Vainupea marque la sortie de parc naturel.
Avec elle, un changement sensible dans le paysage.
Les propriétés privées se succèdent le long du rivage,
rivage que nous longeons à présent à quelques dizaines de mètres de distance.
La côte a considérablement perdu de sa fantaisie. Elle s’étend uniformément,
front brut tendu sur des dizaines et des dizaines de kilomètres. Des parcelles
de résineux sont grignotées, déboisées sur quelques hectomètres. Les souches
arrachées sont laissées pêle-mêle, tandis que quelques sapins dégarnis et
avachis persistent, seuls et isolés, penchant dangereusement sans support
alentour. Par-delà, le sable a laissé place à de gros blocs granitiques
rebondis, qui s’avancent de manière pataude dans la Baltique, devenue simple
ligne d’horizon. Du bleu brut qui englouti de gros hippopotames de granit au
fur et à mesure qu’ils s’éloignent du rivage.
La transition est rude.
Bientôt le goudron supplante à nouveau le velours de la
piste que nous quittons à regret, et nous voilà échoués à Kunda.
Kunda est une ville grise.
Ses toits, ses façades, ses portes. Tout y est gris.
Ses cheminées, ses citernes, ses murs.
Gris.
Même les tubes qui relient les différents corps industriels
des lieux sont… gris.
Kunda abrite une cimenterie, depuis près de 140 ans, à en
croire l’antique panneau planté dès les abords de ses rues. Une cimenterie qui
possède même son musée. C’est dire si on en est fier.
Alors, par tradition, par culture, par fierté sûrement… tout
est gris.
Un buste, une statue, un monument en hommage aux pères
industriels: ciment et gris.
Si Kunda abrite environ 4000 âmes, il faut chercher un peu
pour trouver son ‘centre-ville’ tant est omniprésente cette cimenterie. C’est
simple : la cimenterie EST le cœur de Kunda.
Les rues grises la longent de toute part, ses cheminées
grises et vertigineuses dominent les toits de tôle ondulée grise des
maisonnettes alentours, aux parois grises… mais de bois.
De fait, nous retrouvons ces constructions de bois que nous
avions vues pour la dernière fois en Lettonie, maisonnettes uniformes de gris,
au faîte avachi et délavé.
En continuant, le long des murs de l’antique cimenterie,
nous percevons le bruit de moteurs à la peine. Camions-bennes et tractopelles
sont à l’œuvre : de nouveaux bâtiments de tôle (grises toutefois) sont
érigés, financés, comme nous l’apprennent d’ostentatoires panneaux
d’information par les fonds de la BERD (Banque européenne pour la
reconstruction et le développement).
En prolongation de la cimenterie, des routes neuves, des
ponts, des ronds-points sur lesquels s’enroulent de rutilants
poids-lourds : une zone industrielle où nous retrouvons quelques groupes
industriels allemands, suisses… la juxtaposition de ces usines corporate
copier-coller avec les maisonnettes de
bois est un mélange encore inédit.
Le sentiment d’être ‘revenus chez soi’, que nous ressentons
depuis notre arrivée sur le sol estonien, se fragmente soudain : il y a
ici à nouveau quelque chose de… ‘baltique’.
En laissant Kunda derrière nous, l’impression ne décroît pas
au fur et à mesure des kilomètres parcourus à travers la campagne.
Les fermes désertées s’y multiplient, ainsi que, dispersés, les
hameaux de maisonnettes de bois.
Déjà réaccoutumés à la bonne vieille ‘west european way of
life’, nous nous surprenons à être ‘surpris’ de découvrir que la campagne
estonienne revête ici un visage en tout point semblable à celle de ses consœurs
baltes… en dehors des villes, un visage commun.
Un visage buriné, insensible aux décennies, aux influences
extérieures.
Une coquille recroquevillée… et aux jardins soignés.
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