Sacoche clipsée sur le guidon, casques vissés sur la tête et
drapeaux au vent (malgré la recommandation de Jaak – mais après tout, cela fait
tellement de fois que l’on dit de nous méfier), nous revoilà sur le départ.
Alors que nous ne roulons que depuis quelques centaines de
mètres, nous croisons une jeune fille en maillot de bain deux pièces, pieds nus
sur la chaussée et serviette en bout de bras.
A l’ombre du carreau de la mine, un petit lac, une plage de
sable fin, une pelouse soignée et, de ci de là, quelques tables et bancs de
pique-nique. Une zone de baignade a en effet été aménagée, et une piste
cyclable tout à fait récente la rejoint, sur laquelle d’autres baigneurs s’en
viennent, lunettes de soleil et tongues.
Illustration directe des propos de Lyov.
Plus loin, en bordure de l’axe routier principal, nous
retrouvons ces arrêts de bus, en rase-campagne. Des travailleurs y patientent,
en blouse, clope vissé au bec, grimace imprimée sur le visage. Les plus jeunes,
tout aussi grimaçants ont toutefois la casquette retournée.
Dans les cimetières jouxtant les villages, nous remarquons
que la proportion de croix orthodoxes augmente sensiblement.
A l’approche de Jõhvi, la circulation se densifie. Plusieurs
fois, nous sommes klaxonnés. Deux fois même, nous sommes serrés de près. Si la
première fois, nous sommes contraints de nous arrêter pour ne pas finir dans le
décor, la seconde fois nous laisse interdits : derrière la vitre qui se
baisse, c’est une jeune femme qui tient l’appareil photo dont l’objectif est
braqué sur nous ‘sehr gut – Freundschaft !’ sont à peu près les seuls mots
que nous saisissons.
Les rangées de garages à l’entrée de la ville sont à l’image
des lieux dernièrement traversés : des portes intégralement rongées par la
rouille côtoient directement d’autres portes scintillantes de couleurs vives.
Certaines maisons mitoyennes rendent la comparaison encore
plus nette : tandis qu’une moitié de maison est rénovée (nouvelle
demi-toiture, nouveau demi crépie, nouvelles fenêtres, sous oublier la nouvelle
demi barrière), l’autre moitié semble aussitôt encore plus décrépie.
Certains HLM ont été murés, d’autres sont en cours de
rénovation.
Sur les axes principaux, des panneaux à l’effigie de
l’Europe se succèdent, environ tous les 500m. A chaque carrefour, de la pub
pour le Maxima XX. Nous croisons bientôt celui-ci, tandis que nous approchons
du cœur de la ville. Autour, des parcs soignés, où de nouvelles allées sont
tirées, des réverbères pour la promenade sont installés, ainsi que des bornes
Wifi.
De nouvelles stèles, de nouvelles statues.
Dans les rues alentour, nous croisons des véhicules
d’entretien. Caniveaux et trottoirs sont astiqués.
Dans ces nouveaux quartiers chics aux rues rebaptisées, les
noms cyrilliques semblent avoir disparu… et les drapeaux estoniens, sous forme
de fanions sur les façades, d’autocollants sur les pare-brise, semblent s’afficher
de manière ostentatoire.
Est-ce alors par une fierté nationale débordante (et quelque
peu maladroites) qu’ils ont été affichés ?
Ou s’agit-il de provocations primaires malsaines,
revanchardes et assumées ?
S’il est bien difficile de répondre, le malaise que nous
ressentons à découvrir la confrontation directe des contrastes est bien
palpable… et nous décidons finalement de suivre le conseil de Jaak.
Pour la première fois du voyage, nous dégrafons le drapeau
étoilé et le remisons dans la carriole.
Il n’en ressortira plus jusqu’au terme du voyage.
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