Pour le touriste, la colline aux croix
est un peu à la Lituanie ce que le Mont Saint Michel serait à la
France : un endroit incontournable qu'il faut avoir coché sur
sa grille de jeu de piste lorsqu'on visite ledit pays. De fait, des
bus de toutes nationalités affluent.
Šiauliai est une très courte
étape sur ce jeu de piste, une pause sandwich, presque un arrêt
pipi. Le touriste n'y séjourne pas, il y mange en passant. Pour rejoindre l'une des trois plus grandes villes du pays, selon ses envies. Klaipeda et la côte sont à un peu plus d'une heure et demi de route, Kaunas à 2 heures, et Vilnius et son aéroport à un peu plus de 2 heures (en faisant un petit crochet par Trakai, compter 20' de plus).
Le 'couloir' touristique y est particulièrement limpide : le bus avale les dix
petits kilomètres d'A12 pour rejoindre l'artère principale de la
ville, s'arrête sur le grand parking d'une grande place au pavé
posé récemment et libère les groupes affamés. On traverse la
route, on longe l'artère principal sur 150m pour arriver au
croisement avec la rue piétonne où se trouve l'office de tourisme.
Si le badaud entend presque sonner l'écho de ses talons sur les façades de la rue piétonne le soir, celle-ci ressemble à une véritable cantine à mi journée.
Musées, boutiques chiques, ateliers
d'art se mêlent alors à toutes sortes d'établissements de
restauration, assurant un vaste choix, du simple en-cas sur le pouce au buffet
gastronomique en passant par la cave de cuisine traditionnelle. La
plupart ont des terrasses, et les écrans plats (sur lesquels pour la
plupart passent en boucle des défilés de mode) ont même été
tirés de l'intérieur pour plus de... de... comment dire... de ça
quoi... de... de
fun !
Vilniaus
Gatvė parle alors la bouche pleine, s'esclaffe, hurle de rire,
reboit un coup, se bouscule et se promène la braguette en l'air...
Si,
en descendant du bus, le visiteur ne traversait pas si docilement la
route, mais prenait la rue juste au coin de la place, il tomberait
sur Trakų gatvė, une rue qui longe Vilniaus Gatvė à quelques
dizaines de mètres de distance, sans qu'aucune ruelle ne lui
permette toutefois de communiquer avec sa grande sœur.
Trakų
gatvė n'a ni boutique chique, ni comptoir de restauration, mais en
la descendant en direction du lac, on peut s'y faire couper les
cheveux. Svajone vous reçoit, sourire aux lèvres, en traversant un
léger rideau. Dans l'ouverture de ce dernier, vous apercevez un
petit bonhomme, qui quitte à l'instant la table où le crayon roule
encore sur la page consciencieusement remplie. La dictée reprendra
plus tard.
On
arrive à faire beaucoup de choses en mimant : même à se faire
couper les cheveux. La coupe est rapide, consciencieuse, douce...
elle nous en coûtera 7Lt. L'équivalent de 2€.
Un
jeune prend la suite. Svajone garde le sourire, posée, efficace, et
douce.
La
dictée attendra encore un peu.
Si
faire plusieurs fois le tour de la ville à la recherche d'un endroit où se loger n'a
rien de plaisant en arrivant en fin de journée, on apprécie après
coup l'avantage certain que cela offre : quand on arrive à
notre tour sur Vilniaus Gatvė, on ressent
l'incongruité d'une telle rue... une paille dans l’œil de
Šiauliai.
En
bord de la nationale, sur le tronçon qui sépare la colline aux
croix et l'office de tourisme, juste avant d'arriver en ville, deux
établissements se font face. Le premier est une station essence, où
les bus remplissent les réservoirs pendant que leurs passagers font
la queue en arrière boutique. Le second, de l'autre côté de la
route, est une verrue non caractérisée qui renforce le sentiment de
malaise.
Un
gigantesque parking a été déroulé. En bout de celui-ci, des tas
de gravas, tassés comme par un chasse-neige. Dalles de béton,
briques, linteaux, tiges de fer, croûte de bitume, bordures de
trottoirs, colonnes de chaussée... tout ce qui se trouvait en lieu
et place de la surface nouvellement tirée a été arraché,
repoussé, concassé, comprimé... puis laissé là, en tas, sur
lesquels repoussent déjà chardons et orties.
A
cette végétation naissante se mêlent de nouveaux détritus :
gobelets de carton, papiers divers, sacs plastiques... le parking
lississime, bien trop grand, semble constamment balayé par le vent.
La
grande surface Maxima XXX n'attire pas encore suffisamment de
clientèle.
A
grands renforts de galeries marchandes, l'offre est pourtant vaste...
mais ne crée pas encore la demande.
Parfums,
bijoux, sacs à main, chaussures, vêtements, costumes, montres,
mobilier et autres jouets sont pour la plupart à des prix semblables
à ceux que nous trouverions de par chez nous.
Combien de coupes de cheveux pour un sac à main à 450Lt ?......
Pour
diversifier cette offre, un cinéma 3D a même été intégré à la
galerie marchande et un circuit de karting a été aménagé sur une
partie du trop grand parking... deux limousines sont même en
location à l'arrière de l'établissement.
Et les rayons sont même ouverts de 8h à minuit...
Mais
rien n'y fait...
En
revenant de la colline aux croix, sur l'A12, il y a sur la droite la
base militaire. Puis, toujours tout droit, on arrive au croisement de
la D202, la déviation de Šiauliai. Toujours tout droit, des
friches, puis des gravas, puis le Maxima XXX, en face de la station
service. La route monte alors. Au dessus de la côte, sur la gauche,
une église, en travaux, qui donne sur la place où s'accumulent les
bus. Vous retrouverez à votre droite un peu plus loin, Vilniaus
Gatvė et ses vitrines, et à votre gauche, Trakų gatvė et le salon
de Svajone. En revenant sur vos pas, quelques centaines de mètres en
redescendant l'avenue, vous trouverez enfin la Rygos Gatvė, artère
principale d'un tout petit quartier serré entre l'A12 et les rives
du lac.
Les
ruelles du quartier, une fois Rygos Gatvė quittée, sont en terre
battue. Les maison y sont en bois, semblables à ces maisons de
campagnes. Les cours sont petites, souvent encombrées de carcasses
de voitures, de grilles pour chiens, de tas de bois, de tonneaux...
une auberge s'y trouve : non indiquée, c'est pourtant la moins
chère de la ville. Elle est bondée toute l'année.
Arrêtez-vous
y quelques minutes...
Ses
pensionnaires ne s'y arrêtent pas pour la nuit. Vous remarquerez que
l'auberge abrite une véritable petite communauté, où vivent de
jeunes adolescents, quelques enfants, rejoints vers la fin de journée
par des ouvriers du bâtiment. De grands arbres abritent la cour. On
y joue de l'harmonica, on pousse des cris sur une balançoire
branlante... on discute, assis à même la terre après la journée
de travail.
Le
quartier est certes modeste, et suscite tout d'abord une certaine
crispation... mais il suffit de s'y attarder quelques instants pour y
sentir une vie, et
oublier les tonneaux, les voitures et les rues de terre battue...
y trouver comme une âme... l'âme de Šiauliai ?
Trouver
ce quartier n'est pas si difficile : au croisement avec l'avenue
principale, vous trouverez actuellement un grand panneau.
Un
panneau étoilé.
L'Europe,
cette entité sans visage, s'est donné pour mission de 'moderniser
le quartier'...
…
Nous
devrions certainement nous en réjouir......
Mais
en cet instant, rien n'y fait...
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