Le long du parc Lahemaa, la côte se fait coquette. Elle met
un pied dans la Baltique, dont les eaux sont devenues plus calmes encore que
celles d’un lac, puis le retire. Elle retourne fouler les fougères, vers
l’intérieur des terres, et puis retente à nouveau un pied plus au Nord… et se décide à pousser plus en
avant, s’y enfoncer jusqu’aux genoux, avant de revenir en bondissant, se nicher
au creux d’une forêt de conifères.
Il y a beaucoup de plaisir à suivre les humeurs de la
coquetterie.
On s’en amuse. On la suit de bon gré, sachant bien que tant
d’inconstance, au fond, ce n’est pas sérieux… et pourtant, il y a là tant de
légèreté.
Les fougères, les bois de conifères se succèdent ainsi, et
les eaux de la Baltique, tantôt s’offrent, tantôt se retirent en contre-bas, au
travers d’un voile pudique de branches et d’épines.
Une piste de sable blanc, humide et dure, déroule sous nos
roues sa fantaisie, sans un bruit.
Elle suit la côte, redescend au niveau des eaux à tel point
parfois que quelques mètres à peine nous en séparent, puis reprend un peu de
hauteur, pour laisser toute quiétude à une petite baie peuplée de roseaux
lascifs. Par la brise qui nous parvient, se perçoit le ballet de leurs
caresses.
Plus loin, la piste n’ose engager sa curiosité vers l’extrémité de la péninsule. Tandis qu’un chemin d’épines taquines s’y engage entre les troncs de résineux, elle préfère oublier quelques instants ces jeux adolescents et se retire avec résolution plus en avant au cœur de la forêt.
Elle s’y enfonce, s’y oublie, s’entête de l’odeur de sève
qui bientôt emplit l’espace, puis, sans prévenir, nous laisse échoués au bord d‘une
petite clairière de lumière et de pétales.
Des pétales rouges.
Ecarlates.
Le sol, entre les tombes, est strié de petits chemins de
sable, parallèles, qu’une infinie patience trace et retrace sans cesse du bout
du râteau. Dispersées avec grâce sur le rigoureux quadrillage, les pétales
écarlates de géraniums se mêlent à de minuscules feuilles de bouleaux, et, à
l’occasion d’une brise discrète, roulent ensemble entre les tombes bordées de
stèles de marbre anthracite.
Des croix du Christ. Latines et grecques.
Tombes protestantes, catholiques et orthodoxes se confondent
ainsi, de même les noms. Germaniques, scandinaves, russes… derrière les
écritures, cyrilliques ou gothiques, toujours des regrets.
Sur les médaillons de céramique fixés parfois sur les stèles, les portraits en uniformes de héros de chaque camp s’étiolent.
Impressions
éphémères, évaporées, jour après jour...
... à la lumière et à l’oubli.
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Si vous souhaitez réagir, n'hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous ou à nous envoyer un message à l'adresse suivante: petits_carnets_dalsace@yahoo.fr