mercredi 12 décembre 2012

Aux abords de Šiauliai

 
Nous arrivons déjà aux portes de Šiauliai.





La journée, comme toute journée passée à réfléchir, est passée sans même avoir à y penser... et les kilomètres nous ont glissé dessus, comme la piste sous nos roues, baraque après baraque, église après église, champ après champ (où quelques fichus épars s'affairaient parfois), juste entrecoupés de courtes pauses pour coucher sur nos petits carnets quelques mots clefs résumant le fruit de nos nouvelles réflexions...





A l'occasion d'une de ces pauses, un vieillard à vélo est venu à notre rencontre, gesticulant et baragouinant des mots toujours aussi incompréhensibles... son enthousiasme était si débordant qu'il a pris nos mains dans les siennes tour à tour sans plus de manières et les a serrées, le regard, humide, droit planté dans le nôtre... que faire devant une telle démonstration de sympathie ??...





Il a continué à parler, nous lui avons montré nos drapeaux, avons essayé diverses langues, sans succès... notre bon vieillard a essayé à son tour d'autres mots, secouant la tête en tout sens, impuissant, nous a regardé une dernière fois dans les yeux, d'une manière presque douloureuse, mais rien : aucun moyen de nous comprendre... et puis, après avoir secoué une dernière fois la tête, épaules tombantes, il est reparti sur son vélo sans plus tarder, et nous sommes restés là, interdits.....





... cette satanée barrière de la langue est décidément toujours aussi frustrante...









Peu à peu, les champs se sont multipliés dans les plaines et se sont étendus, les bottes de foin sont redevenues rondes, plusieurs fichus se sont rejoints dans les mêmes rangs de cultures (de mieux en mieux entretenues), les vélos ont progressivement été remplacés par de vieilles ladas et le bitume a même fini par revenir sous nos roues.


 

 


Perchées au milieu de ces cultures, nous découvrons de loin de drôles de constructions de béton. De très hautes tours d'un blanc délavé, aux rares fenêtres, dont l'allure imposante évoque tantôt un centre pénitentiaire, tantôt une usine du temps du stakhanovisme... en nous approchant davantage, nous découvrons qu'il s'agit d'une coopérative agricole. Une pancarte piquée l'indique, et puis plusieurs rames de silos sont également apparus: les plus anciennes, colonnes de rouille, sont surmontées de petites guérites de surveillance. L'accès au site est protégé : hauts barbelés (tendus en dévers pour les fils les plus hauts), barrière et accès surveillé... des camions de toute taille et de tout âge vont et viennent.





Héritage du temps des kolkhozes ?
 



 

 
Dans ces campagnes de cultures aux maisonnettes de bois, ce site semble tout droit tombé du ciel... ou des enfers. Il s'en dégage comme une sorte de stress malsain... d'excitation ambiante et subie.





La chaussée, que nous partageons à présent avec ces camions qui vont et viennent, n'est pas assez large pour que deux camions se croisent. Nous recevons plusieurs coups de klaxons nous invitant à nous ranger tout à fait pour dégager la voie. Lorsque nous n'obtempérons pas de suite, le klaxon reste alors appuyé quelques secondes, rageur...





Bientôt, quelques maisons, tantôt de brique, tantôt de bois.





Les maisonnettes de bois ont un air misérable. Certaines ont un air penché, le bois rongé au niveau du sol, les peintures écaillées. La porte grande ouverte sur l'obscurité intérieure, barrée d'un rideau délavé, presque pudique. Devant l'une d'elles, trois jeunes, shorts et torses nus, bronzés et puissants, sont attablés et jouent aux cartes. Une femme au regard éteint secoue un bébé en pleurs, déambulant autour de la table, pieds nus à même la terre.





Les maisonnettes de briques, quant à elles, sont pour la plupart entourées de grillage, barrières et portails, et sont gardées par des chiens. Parfois, des panneaux dissuasifs mettent tout visiteur potentiel en garde...













La limite entre campagne et ville est diffuse... la route, suffisamment élargie à présent pour que deux camions se croisent sans problème, vire à angle droit, entre deux talus de remblai. Tout droit, l'ancienne route, barrée et déjà grignotée sur les bords par quelques ronces.





Autour de nous, des friches. D'anciennes industries, aux murs de brique rouge, éventrés. Des silos, des cuves, des pompes oxydées à cœur en finissent de se dissoudre... les cheminées, toujours maintenues par des câbles bien fatigués, semblent s'éplucher lentement... des nids de cigognes y ont élu domicile.





Aucun panneau.
 




 
Sur d'anciennes zones bitumées, des baraquements ont été bricolés. Devant l'un d'eux, des hommes, des femmes et des enfants sont réunis. Deux hommes se disputent. Ils semblent se menacer, échanger des mots... une radio couvre en partie leurs cris. Bousculades, intimidations... et le premier coup est parti. Ils s'empoignent, tombent à terre, roulent l'un sur l'autre... la radio continue de cracher, indifférente... les chiens se sont mis à aboyer... et puis un cri par dessus le vacarme. Un cri d'homme.





Autour, personne n'a réagi, ni femme, ni enfant.





Un peu plus loin, une femme remonte l'eau d'un puits. La poulie, à chaque tour de manivelle, pousse une complainte métallique.









Un camion nous surprend, nous serrant de près. Nous avons tout juste le temps de nous retourner pour nous protéger des projections, plaquant la carte contre nous. Carte qui nous semble en ce moment d'une utilité bien limitée : nous n'arrivons pas à nous repérer.





Nous continuons donc sur la voie 'principale', qui ressemble davantage à une voie de déviation de travaux, au revêtement crevé à de nombreux endroits. De nouveau rétrécie, tirée entre deux talus de gravas. Les feuilles des rares buissons qui ont élu domicile sur ces gravas sont crayeuses. La chaussée semble en effet hésiter entre buttes de bitume et lagunes de poussière... les essieux des trente-huit tonnes vibrent de manière chaotique tandis que les bennes claquent à hauteur de nos oreilles dans d’effroyables résonances.





Un stop : pied à terre.

Nos jambes crispées et peu à peu douloureuses sont fébriles.





Au delà du stop, une double voie déverse à double sens son flot de véhicules. Un bitume uniforme.
 

Pas de voie d'accélération. Nous la longeons en roulant sur le bas-côté, parmi les canettes, les cartons, les débris de verre, les éclats de plastique... nous dépassons un premier abribus de béton : sa coiffe est si grignotée que quelques barres torsadées en ressortent. Pas de voie d'arrêt pour le bus.





Des parkings de gravier apparaissent de chaque côté de la chaussée, entourés de grillage. Des véhicules d'occasion. Des bidons, des pièces détachées pour camions... des garages, des bâtiments de briques, aux couleurs passées... un peu plus loin, des bandes de trottoirs, des réverbères.





Des enseignes de garages, aux vitrines de verre, des stations essence, des parkings bitumés, des voies de stationnement pour bus... sur des trottoirs neufs, des abri-bus de verre nouvellement installés, estampillés 'JC Decaux'.





Premiers feux de circulation. Des rues parallèles, des panneaux directionnels, des pelouses, des bâtiments à étages, des affiches publicitaires...





Une pancarte.





Šiauliai.

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