vendredi 29 mai 2015

Les hommes, dans le fond...

 
 
Si la rigueur du service ne faiblit pas (‘ce sera 5€ pour une lessive, mais payable de suite’, ou encore ‘si vous avez soif, vous me demandez de l’eau plutôt que de vous servir : vous nous devez 1€’ – véridique !), Anastasia se laisse davantage aller à la discussion.
Sans pour autant être volubile, elle nous accordera ainsi d’apprendre qu’elle a vécu 2 années en Irlande, alors qu’elle avait entre 25 et 27 ans, qu’elle y était tombée enceinte et qu’elle avait donc dû revenir au pays. Son mari travaillerait en Finlande et ne rentrerait qu’une fois toutes les 2 semaines.
Enfin, qu’elle était née en Estonie, mais était russe.
Depuis que le pays est devenu indépendant, elle n’a en effet plus de carte d’identité officielle.
-------------------------------------- 
 
Jaak nous accueille à l’entrée de la mine.
L’activité du musée a bien de la peine à décoller. Une nouvelle pancarte d’investissement de fond européen (panneaux promotionnels qui s’avèrent petit à petit de parfaits petits guides touristiques…) nous apprend qu’un investissement a été réalisé et que les travaux d’aménagement de la mine ont été engagés depuis 3 mois et devraient se poursuivre encore d’autant.
Il n’y a donc pas foule au guichet… et surtout, tout n’est pas encore terminé pour la visite.
Mais ce n’est pas grave : Jaak nous rassure en nous indiquant qu’il nous confierait à un vieux brisquard qui connaît la mine comme sa poche, et que lui-même remettrait sa vie entre ses mains sans réfléchir un instant.
Lorsqu’enfin nous nous décidons à suivre le vieux brisquard dans les profondeurs sous-terraines, Jaak reste évidemment au guichet…
 
 
Lyov n’est pas encore tout à fait au fait du métier de guide.
Même s’il baragouine un peu de finlandais et d’allemand et parvient à se faire comprendre de ceux qui ne maîtriseraient ni l’estonien, ni le russe (chose rarissime nous assure-t-il), son truc à lui, ce n’est pas les mots : c’est les machines. Il nous propose donc de nous conduire directement vers celles-ci ‘tout en bas’.
Nous le suivons donc sans un mot, redescendant une volée d’escaliers humides, puis une autre, suivie d’une autre encore jusqu’à ce que de petites flaques stagnent sur chaque marche de béton fraîchement coulé.
Une des lampes frontales plaquées sur nos casques grésille. Une petite claque suffit à lui faire retrouver la santé. Dans son faisceau de lumière, des petits nuages à chaque expiration.
Lyov nous précède de quelque pas et se contente d’ouvrir la voie, un peu voûté, et la jambe droite légèrement traînante. Nous passons une porte pare-feu, puis une autre et nous arrivons à la galerie.
Un tunnel d’environ 3 mètres de largeur. Des rails qui s’engagent dans la pénombre. Un quai de poutres humides.
Un train.
Ou plutôt une succession de cuves piquées et reliées les unes aux autres, dans lesquelles des ouvertures ont été découpées de manière grossière pour pouvoir s’y recroqueviller.
Le compartiment ne doit guère dépasser le mètre vingt, hauteur comme largeur et est aménagé en tout et pour tout d’une plaque contre la paroi, sur laquelle s’assoir.
L’acier est froid et humide, et bientôt, à travers nos fonds de culotte, froid et humidité semblent remonter le long de nos colonnes vertébrales.
 
 
Le boucan de la locomotive rebondit sur les parois et il ne nous est bientôt plus possible de communiquer, alors même que nous nous pressons l’un contre l’autre dans le mètre vingt du compartiment.
Les parois brutes et crayeuses du tunnel se rapprochent de chaque côté, défilent dans le faisceau de nos frontales, ralentissent, s'écartent, puis le vacarme s’interrompt soudain.
Nous nous relevons du fond de la caisse de métal, un peu rouillés mais surtout abasourdis par le brusque silence… il nous faut quelques pas pour retrouver à la fois bon équilibre et maîtrise raisonnable de notre ouïe.
Un gravier grossier a été déposé sur le sol, qui croustille sous nos pas.
Lyov nous indique un peu plus loin un autre moyen de locomotion, toujours opérationnel, une sorte de vélo-rail, mais qu’il ne trouve ‘pas assez bruyant’, plaisante-t-il.
De fait, nous voici parvenus vers les premières de ses compagnes de fond.
La première a un peu l’allure d’un alligator : tête plate et grandes dents. Il s’agit en fait d’une espèce de tronçonneuse qui permet de découper la roche en bandes horizontales. Si les premières étaient manuelles, un modèle plus élaboré permettait de rendre la machine solidaire des rails pour une meilleure assise. Puis un autre modèle, plus récent encore (vers les années 50-60) permettait de coupler à la fois la coupe de la roche, l’extraction et l’avance de la machine… au fur et à mesure qu’il nous explique les avancées technologiques des techniques d’extraction, nous sentons l’homme revivre.
Bien que cela soit interdit, le reconnaît-il au préalable, il ne résiste bientôt pas à la tentation de nous faire une petite démonstration. Nous nous plaquons aussitôt les mains contre les tympans, et regardons le monstre d’acier s’animer. La puissance de l’engin est telle que les ondes sonores nous brassent bientôt les intestins tandis que dans un réflexe de protection absurde, nous plissons des yeux.
Enfin l’apocalypse s’interrompt : Lyov se marre.
Bon Dieu que cela a l’air de lui faire du bien…
 
Tandis que nous approchons d’un front rocheux aux allures de Gruyère, nous laissons notre regard s’appesantir sur les mèches de plusieurs mètres… il n’en a guère fallu davantage pour que notre guide prenne cela comme une invitation à nous faire démonstration de l’art de forer. ‘Petite mèche’ (un mètre à peine…) sur son burineur, et le voici parti à creuser un nouveau trou dans le Gruyère.
Après, il faut bien sûr engager la mèche suivante (2 mètres), puis la suivante (3 mètres), mais là, il faut être plusieurs pour tenir le burineur… et après, on met la dynamite, et boom !
Nous ressentons presque un brin de culpabilité de ne pas parvenir à surjouer l’enthousiasme qu’il souhaite attendre de nous.
Cela doit être par trop visible : il repose donc ses joujoux, coupe le robinet d’arrivée d’air pneumatique et ôte ses lunettes en silence.
Tandis qu’il les nettoie, nous restons là, dans le silence…
Crescendo, la résonnance de gouttes, quelque part.
Le moment d’exaltation semble laisser notre guide épuisé.
 
Il rechausse ses lunettes, prend une profonde inspiration et reprend sa marche, la jambe droite toujours un peu traînante.
Alors que nous remontons la galerie, nous essayons d’engager la conversation sur un terrain qui nous semble propice en cet instant : ‘Ça vous manque l’époque où vous travailliez ici ?’
Un bouchon de liège, qui devait retenir un barrage de montagne, a aussitôt sauté.
Une époque dure, bien sûr, mais virile. Son époque en somme. Une époque de solidarité sans borne, où l’on jouait sa vie, et où l’on en connaissait le prix.
Une époque de fraternité au fond.
Où l’on se connaissait jusqu’au fond de l’âme, qu’elle soit celle d’un héros ou d’un salaud.
Pas de question à se poser. Des aspirations simples. Avoir un chez soi. Femme et enfant restaient à la surface et travaillaient également, à trier les roches extraites. Des jours fériés et des fêtes où l’on s’amusait.
Ensemble.
Il dit ce mot presque douloureusement… une douleur d'où transpire une solitude sourde. Une inguérissable ‘ostalgie’.
 
La mine a fermé définitivement en 2001. Dix ans déjà.
Pour lui, c’était évidemment toute sa vie.
A présent, le lieu où tant de sueur, de force et de souffrance ont été données devient une sorte de parc d’attraction. D’ailleurs il semble qu’il n’y ait plus que ça de vrai ‘l’attraction’.
Il nous explique ainsi qu’un des deux gigantesques terrils que nous avons pu apercevoir en arrivant dans la région a été réaménagé pour accueillir tout un panel d’attractions : pistes de ski l’hiver, moto cross, montée impossible, etc.…
Et cela prend. Des compétitions internationales y auraient même déjà eu lieu.
Mais enfin bon… tout ça, c’est pour la nouvelle génération.
La conclusion est jetée d’un air mêlé de résignation et d’impuissance, même si une tentative de bonne humeur a transparu en début de phrase.
En silence, nous nous engageons dans une galerie parallèle, puis remontons des volées de marche, tandis que les degrés Celsius remontent également.
 
Niveau zéro.
Nous remettons casques, frontales et vestes à notre guide qui à la lumière du jour a retrouvé son masque de bonhomie.
Jaak nous demande si tout s’est bien passé, nous le rassurons et l’en remercions.
Avant que nous ne prenions congés, il tient à nous remettre en main propre une liasse épaisse de documents scannés noir et blanc (en langue estonienne), dans lesquels nous trouverons toutes les indications nécessaires pour découvrir toutes les richesses de sa région… et un dernier conseil : même si l’Europe fait énormément pour la région, nous devrions tout de même ranger notre drapeau étoilé au fond de notre carriole si nous souhaitons éviter les ennuis.
Nous le remercions une fois de plus, puis après une dernier coup de tête à l'attention de Lyov, nous prenons congés.
 
 
 .

samedi 23 mai 2015

Décontamination à Kiviõli

 
Aux abords de Kiviõli, l’air pique, comme à un soir de 14 juillet.
Nous roulons, mâchoires serrées, en combattant contre un vent de trois-quarts face, peinant malgré le billard bitumé récemment déroulé.
Sous l’effort, nous sentons nos gencives s’assécher, et une sensation aigre bientôt gagne nos langues.
A l’horizon, une fumée opaque est dispersée.
Dispersée à l’horizontale.
Kiviõli est un centre d’extraction et d’exploitation de schistes bitumeux.
Ou plutôt était.
Si l’activité d’extraction est à présent arrêtée, le paysage témoigne de sa durée à travers les décennies. D’antiques friches industrielles sommeillent à travers la campagne, amas pêle-mêle de briques, de béton et d’acier oxydé.
 
 
 
A l’approche de Kiviõli, le bitume se recouvre d’une couche de poussière crayeuse, de plus en plus épaisse. Bientôt, notre embarcation y laisse un sillon net avant de ralentir et pénétrer dans une soupe généreuse. Celle-ci est déversée en travers de la route sur quelques kilomètres, durant lesquels nos chevilles ont tout le loisir de se laisser crépir pour un soin beauté et douceur… nous approchons du point d’accès d’une montagne improbable, aperçue une bonne heure auparavant. Ses flancs cendreux sont arrosés par d’imposantes lances et une petite armée de bulldozers s’y affairent.
 
  
Aussi imposants ces engins soient-ils, ils ont ici l’allure de bousiers s’attelant à un crottin cent fois supérieur à celui d’un cheval normalement constitué. Ils grignotent de leur minuscule godet, déversent la minuscule charge dans des tout aussi minuscules bennes, acheminées une fois pleines au bas de la montagne après vingt bonnes minutes de zig et de zag abrupts.
L’immensité de la tâche dépasse l’entendement…
L’action de ces bousiers est motivée par la vertu européenne : de nouveaux panneaux nous informent en effet que le chantier de décontamination est subventionné par des fonds européens.
Décontamination de quoi, nulle indication ne le précise, mais les moyens mis en œuvre semblent colossaux. En considérant les hameaux de maisonnettes décrépies alentours, la question des priorités s’impose aussitôt… enjeux environnementaux ou sociaux, quelle priorité ?
 

 
Voilà de vraies questions.
Le cheval s’est ici retiré après quelques décennies d’aise, et voici l’Europe placée dans la situation de l’heureux nouveau propriétaire qui sait qu’il ne servirait à rien d’attendre que l’ancien propriétaire vienne repeindre le plafond de l’écurie…



Une visite plus poussée de Kiviõli nous éclaire sur la question : il semblerait que l’Europe apporte des fonds à la fois pour l’environnement et pour le social… des quartiers entiers ont en effet poussé de terre en périphérie de l’ancienne ville, à proximité d’une nouvelle usine. Maisonnettes de bois neuves, écoles maternelles, nouvelle gare, trottoirs et lampadaires rutilants. Nous y croisons les premiers sourires de la région.
Ici, les noms de rues sont toutes à consonance estoniennes.
Plus loin, en se dirigeant vers l’ancienne ville, de vieux HLM sont en cours de destruction, tandis que d’autres sont rénovés et parés de couleurs chatoyantes.
Enfin, alors que nous arrivons à ce qui semble avoir été le ‘cœur’ de ce bourg de 5 000 âmes, nous arrivons dans une zone désertée. Une ancienne usine s’y trouve.
Désaffectée, mais dont les abords sont sous surveillance vidéo.
Autour, des rues condamnées, des maisons abandonnées… sauna et églises murés, et un ancien parc de plaisance, attenant, également à l’abandon. La végétation y retrouve ses droits, certains platanes, grignotés à la base, sont tombés et pourrissent à terre, tandis que noisetiers et sureaux croissent en bouquets de manière aléatoire.
La statue qui surplombe l’ancienne fontaine a perdu la tête, probablement enfouie dans les orties.
Chose surprenante : si la majeure partie de ces rues désaffectées porte toujours leur plaque et leur nom d’origine, tous deux datant d’un temps antérieur à l’indépendance, certaines de ces plaques sont neuves, comme l’expression d’une revendication de ceux qui malgré tout auraient décidé de rester.
 
 
Ou qui auraient décidé de resister ?
Mais à quoi au juste ?
-------------------------------


Laissant derrière nous Kiviõli, nous poursuivons notre route, toujours plus vers l’Est... mais à peine avons-nous parcouru quelques hectomètres qu’une barrière se dresse en travers de celle-ci.

Derrière cette barrière, un préfabriqué d’où sort une femme, casque vissé sur la tête.

L’accès à cette route est interdit et nous devons faire demi-tour.

Nous lui présentons notre carte routière, lui indiquons notre destination, retraçant du doigt l’itinéraire visé, mais rien n’y fait. Oui, la route existe, mais elle est interdite d’accès. Faites demi-tour et circulez, il n’y a rien à voir. Impossible d’en savoir davantage.

Par-dessus son épaule, nous voyons la route s’enfoncer en longue ligne droite dans la forêt, se demandant bien quel mystère pouvait provoquer un tel chamboulement topographique des lieux.

Hameau après hameau, toujours plus vers l’Est, nous assistons au délabrement des structures.
 

Les friches industrielles éparses se multiplient, toujours plus abimées. Toujours plus de carreaux brisés, de citernes rouillées.

Sur des rails de chemin de fer, des wagons d’hydrocarbures en retraite en finissent de dépérir.


A l’approche de Kohtla-Järve, des maisons en dur.

Toutes identiques, alignées les unes derrière les autres. Si leur morphologie témoigne d’un temps faste, leur état de dégradation est à présent tellement avancé que le crépi s’effondre par plaques entières et que le nombre de corniches qui persistent à tenir en place est finalement bien dérisoire.

Certaines de ces bâtisses n’ont même plus de toit.

Les rares hommes que nous croisons sont peu amènes. La plupart d’entre eux sont barbus, non coiffés. L’un d’eux porte une chemise kaki, non boutonnée. Torse et ventre sont recouverts de tatouages colorés.


Kohtla-Järve présente les mêmes contrastes que ses voisines.

Certains quartiers, totalement défraîchis, ont été baptisés de nouveaux noms de rues. Les plaques neuves jurent.
 

Sur les boîtes aux lettres, les noms russes se multiplient. Ecriture cyrillique et drapeaux russes comme signes d’appartenance. Les plaques d’immatriculation, pourtant à numérotation estonienne, arborent également des macarons identitaires explicites.

Tandis que nous poursuivons l’un des axes principaux de la ville, une fourgonnette nous sert de près, une vitre est baissée et le visage d’un homme côté passager apparaît.

Si les mots qu’il crache à notre encontre sont incompréhensibles, au moins le signe énergique de la main qui semble conclure son message est-il explicite.

Un doigt d’honneur.


L’hôtel dans lequel nous trouvons refuge pour la nuit est tout sauf chaleureux.

La chambre y est payée à l’avance, et la grille du garage n’est déverrouillée qu’à remise des clefs.

Nous tentons de nouer contact avec la jeune fille de l’accueil, sans réel succès.

De guerre lasse, nous nous affalons pour une nuit réparatrice, sentant bien que nous aurons besoin de vitalité pour les jours à venir.


Durant la nuit, nous entendons une voiture rouler au pas, à intervalles réguliers.

Une ronde de police.

mercredi 13 mai 2015

Kunda, ville grise

Vainupea marque la sortie de parc naturel.
Avec elle, un changement sensible dans le paysage.
Les propriétés privées se succèdent le long du rivage, rivage que nous longeons à présent à quelques dizaines de mètres de distance. La côte a considérablement perdu de sa fantaisie. Elle s’étend uniformément, front brut tendu sur des dizaines et des dizaines de kilomètres. Des parcelles de résineux sont grignotées, déboisées sur quelques hectomètres. Les souches arrachées sont laissées pêle-mêle, tandis que quelques sapins dégarnis et avachis persistent, seuls et isolés, penchant dangereusement sans support alentour. Par-delà, le sable a laissé place à de gros blocs granitiques rebondis, qui s’avancent de manière pataude dans la Baltique, devenue simple ligne d’horizon. Du bleu brut qui englouti de gros hippopotames de granit au fur et à mesure qu’ils s’éloignent du rivage.
La transition est rude.
Bientôt le goudron supplante à nouveau le velours de la piste que nous quittons à regret, et nous voilà échoués à Kunda.
 
Kunda est une ville grise.
Ses toits, ses façades, ses portes. Tout y est gris.
Ses cheminées, ses citernes, ses murs.
Gris.
Même les tubes qui relient les différents corps industriels des lieux sont… gris.
Kunda abrite une cimenterie, depuis près de 140 ans, à en croire l’antique panneau planté dès les abords de ses rues. Une cimenterie qui possède même son musée. C’est dire si on en est fier.
Alors, par tradition, par culture, par fierté sûrement… tout est gris.
Un buste, une statue, un monument en hommage aux pères industriels: ciment et gris.
Si Kunda abrite environ 4000 âmes, il faut chercher un peu pour trouver son ‘centre-ville’ tant est omniprésente cette cimenterie. C’est simple : la cimenterie EST le cœur de Kunda.
Les rues grises la longent de toute part, ses cheminées grises et vertigineuses dominent les toits de tôle ondulée grise des maisonnettes alentours, aux parois grises… mais de bois.
De fait, nous retrouvons ces constructions de bois que nous avions vues pour la dernière fois en Lettonie, maisonnettes uniformes de gris, au faîte avachi et délavé.
En continuant, le long des murs de l’antique cimenterie, nous percevons le bruit de moteurs à la peine. Camions-bennes et tractopelles sont à l’œuvre : de nouveaux bâtiments de tôle (grises toutefois) sont érigés, financés, comme nous l’apprennent d’ostentatoires panneaux d’information par les fonds de la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement).
En prolongation de la cimenterie, des routes neuves, des ponts, des ronds-points sur lesquels s’enroulent de rutilants poids-lourds : une zone industrielle où nous retrouvons quelques groupes industriels allemands, suisses… la juxtaposition de ces usines corporate copier-coller  avec les maisonnettes de bois est un mélange encore inédit.
Le sentiment d’être ‘revenus chez soi’, que nous ressentons depuis notre arrivée sur le sol estonien, se fragmente soudain : il y a ici à nouveau quelque chose de… ‘baltique’.

 
En laissant Kunda derrière nous, l’impression ne décroît pas au fur et à mesure des kilomètres parcourus à travers la campagne.
Les fermes désertées s’y multiplient, ainsi que, dispersés, les hameaux de maisonnettes de bois.
Déjà réaccoutumés à la bonne vieille ‘west european way of life’, nous nous surprenons à être ‘surpris’ de découvrir que la campagne estonienne revête ici un visage en tout point semblable à celle de ses consœurs baltes… en dehors des villes, un visage commun.
Un visage buriné, insensible aux décennies, aux influences extérieures.

Une coquille recroquevillée… et aux jardins soignés.

.

Interface pied/pédale

(ce post technique fait suite au précédent post technique 'interface derrière / selle', d'une rubrique en 3 volets intitulée 'interface homme machine')
 
---

 
Avant de descendre le long de la jambe pour retrouver le pied, restons quelques instants au niveau de la selle pour évoquer l'importance de sa bonne position.
 
Et d'ailleurs, avant même de parler de 'bonne position', il serait peut-être bon de préciser au préalable (si cela va sans dire, cela va encore mieux en le disant), que les vélos ont des tailles, et que les hauteurs de cadre pré-dimensionnent considérablement ces réglages de 'bonne position'. Cette hauteur est en grande partie déterminée par la hauteur de votre entre-jambe qui déterminera laquelle de ces tailles vous correspond (les tailles n'étant pas toujours identiques d'une marque à l'autre... n'hésitez pas à vous faire conseiller en boutique spécialisée !).
 
Ceci étant à présent dit, revenons à la selle. Celle-ci doit être réglée en hauteur et en profondeur (recul de selle, ou position avant-arrière). Le premier réglage consiste à avoir la jambe tendue lorsque, assis sur la selle, le talon de la jambe en question est posé sur la pédale lorsque celle-ci est au plus bas. Pour éviter que le corps n'ait à trop s'adapter en cas de démontage fréquent de la selle, vous pouvez toujours repérer cette position par un petit trait sur le tube de selle pour la retrouver en toute occasion. Car trop haute, les quadri souffrent, trop basse, les ischios morflent... sans parler bien sûr de la courbe de la colonne.
 
Le second réglage (avant-arrière) permet justement de trouver la bonne position par rapport aux manivelles (ou si l'on préfère, à l'axe de la pédale), en fonction de la longueur du fémur, en trouvant également le bon compromis avec la position relative du cintre du guidon pour avoir les bras ni trop tendus, ni 'ramassés'... pour ces réglages, des études posturales sont effectuées dans la plupart des boutiques spécialisées (ou alors ce n'en sont pas...), qui seront de très bon conseil.
 
 
Une fois la selle positionnée, nous pouvons descendre vers le pied.
 
 
Il y a alors plusieurs écoles, classées ici par ordre de rendement : l'école du pied libre (simple pédale), l'école du pied serré mais pas trop (cale-pied avec ou sans lanière) et l'école du pied tenu (pédale automatique, pour laquelle une cale solidaire d'une chaussure spécifique est 'clipsée' dans la pédale).
 
Tout est alors une question de choix entre rendement et confort. Pour ceux qui souhaitent un très bon rendement, la question ne se pose pas : la pédale automatique a la primauté. Mais cela signifie des chaussures avec cales, qui ne peuvent pas toujours servir pour la marche... la réflexion sera donc à faire : cette amélioration du rendement justifie-t-elle de rajouter une paire de chaussures pour marcher dans les bagages ? Une solution intermédiaire : opter pour une chaussure VTT avec cale 'rentrée'.
 
Autre inconvénient de la pédale automatique (et c'est particulièrement vrai en tandem), c'est le temps qu'il faut pour déclipser avant de se retrouver par terre : il peut en effet arriver en tandem à avoir à déclipser sans que vous ne l'ayez choisi, et il faudra être prêt ! Si vous ne vous sentez pas sûrs, autant se contenter de cales pieds.
 
Pour ceux qui toutefois opteraient pour les pédales auto, ne faites pas comme Reiner : ne changez ni vos pédales, ni vos chaussures (ni même les cales) juste avant de partir ! Vous auriez de grandes chances de finir comme lui, genou en vrac coincé quelque part à attendre que la tendinite (qui ne disparaît pas comme ça...) veuille bien vous laisser tranquille... quand on part un mois, on ne peut pas se permettre d'attendre dix jours. Rodez donc le tout bien avant de partir, en procédant aux derniers réglages plusieurs semaines avant de partir.
 
Pour rappel, le réglage 'avant-arrière' de la cale doit permettre de passer par une ligne verticale (fil à plomb) par l'axe de votre rotule, l'axe du gros orteil et l'axe de votre pédale lorsque la manivelle est placée à l'horizontale... l'orientation angulaire de la cale doit quant à elle permettre à votre pied d'avoir une position la plus 'naturelle' possible.
 
Ce n'est pas clair ? Voici une vidéo (certes un peu vieillie) qui a le mérite de bien illustrer tout ceci.
 
 
L'important à retenir : Même tenue, l'axe de votre jambe ne doit jamais être contraint !
 
Surtout si l'on souhaite pédaler plusieurs heures par jours, plusieurs jours par semaines, plusieurs semaines par mois, etc... tiens, on l'a déjà dit ?
 
 
Une fois déterminée la bonne position de la cale, repérez-la également, soit en marquant avec un tourne vis son contour sur la chaussure, soit en passant un coup de bombe de peinture pour retrouver la position lors d'un futur changement de cales.
 
Si vous avez le pied 'tordu', n'hésitez pas à démonter la semelle de vos chaussures pour usiner la pièce sur laquelle vient se visser la cale, et permettre ainsi une liberté angulaire supérieure à celle permise autrement (voir illustration ci-dessous), toujours dans le but de ne pas contraindre l'axe pied/cheville/genou/bassin.
 
Pour gagner encore en souplesse, il est également possible de prendre une pointure de plus pour vos chaussures...
 
 
Bien sûr, il reste toujours la bonne vieille solution des cale-pieds : moins performante en terme de rendement, elle permet toutefois de pédaler avec des chaussures plates sans trop contraindre le pied.
 
 
 
A ceux qui souhaiteraient la solution 'pied libre', voici enfin quelques remarques propres au tandem : il est très très très rare d'avoir deux personnes qui pédalent avec un rythme identique en toutes circonstances.
 
Puisqu'en tandem, on n'a pas le choix (pour rappel, les deux pédaliers sont reliés par une chaîne et sont donc parfaitement synchronisés), le meilleur moyen pour 'ne pas perdre les pédales' (dans tous les sens du terme) reste encore de garder les pieds dans des cale-pieds : si l'un ou l'autre pédale trop vite, le pied suit, et cela évite de se retrouver avec un retour de manivelle derrière le mollet...
 
Autre avantage : tenir en selle !... en effet, la longueur d'un tandem est (c'est un pléonasme) supérieure à celle d'un vélo normal. L'une des conséquences fâcheuses est qu'un basculement de poids sur l'une ou l'autre des roues en cas de choc (nid de poule, trou, dos d'âne...) pour amortir le coup n'est plus possible : la personne à l'arrière n'aura malheureusement pas d'autre possibilité que de se prendre le choc de... 'pleine selle' : si son compagnon de devant n'a pas eu le temps (ou le tact) de la prévenir, elle risque alors de faire un petit saut. Sans cale-pied, il vaut mieux espérer qu'elle retombe bien sur la selle... sinon... il vaut encore mieux avoir des cale-pieds. CQFD.
 
Heureusement, le phénomène est connu des concepteurs et souvent, un petit amortisseur très absorbant (assez rigide pour absorber de gros chocs) est placé au niveau de la selle du passager arrière... et finalement, nous voilà revenus à la selle, la boucle est bouclée.
 
 
 
Prochain et dernier post interface homme/machine: l'interface main/guidon.
 

samedi 9 mai 2015

... à la lumière et à l'oubli.

 
Le long du parc Lahemaa, la côte se fait coquette. Elle met un pied dans la Baltique, dont les eaux sont devenues plus calmes encore que celles d’un lac, puis le retire. Elle retourne fouler les fougères, vers l’intérieur des terres, et puis retente à nouveau un pied plus au Nord… et se décide à pousser plus en avant, s’y enfoncer jusqu’aux genoux, avant de revenir en bondissant, se nicher au creux d’une forêt de conifères.

 
Il y a beaucoup de plaisir à suivre les humeurs de la coquetterie.
On s’en amuse. On la suit de bon gré, sachant bien que tant d’inconstance, au fond, ce n’est pas sérieux… et pourtant, il y a là tant de légèreté.
Les fougères, les bois de conifères se succèdent ainsi, et les eaux de la Baltique, tantôt s’offrent, tantôt se retirent en contre-bas, au travers d’un voile pudique de branches et d’épines.
Une piste de sable blanc, humide et dure, déroule sous nos roues sa fantaisie, sans un bruit.
Elle suit la côte, redescend au niveau des eaux à tel point parfois que quelques mètres à peine nous en séparent, puis reprend un peu de hauteur, pour laisser toute quiétude à une petite baie peuplée de roseaux lascifs. Par la brise qui nous parvient, se perçoit le ballet de leurs caresses. 

Plus loin, la piste n’ose engager sa curiosité vers l’extrémité de la péninsule. Tandis qu’un chemin d’épines taquines s’y engage entre les troncs de résineux, elle préfère oublier quelques instants ces jeux adolescents et se retire avec résolution plus en avant au cœur de la forêt.
Elle s’y enfonce, s’y oublie, s’entête de l’odeur de sève qui bientôt emplit l’espace, puis, sans prévenir, nous laisse échoués au bord d‘une petite clairière de lumière et de pétales.
Des pétales rouges.
Ecarlates.
Le sol, entre les tombes, est strié de petits chemins de sable, parallèles, qu’une infinie patience trace et retrace sans cesse du bout du râteau. Dispersées avec grâce sur le rigoureux quadrillage, les pétales écarlates de géraniums se mêlent à de minuscules feuilles de bouleaux, et, à l’occasion d’une brise discrète, roulent ensemble entre les tombes bordées de stèles de marbre anthracite.
Des croix du Christ. Latines et grecques.
Tombes protestantes, catholiques et orthodoxes se confondent ainsi, de même les noms. Germaniques, scandinaves, russes… derrière les écritures, cyrilliques ou gothiques, toujours des regrets.

Sur les médaillons de céramique fixés parfois sur les stèles, les portraits en uniformes de héros de chaque camp s’étiolent.
Impressions éphémères, évaporées, jour après jour...

... à la lumière et à l’oubli.
 

 .

Devoir de mémoire

 
Janvier 2001, une plaque commémorative, dédiée aux victimes de guerre, est déposée à la pointe de la péninsule de Jimunda.
Soixante ans après l’évacuation de Tallinn.
Soixante ans après la poudre et l'hécatombe.
Soixante petits tours autour de l’astre solaire, durant lesquels les eaux du Golfe de Finlande, par-dessus les navires échoués, se sont gelées (les eaux du golfe circulent si peu que leur surface se glace chaque hiver, si durement qu’il est alors possible de le traverser à véhicule), puis, au printemps, à nouveau libérées. Soixante petits tours autour de l’astre solaire, durant lesquels les survivants sont devenus grands-pères, arrière-grands-pères… avant, pour la plupart, de disparaître et redevenir poussière.
On dit qu’un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle… avec la disparition de chaque survivant, c’est ainsi à chaque fois un petit bout de cet épisode de l’Histoire qui disparaît.
Comment alors se souvenir ?
 
Chaque année, dans les pays vainqueurs, on n'oublie pas de se souvenir. 

Devant un bon petit verre de blanc frais.

Devant les monuments aux morts dressés jusqu’au plus petit village, 2 fois l’an, quelques trompettes ouvrent et ferment le ban, donnant la parole au maire pour lire un discours préparé par le Ministère, avant de retrouver le verre de l’amitié.
Malgré tout, nos monuments se fendillent, s’émoussent, comme notre souvenir.
Sous les lettres des noms des disparus, peu à peu oxydées, des larmes ocres se gravent dans la pierre. Des larmes de regret peut-être, de constater combien les rangs des obligés de mémoire se clairsement chaque année… Les rangs de ceux ‘qui l’ont vécu’, porte-drapeaux décorés comme des sapins de Noël, marchant toujours au pas, raides dans leurs uniformes amidonnés, et qui, fidèles durant des décennies, s’étiolent soudain : tous tombent en l’espace de dix ans.
Ne restent alors bientôt plus que quelques trompettes, quelques élus enrubannés, et la voix approximative de quelques enfants, appelant pour le plaisir de l’instituteur et de quelques parents à ce qu’un sang impur abreuve nos sillons…
 
Peu à peu, que ce soit à cause des morsures trop vives de novembre, ou au contraire, sous les clins d’œil séducteurs de ponts de mai, les enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants de ‘ceux qui l'ont vécu’ font l’école buissonnière de la mémoire.
 
Ils oublient
 
Quelques derniers monuments sont inaugurés çà et là, comme d’ultimes corrections au moment de rendre la copie, avant d’oublier tout à fait… un Mur des justes est inauguré à Paris. Un hommage adressé aux braves aviateurs de la RAF à Green Park à l’occasion du jubilé de la Reine, qui règne alors… depuis soixante ans déjà.
Quelques coquelicots sont déposés de manière anonyme, quelques photographies en noir et blanc, quelques ultimes regrets… et l’Histoire rejoint peu à peu le royaume abstrait du souvenir… du patrimoine et de la culture… des contes et légendes.
 
De drôles de mariages de genres s’opèrent peu à peu.
 
On profite du 8 mai pour se rendre à un parc d’attraction outre-Rhin, profitant que nos voisins anciennement vaincus soient au travail.
Lorsqu’on passe à Ypres durant l’été, on se masse près de la Porte de Menin, où chaque soir, la mémoire des soldats britanniques est honorée depuis bientôt un siècle par quelques uniformes, drapeaux et trompettes, pour avoir une chance de poser aux côtés de ce vieux centenaire décoré et tremblant, un peu perdu par ce chahut, pour une jolie photo souvenir de ces vacances, avec les petits et mon plus beau sourire…
On s’offre une expédition sous-marine sur les rivages de la Baltique, pour avoir le frisson des grands explorateurs, s’imaginant être le premier à pénétrer ces fascinantes carcasses d’acier éventrées, comme on pénètrerait les tombeaux égyptiens, les cryptes teutoniques ou des caravelles du temps de vrais grands explorateurs…
 
 
‘Plus jamais ça !!’…
 
Les lettres d’une prière profonde, écrite avec le sang, s’effacent petit à petit, comme écrites à la craie…
 
Mais l’Histoire acariâtre ne se laisse pas si facilement oublier…
La lugubre Ypres ressurgit ainsi, bien des décennies plus tard, là où on ne l’attendait pas.
 
Remontant ses filets, ce pêcheur de la Baltique n’avait très probablement jamais entendu parler de cette petite ville de Belgique et de son saillant, avant de remarquer que ces filets, bizarrement, étaient inhabituellement poisseux… lorsque la douleur fut suffisamment vive, lorsque la brûlure eut causé suffisamment de dégâts sur ses mains pour qu’il se décide à consulter, il apprendrait, trop tard, les dégâts causés par l’ypérite, ce fameux gaz des guerres de tranchées, d’une ancienne guerre, sur d’autres fronts, quelque part vers la France, l’Allemagne ou la Belgique… là où précisément, cette saloperie qui lui ronge à présent les mains avait été utilisée pour la première fois.
 
‘Plus jamais ça !’…
Pour prémunir leurs descendants des horreurs enfantées par la guerre, les survivants de la der des der ont ratissé l’Europe meurtrie, collectant sur tout le territoire obus, mines, grenades, torpilles et autres joujoux à ne plus laisser entre les mains de trop peu sérieux rejetons… ils en ont fait de jolis tas, et pour ne pas tenter le Diable, se sont appliqués à rejeter tout cela loin, loin d’ici.
Des années durant, le poison qui s’était déversé sur le continent, fut amassé, rassemblé, puis rejeté aux oubliettes… dans quelque fosse maritime… dans quelque gouffre de montagne.
Quelque part… si loin d’ici, qu’on ne le sait plus.
 
La vie a pu reprendre son cours… jusqu’au conflit suivant.
 
Les obus, bombes et autres mines, immergés pour la majeure partie dans les eaux de la Baltique se sont fait depuis oublier… et chaque année, dixième de millimètre après dixième de millimètres, les coquilles d’œuf s’érodent… et se fendillent.
Et l’ypérite, endormie depuis longtemps, s’étire peu à peu, se cramponnant parfois aux mailles de filets de chalutiers… filets qui brassent sans égard les redoutables coquilles.
 
Parmi les larmes divines, ancestrales résines dispersées sur le rivage, se mêlent également depuis peu d’étranges pastilles blanchâtres. La gardienne du phare nous a bien mis en garde.
Ces pastilles, inertes dans l’eau, s’enflamment aussitôt au contact de l’air. Leur gaz, à travers même les vêtements, corrosif, ronge les chairs.
Du phosphore blanc. Une saloperie telle qu’aux Conventions de Genève, les hommes se sont promis de ne plus jamais l’utiliser…
 
Plus jamais ça’…
 
Bientôt un siècle plus tard, l’Histoire oubliée nous empoisonne à nouveau la vie, mais c’est, ironie du sort, sous un nouveau sens que le ‘Devoir de mémoire’ nous apparaît : alors que nos poilus ont disparus pour la majeure partie en l’espace de 10 ans à peine, les innombrables coquilles d’œufs (des millions ? des milliards ?...) se fendillent à leur tour, nous imposant une course contre la montre inattendue… et qui nous prend de court : car où chercher ?
 
Ironie de l’oubli…
 
En l’espace de moins de dix ans, mercure, phosphore, plomb, nitrate et autres métaux lourds se sont ainsi libérés, formant au cœur de la Baltique une zone morte qui s’étend toujours davantage... on se souvient alors vaguement que d’autres décharges balistiques ont été dispersées au cours de l’Histoire… quelque part dans la Manche… quelque part sur les côtes de l’Atlantique… quelque part vers l’Ile de Man… on se souvient vaguement que tel croiseur, tel cuirassé coulé au début des années quarante, transportait à son bord telle ou telle saloperie… on se souvient des années de guerre froide, aux munitions jetées par-dessus bord lorsque les opérations de dissuasion étaient annulées… on se souvient enfin des évacuations bousculées, improvisées, pas si lointaines, de bases militaires soviétiques, aux ogives nucléaires, sur le sol letton…
 
 
Et devant cette effroyable situation, les larmes divines de compassion parsemées sur les rivages de la Baltique semblent prendre alors un sens nouveau…
 
.