mardi 25 septembre 2012

World press photo


Devant le n°40 de l’avenue Gediminas, le square Lukiškių. De larges allées, de jolies pelouses soignées, des massifs de fleurs et de grands tilleuls.

Et au-dessus de nos têtes, un ciel bleu et un soleil lourd de midi. Dans nos cheveux, de l’air, dans nos oreilles, le bruit de la circulation, de discussions, de pas qui passent… peu à peu, la tête s’allège, la peau se réchauffe et l’estomac se surprend même à gargouiller.

La vie reflue.


Ce parc s’appelait jadis ‘parc Lénine’ : une statue trônait au milieu de la place. La statue déboulonnée depuis a été conservée au parc Grutas que nous avons déjà évoqué. Et le cœur de la place est à présent vide…


… enfin, presque : aujourd’hui, les lauréats du concours annuel de photojournalisme sont exposés.

World Press Photo s’expose en effet.
Changement d’époque…





Tels de bons moutons, nous nous approchons machinalement des groupes épars qui tournent autour des panneaux. Et nous avalons machinalement de nouvelles images…

En Espagne, la corne d’un taureau sort de la joue d’un toréador suspendu en l’air. En Allemagne, marée humaine pour la love Parade à Duisburg qui a tourné au cauchemar. 212 morts, 500 blessés. Au Seria-Leone, les prisons sont surpeuplées et les détenus sont nus, traités comme du bétail. Fusillade au Brésil en 8 clichés : 2 morts. Carnet de famille en noir et blanc de Julie Baird, séropositive à l’agonie. Michael Wolf a voyagé sur Google Earth pour nous concocter un concentré de clichés pris sur le vif : femme qui urine entre deux voitures, personnes couchées sans conscience sur la voie, un trottoir, voitures qui brûlent… Autre panneau : des corps décharnés retrouvés dans le golf d’Aden, au  Yemen. Plus loin, des carcasses de bétail et viscères entassées sous le cagnard du Niger où sévit la famine. Ailleurs, le combat de Victoria pour une fillette atteinte d’hydrocéphalie au Népal. La fillette ne survivra pas à l’opération. Ailleurs encore, aux Etats Unis, catastrophe écologique causée par une gigantesque marée noire. En Chine, une autre marée noire : Zhang Liang s’y noie, Han Xiaoxiong survit et pleure son compagnon héroïque. Noyade et pleurs, le tout toujours en clichés. Et d’autres images encore : tremblement de terre en Haïti et corps dans les gravats, éruption à l’Est de l’île de Java et autres victimes, mousson au Pakistan et autres corps flottants… des corps, des charniers et des cadavres d’enfants jetés comme des sacs de céréales…

… la coupe est pleine, et la nausée à présent arrive à son comble.

Certainement trop pour une seule matinée.
Le moment est très mal choisi…


… mais a-t-on vraiment toujours le choix ?....



Retirés sur les bords de la place, après quelques minutes, nous reprenons nos esprits. L’ombre des tilleuls redonne des couleurs aux joues.

Devant le spectacle de cette place historique, nous ne pouvons nous empêcher de nous demander :

‘Quel but cette exposition ? Une fenêtre sur le monde ?’


Et pourquoi cette concentration d’éléments aussi morbides ?...

Que viennent y chercher les curieux ?
 

‘Simples photos d’instruction?’


‘Ou produit de fascination?’…




Et un des commentaires laissé par un des visiteurs du musée, comme une invitation enthousiaste laissée à son prochain nous revient aussitôt en tête, non sans malaise, mais qui nous donne précisément à réfléchir :


“Une expérience de l’horreur ! ”





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