un peu juste pour un mois de juin...

Cela ne semble pas perturber l'armée de petits bras qui repiquent des poireaux dans les champs tout fraîchement retournés. La terre est devenue très meuble et très sombre. Apparemment riche. De vastes plantations de groseilliers alternent avec des allées de fraisiers et de rhubarbes.

La végétation évolue également : le bleu de pieds de sauge sauvage borde la route, les marguerites surnagent dans les prairies, et les bois se raréfient. De grands érables ont fini peu à peu par remplacer les pins, avec le renfort de quelques hêtres et de rares sapins.

Étrangeté du décor : ces 'villages HLM'. Quelques barres sont alignées en pleine campagne, bordées de tout un amoncellement de vieux matériel agricole. Pas de commerce, pas de 'cœur' de village... Des habitations sans âmes, à l'état brut. Peut-être s'agit-il de baraquements pour loger l'armée de petits bras de saisonniers.



La pluie durcit encore. Plus que nous ne sommes d'humeur à supporter. Nous nous abritons sous un abri-bus en pleine campagne le temps que le plus gros ne passe... nous demandant par moments ce que nous faisons là.



Un bus scolaire s'arrête. Un soupir de piston, la porte s'ouvre. Une adolescente en descend. Pas un regard, elle traverse la route et repart dans l'autre sens.

Au dessus de nos têtes, une main repliée s'est frayé un petit disque sur le vitrage embué. Un visage y apparaît. Un sourire. Un coucou. D'autres petits disques se dessinent comme une petite onde qui se diffuse de chaque côté, avec d'autres visages, souvent des sourires... et le bus repart avant que la vague n'ait fini de se propager.

… la pluie nous semble déjà moins drue...

A Człuchów (toujours cette tragique pénurie de voyelles...), les pistes cyclables rutilantes nous accueillent quelques kilomètres avant le panneau de la ville. Les trottoirs sont terminés et bordés de fleurs et de pelouses soignées. Les abords du lac sont agréables. Une odeur alléchante de soupe nous affûte les papilles tandis que nous approchons du centre-ville. Une jolie place de tilleuls. Des bancs, une statue. L'école de musique se trouve juste à côté de la bibliothèque, en face de l’auberge où nous nous réfugions avec joie.

La maîtresse de maison est une petite bonne femme de cinquante ans environ, mais qui a à cœur de nous montrer qu'elle a encore de la poigne. Nous lui disons que la remorque est lourde et qu'il vaudrait mieux que nous nous occupions de la monter à l'étage. Elle nous montre ses biceps bandés nous signifiant qu'elle en a vu d'autres... et me défie même au bras de fer. Devant tant d'énergie, nous n'osons plus douter. Elle saisit le dessus de la roue tandis que je tiens la béquille et nous prenons les escaliers. Notre dame est toute contente, même si tout de même bien essoufflée quand nous arrivons sur le palier du premier... elle nous montre ses biceps en tirant la langue : elle rigole.

Pas besoin de beaucoup de mots pour se faire comprendre quand on reste un peu enfant...

Bien. Combien de nuits ?
Nous dessinons un soleil, une lune, avec un Ok. Puis un autre soleil et une autre lune, avec un point d'interrogation. Un nuit mini, peut-être deux. Le message est passé.

Et qu'allons-nous faire du tandem ?... Ah... un garage ? Non. Une cave ? Non...

L'escalier est trop serré, et il n'y a pas de place au rez de chaussée...

Discussions entre collègues, réunion de crise improvisée à laquelle nous sommes conviés.
Nous ne comprenons bien sûr pas un seul mot, mais apparemment, une des femmes a une idée.

Nous patientons, et puis après dix minutes, une autre femme arrive. Nouveaux palabres, nous nous présentons, et reblabla... et puis nous sommes invités à la suivre. Nous faisons le tour du pâté de maisons. Il pleut à verse à présent... nous grelottons.

La femme nous ouvre une porte : le tandem est invité à passer la nuit sous les lumières de Manhattan, à côté du bar non loin de la boule à facettes et de banquettes de cuir. La discothèque est fermée le jeudi soir et lui est toute offerte...



Nous l'y laissons en lui rappelant d'être en forme le lendemain à 8h pétantes, et nous nous réfugions sans plus tarder là où nous rêvions d'être depuis une bonne partie de la journée...

Non pas à Manhattan, mais un endroit qui nous donne en cet instant un bonheur mille fois supérieur : un endroit encore plus chaud et rien que pour nous... la douche !