mardi 12 février 2013

Le sens de l'accueil (1/2)...

Allez savoir pourquoi, Edite a d'abord cru que nous étions allemands.
Les drapeaux sûrement...
 
'J'ai vu le drapeau européen, le drapeau allemand et le drapeau russe, alors je me suis dit 'ce sont des allemands en route pour la Russie !' !'
 
Lorsque nous lui faisons remarquer que ce drapeau certes bleu, blanc et rouge, n'était pas celui de la Russie, elle l'a examiné d'un peu plus près et en a convenu : ce n'est effectivement pas celui de la Russie... mais alors, de quel pays venez-vous ?........ de Pologne ?'
 
La connaissance des drapeaux ne semble pas être son fort...
 
Et après un certain moment d'hésitation, le mot 'fouaince' a fini par sortir de ses lèvres... 'Mais c'est un pays très lointain !'
Devant ses grands yeux effarés, nous nous empressons de préciser que nous ne sommes partis que de Berlin... mais cela n'altère en rien son enthousiasme : 'You are heroes !!'...
 
... à ses yeux, nous semblons être la quintessence même de l'effort divin...


Et c'est sûrement en tant que tels que nous sommes reçus... après avoir notifiée une de ses 'clientes' de son absence en lui confiant le marché, Edite nous propose d'emblée de poser notre toile sur sa pelouse, non loin de là... elle habite une modeste maison, mais nous devrions pouvoir trouver un agréable coin de verdure...

Bob vissé sur la tête, lunettes plaquées sur son nez, la voici perchée sur son vélo en route pour la pelouse. Nous la suivons, intrigués par le phénomène. Edite pédale avec énergie, et son petit crucifix, échappé de l'échancrure de son col, rebondit sur sa poitrine au rythme du pédalage. Elle sourit.

Nous remontons une rue principale, tournons à gauche au niveau d'une église, puis à droite, puis nous continuons... 'nous y sommes bientôt !' nous rassure-t-elle, redoutant peut-être que nous ne tombions d'inanition...

De jeunes maçons sont à l’œuvre... mollement à l’œuvre... vraiment très mollement... bien trop mollement au goût d'Edite : une petite halte pour leur adresser quelques mots, puis nous repartons, laissant ces ouvriers reprendre un peu moins mollement avec une mine boudeuse.

'A droite... voilà, c'est la bonne rue.'
Une chaussée de gravier fin, et défoncée tout au long.
'Oui... il y a des travaux partout... l'eau courante arrive dans nos maisons!' Nous précise-t-elle...

... et peut-être n'avons-nous pas su tout à fait contenir une certaine expression de surprise, car elle ajoute aussitôt, au risque de se répéter 'Oui, vous verrez, notre maison est très très modeste... c'est une très vieille maison...'

Nous prenons sur la gauche. Nous y sommes.


Sa maison est en bois, au toit de tôles ondulées, semblable à de nombreuses autres que nous avons déjà pu voir... mais la pelouse en question est un véritable petit paradis. Ce n'est d'ailleurs pas une pelouse, c'est un jardin florissant.

Une femme s'y affaire. Des pêches à cueillir, les dernières cerises à attraper... des légumes à biner, quelques fleurs à couper. Une autre femme, assise sur un banc à l'ombre, est occupée à transvaser des myrtilles dans des bocaux depuis des seaux. Edite nous présente tour à tour, n'omettant bien sûr pas de souligner l'exploit que nous accomplissons.

Le seul fait d'imaginer tous ces kilomètres parcourus semble déjà suffire à épuiser ces nouvelles interlocutrices... leur gestuelle très expressive nous amuse beaucoup. Une bonbonne de 2 litres est aussitôt remplie de myrtilles avant de nous être remise en main propre : 'elle dit que c'est pour reprendre des forces !' traduit Edite en riant. Nous avons beau protester, dire que c'est trop, qu'il ne faut pas, que nous avons mangé tout au long du parcours, etc... rien n'y fait.

 


Bientôt, d'autres bonbonnes se sont jointes au côté des myrtilles, remplies d'eau fraîche, puis des chaises... un petit tourbillon d'attentions dont nous sommes bien malgré nous l'épicentre... nous voudrions nous faire tout petits, mais comment nous soustraire au statut d'invités de prestige... invités de Dieu ?!

Edite s'excuse, nous invite à nous régaler de pêches, de cassis, des dernières cerises et de boire cette au fraîche venue directement de la source, bref, de nous régaler tout ce qu'il y a ici de délicieux, avant de repartir à son petit marché.

Presque soulagés d'être enfin hors d'attention, nous posons notre toile sur un petit tapis de pelouse si rase et si verte... nous y installons nos affaires, puis ne résistons guère plus longtemps à l'envie de nous asseoir à même le sol, jambes étendues par dessus des brins frais et chatouilleurs, mains posées en arrière...

 


Les maisonnettes de bois sont relativement proches les unes des autres, et les terrains communiquent entre eux... pas de barrière.

Les myrtilles, une à une, tachent nos doigts et nos langues, y laissant un agréable goût sucré... nos ventres affamés se taisent peu à peu... et ne tardent d'ailleurs plus à se faire tout à fait oublier...



... un immense bien-être...




De ces bien-êtres qui vous apesantissent et vous invitent à fermer les yeux tout en basculant la tête en arrière...


... l'intérieur de nos paupières tournées vers le ciel rougit... devient jaune... bleu...



Autour de nous, la vie...


Des bruits de binette qui émiettent la terre, quelques remontrances de mères, des piaillements d'enfants qui se mêlent à celui des oiseaux...

En chatouillant tout doucement quelques brins de pelouse entre les doigts, les yeux toujours clos, nous laissons cette vie s'incruster en nous, et se mêler à nos battements de cœur...

... nos mains s'enfoncent tout doucement dans le gazon, nos battements résonnent encore... et encore...



... que c'est bon...


---------------------------------------------------------------------


 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Si vous souhaitez réagir, n'hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous ou à nous envoyer un message à l'adresse suivante: petits_carnets_dalsace@yahoo.fr