dimanche 2 décembre 2012

Du doute...

Quelle légitimé le voyageur a-t-il pour 'raconter un pays' ?...
 
Voilà une question que nous nous sommes bien souvent posée !

 
En laissant traîner l'oreille de ci de là auprès de personnes 'revenant de voyage', c'est un trait qui nous a souvent mis mal à l'aise : 'l'Amérique du Sud, c'est comme ceci, c'est comme cela, je sais, j'y étais durant 2 semaines !'...
 

C'est untel qui après 10 jours de thalasso en club Med à Bali vous racontera sa traversée de l'Indochine... tel autre qui vous dressera un paysage sociologique des tribus maasaïs après avoir passé 2 jours en mode 4x4 safari à travers la savane de Tanzanie... et pour peu que vous vous procuriez un guide de voyage de la région en question, vous vous apercevrez que vos conteurs n'ont souvent rien perdu de leurs talents d'écoliers et de récitation.


De la certitude. Du savoir. Et par dessus tout, une légitimité : 'j'y étais je te dis !'
 
Le récit de voyage se teinte alors de jeux d'influence, de pouvoir... de force. Et aussitôt, il a perdu toute sa magie : cela devient du mauvais journalisme, si semblable à cette soupe continuelle servie à longueur d'ondes...
 
 
 
Pourquoi tant d'ambition ?...
 
 
 
Au fond de nous, une rage bouillonne : 'Fais-nous rêver ! Raconte-nous ton voyage, ta perception, à échelle humaine... mets y autant de réserves qu'il te plaira, mais ne récite pas... Témoigne ! Donne-nous à voir, à sentir, à palper, à entendre... dis-nous ce que tes sens t'ont appris !'
 
Les photos défilent, les unes après les autres, interminables, brutes et sans récit.

La peau du voyage, revêtue de récitations.
 
 
 
Bien sûr, raconter son voyage demande déjà de le vivre. Raconter ses sensations demande déjà de sentir... et bien sûr (ce n'est pas trivial), de prêter attention à toutes ces sensations.
 

En parcourant les librairies, au rayon 'récits de voyage', il est toujours frappant de constater à quel point les titres de ces ouvrages sonnent comme une revendication : '8500km à travers les steppes', '136 jours de pampa', 'Mes 22 560 miles à travers l'Asie du Sud'. Une escalade de chiffres, de valeurs numériques, classables, hiérarchisables, affichées comme une note qui aurait été attribuée de fait et qui à la fin (il ne faut pas s'y tromper), revendiquerait ainsi un classement, une place...

… revendiquerait tout simplement un 'droit de parler'.

La revendication d'une légitimité.
Celle de raconter un pays, ou un petit bout du monde.
'Parce que j'y étais, et longtemps, et parce que j'y ai parcouru tant de kilomètres...'

Et c'est sûrement là que sont confondues 'performance' et 'légitimité de parole'.
 
 
Bon nombre de ces récits ressemblent alors à ces interviews réalisées en sortie de stade, où les dieux de l'Olympe délivrent leurs impressions (leur déception d'avoir perdu alors qu'ils avaient tout donné, ou leur joie d'avoir gagné face à un adversaire pourtant si fort), et parfois quelques messages subliminaux (… trop subliminaux pour que nous en donnions quelque exemple ici...).

 
Aussi, lorsqu'à notre tour, nous nous sommes prêté au jeu des témoignages, cette question n'a cessé de tourner et de retourner en nos esprits (et le fait toujours).

Ce que nous aimerions raconter a-t-il une quelconque valeur pour d'autres ? 
Qu'avons-nous le droit de dire ? Où s'arrête notre domaine de légitimité ?
Quelle doit être la place de l'exactitude ?

Nos suppositions, nos interprétations sont-elles pur délire ?
 

 
 
Devant tant de questions, tant de garde-fou que l'on se met, on se demande alors souvent 'pourquoi'... 'pourquoi', au fond, écrivons-nous... pourquoi même, ces garde-fou ?

D'où vient cet élan ? De quelle nature est-il ? Est-il de bon conseil ou faut-il aussi apprendre à s'en méfier ?...
 

 
Cet élan se mêle d'envies. De ces envies dont on dit qu'il vaut parfois mieux les assouvir avant qu'elles ne deviennent des vices. Des envies de partage assurément, et de transmission.

Partager et transmettre une certaine vision du monde, où seraient mêlés un peu d'émerveillement, un peu d'humour, et enfin quelques éléments de réflexion.
 
 
Et c'est sûrement là que toute la difficulté commence : car on ne sait pas grand chose au fond...
 

Sinon d'avoir senti ce que nous avons senti, d'avoir vu ce que nous avons vu et entendu ce que nous avons entendu... et encore. L'interprétation n'est jamais très loin... quant à la redoutable conclusion...
 
... elle s'invite toujours avec fracas, n'hésitant pas à traverser la fenêtre lorsque nous lui fermons la porte au nez.
 

Comment alors, arriver un jour à dire sans trembler 'je sais, je te dis, puisque j'y étais (2 semaines)!'
 
 
 
 

 
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Aussi est-il parfois des rencontres particulièrement réconfortantes.
 
De ces rencontres fortuites qui se présentent à un moment où le doute se faisait plus pressant, où les questions semblaient s'agglutiner et où le découragement même par moments pointait son nez.
 
 
'A quoi cela sert-il de traverser ces campagnes profondes lorsqu'on sait petit à petit qu'elles sont hostiles ? A quoi cela sert-il de 'voir', puis de s'en aller ? Qu'avons-nous appris jusqu'ici ? Qu'attendons-nous du reste du voyage ? Que faisons-nous là ?'
 
...

'Qu'est-ce que le bonheur... tu parles d'une question...'
 
 
'Il pleut à nouveau... combien de jours reste-t-il ?'...
 
 

 
 
'Que faisons-nous là ?'...
 
 
 

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