jeudi 3 janvier 2013

'Moderniser le quartier'...

Pour le touriste, la colline aux croix est un peu à la Lituanie ce que le Mont Saint Michel serait à la France : un endroit incontournable qu'il faut avoir coché sur sa grille de jeu de piste lorsqu'on visite ledit pays. De fait, des bus de toutes nationalités affluent.

Šiauliai est une très courte étape sur ce jeu de piste, une pause sandwich, presque un arrêt pipi. Le touriste n'y séjourne pas, il y mange en passant. Pour rejoindre l'une des trois plus grandes villes du pays, selon ses envies. Klaipeda et la côte sont à un peu plus d'une heure et demi de route, Kaunas à 2 heures, et Vilnius et son aéroport à un peu plus de 2 heures (en faisant un petit crochet par Trakai, compter 20' de plus).
Le 'couloir' touristique y est particulièrement limpide : le bus avale les dix petits kilomètres d'A12 pour rejoindre l'artère principale de la ville, s'arrête sur le grand parking d'une grande place au pavé posé récemment et libère les groupes affamés. On traverse la route, on longe l'artère principal sur 150m pour arriver au croisement avec la rue piétonne où se trouve l'office de tourisme.
Si le badaud entend presque sonner l'écho de ses talons sur les façades de la rue piétonne le soir, celle-ci ressemble à une véritable cantine à mi journée.
  
Musées, boutiques chiques, ateliers d'art se mêlent alors à toutes sortes d'établissements de restauration, assurant un vaste choix, du simple en-cas sur le pouce au buffet gastronomique en passant par la cave de cuisine traditionnelle. La plupart ont des terrasses, et les écrans plats (sur lesquels pour la plupart passent en boucle des défilés de mode) ont même été tirés de l'intérieur pour plus de... de... comment dire... de ça quoi... de... de fun !


Vilniaus Gatvė parle alors la bouche pleine, s'esclaffe, hurle de rire, reboit un coup, se bouscule et se promène la braguette en l'air...


Si, en descendant du bus, le visiteur ne traversait pas si docilement la route, mais prenait la rue juste au coin de la place, il tomberait sur Trakų gatvė, une rue qui longe Vilniaus Gatvė à quelques dizaines de mètres de distance, sans qu'aucune ruelle ne lui permette toutefois de communiquer avec sa grande sœur.

Trakų gatvė n'a ni boutique chique, ni comptoir de restauration, mais en la descendant en direction du lac, on peut s'y faire couper les cheveux. Svajone vous reçoit, sourire aux lèvres, en traversant un léger rideau. Dans l'ouverture de ce dernier, vous apercevez un petit bonhomme, qui quitte à l'instant la table où le crayon roule encore sur la page consciencieusement remplie. La dictée reprendra plus tard.

On arrive à faire beaucoup de choses en mimant : même à se faire couper les cheveux. La coupe est rapide, consciencieuse, douce... elle nous en coûtera 7Lt. L'équivalent de 2€.

Un jeune prend la suite. Svajone garde le sourire, posée, efficace, et douce.
La dictée attendra encore un peu.


Si faire plusieurs fois le tour de la ville à la recherche d'un endroit où se loger n'a rien de plaisant en arrivant en fin de journée, on apprécie après coup l'avantage certain que cela offre : quand on arrive à notre tour sur Vilniaus Gatvė, on ressent l'incongruité d'une telle rue... une paille dans l’œil de Šiauliai.


En bord de la nationale, sur le tronçon qui sépare la colline aux croix et l'office de tourisme, juste avant d'arriver en ville, deux établissements se font face. Le premier est une station essence, où les bus remplissent les réservoirs pendant que leurs passagers font la queue en arrière boutique. Le second, de l'autre côté de la route, est une verrue non caractérisée qui renforce le sentiment de malaise.

Un gigantesque parking a été déroulé. En bout de celui-ci, des tas de gravas, tassés comme par un chasse-neige. Dalles de béton, briques, linteaux, tiges de fer, croûte de bitume, bordures de trottoirs, colonnes de chaussée... tout ce qui se trouvait en lieu et place de la surface nouvellement tirée a été arraché, repoussé, concassé, comprimé... puis laissé là, en tas, sur lesquels repoussent déjà chardons et orties.

A cette végétation naissante se mêlent de nouveaux détritus : gobelets de carton, papiers divers, sacs plastiques... le parking lississime, bien trop grand, semble constamment balayé par le vent.


La grande surface Maxima XXX n'attire pas encore suffisamment de clientèle.
A grands renforts de galeries marchandes, l'offre est pourtant vaste... mais ne crée pas encore la demande.

Parfums, bijoux, sacs à main, chaussures, vêtements, costumes, montres, mobilier et autres jouets sont pour la plupart à des prix semblables à ceux que nous trouverions de par chez nous.
 

Combien de coupes de cheveux pour un sac à main à 450Lt ?......

Pour diversifier cette offre, un cinéma 3D a même été intégré à la galerie marchande et un circuit de karting a été aménagé sur une partie du trop grand parking... deux limousines sont même en location à l'arrière de l'établissement.
 
 
Et les rayons sont même ouverts de 8h à minuit...

Mais rien n'y fait...



En revenant de la colline aux croix, sur l'A12, il y a sur la droite la base militaire. Puis, toujours tout droit, on arrive au croisement de la D202, la déviation de Šiauliai. Toujours tout droit, des friches, puis des gravas, puis le Maxima XXX, en face de la station service. La route monte alors. Au dessus de la côte, sur la gauche, une église, en travaux, qui donne sur la place où s'accumulent les bus. Vous retrouverez à votre droite un peu plus loin, Vilniaus Gatvė et ses vitrines, et à votre gauche, Trakų gatvė et le salon de Svajone. En revenant sur vos pas, quelques centaines de mètres en redescendant l'avenue, vous trouverez enfin la Rygos Gatvė, artère principale d'un tout petit quartier serré entre l'A12 et les rives du lac.

Les ruelles du quartier, une fois Rygos Gatvė quittée, sont en terre battue. Les maison y sont en bois, semblables à ces maisons de campagnes. Les cours sont petites, souvent encombrées de carcasses de voitures, de grilles pour chiens, de tas de bois, de tonneaux... une auberge s'y trouve : non indiquée, c'est pourtant la moins chère de la ville. Elle est bondée toute l'année.

Arrêtez-vous y quelques minutes...


Ses pensionnaires ne s'y arrêtent pas pour la nuit. Vous remarquerez que l'auberge abrite une véritable petite communauté, où vivent de jeunes adolescents, quelques enfants, rejoints vers la fin de journée par des ouvriers du bâtiment. De grands arbres abritent la cour. On y joue de l'harmonica, on pousse des cris sur une balançoire branlante... on discute, assis à même la terre après la journée de travail.

Le quartier est certes modeste, et suscite tout d'abord une certaine crispation... mais il suffit de s'y attarder quelques instants pour y sentir une vie, et oublier les tonneaux, les voitures et les rues de terre battue... y trouver comme une âme... l'âme de Šiauliai ?


Trouver ce quartier n'est pas si difficile : au croisement avec l'avenue principale, vous trouverez actuellement un grand panneau.

Un panneau étoilé.


L'Europe, cette entité sans visage, s'est donné pour mission de 'moderniser le quartier'...


Nous devrions certainement nous en réjouir......


Mais en cet instant, rien n'y fait...
 
 


 

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