lundi 17 septembre 2012

Aukų gatvė 2a

En remontant l’avenue Gediminas (la principale avenue de Vilnius), le visiteur découvrira tour à tour des ministères, le parlement, la cour constitutionnelle et ainsi bon nombre des institutions gouvernementales du pays. Il découvrira de même la bibliothèque nationale, le théâtre national ou encore l’académie nationale de musique et de théâtre, située au numéro 42.

En cet été 2011, aux abords de ce n°42, l’œil du visiteur est particulièrement attiré par une espèce de fresque grand format: des milliers de dessins sont en effet exposés, accrochés sur des barrières provisoires déployées sur plusieurs dizaines de mètres jusqu’au coin de l’Aukų gatvė.



 
Sur ces dessins aux milles couleurs, des motifs récurrents : les couleurs du drapeau lituanien, une tour, des foules en nombre… la Lituanie a retrouvé son indépendance depuis tout juste vingt ans, et à cette occasion, ces milliers de dessins des enfants du pays ont été rassemblés ici, en face de l’école de musique et de théâtre, mais aussi et surtout, devant le musée du génocide, situé au n°2a de l’Aukų gatvė.

La dernière visite que nous ferons à Vilnius.


Nous prenons toutefois le temps de regarder plus longuement ces dessins avant de nous lancer. Ces témoignages en images valent déjà beaucoup plus que de longs discours…

Car au-delà du drapeau du pays, de la tour et des foules réunies qui symbolisent les évènements de 91 qui mèneraient à l’indépendance (nous y reviendrons), bon nombre de ces dessins représentent des ombres, des forêts et des tombes, mais aussi des chars, des fusils et des wagons… des souvenirs de l’Histoire encore bien présents dans l’esprit collectif. Des souvenirs de la longue période d’occupation.

De l’occupation soviétique bien sûr, qui durerait de 44 à 90.


Dans le post ‘identité’, remontant le fil de l’histoire des partisans soviétiques, nous avions déjà décrit le sort du pays lors de la seconde guerre mondiale : nous avions évoqué le pacte germano-soviétique de 39 qui déterminait les conditions de partage du pays entre l’Allemagne nazie et les soviets, puis finalement l’occupation pure et simple du pays par l’armée rouge qui mènerait à l’annexion du pays, les arrestations et déportations, puis la ‘libération’ du même pays un an plus tard par les troupes allemandes lors de l’opération Barbarossa et les exactions de la population qui s’ensuivraient, pour enfin terminer sur le retour de l’occupation soviétique dès l’assaut final de l’armée rouge sur la Wehrmacht en 44... un rappel historique qui devait permettre de se faire une idée des relations entre les lituaniens et les partisans soviétiques au sortir de la guerre.


Les revendications indépendantistes lituaniennes ne sont évidemment pas éteintes au sortir de la seconde guerre mondiale. Des organisations de résistance, principalement les frères de la forêt, vont ainsi continuer leurs opérations jusqu’à la fin de l’ère stalinienne, au début des années cinquante, avant d’être anéanties. Pendant cette période, le tiers de la population sera déporté et le pays subira une russification intense : importation massive de population russe, verrouillage des administrations, usines, partis, persécution religieuse, déportation des opposants…

Si la période poststalinienne se ‘détend’ (Khrouchtchev dénoncera les exactions commises sous l’ère de son prédécesseur), le pays entre dès lors dans une nouvelle phase de répression avec l’avènement d’un nouvel appareil de police politique : le KGB, créé en 54.

Les répressions directes décroissent dès lors considérablement, mais la lutte contre les mouvements indépendantistes ou simplement contestataires ne faiblit pas : les méthodes employées sont simplement autres. L’infiltration très large par des membres du KGB (universités, syndicats, unions sportives, etc…) et la généralisation de moyens de surveillance déployées autour de toute personne décrétée suspecte (écoutes et enregistrements téléphoniques, surveillance de courrier, etc.) font alors rôder un climat de suspicion jusqu’au sein des relations d’amitié, voire de famille.

Selon ce degré de suspicion, une personne suspecte pouvait être ‘avertie’, renvoyée du travail (ou de l’université), assignée à résidence, envoyée en camp de travail, en asile psychiatrique, déportée… ou disparaître tout simplement.


Si aujourd’hui, le n°2a de l’Aukų gatvė abrite un musée, il n’en a pas toujours été ainsi : vingt ans auparavant encore (jusqu’en août 91), ces mêmes murs abritaient le bureau principal du KGB en Lituanie.


Et pour ne pas oublier ces années noires, jouxtant les Parlement, cour constitutionnelle et autres ministères qui jalonnent à présent l’avenue Gediminas, ce musée a depuis conservé tels quels ses sous-sols et autres cellules…

Ces derniers sont ouverts à tous ceux qui désireraient savoir .

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