lundi 7 janvier 2013

La page lituanienne se tourne peu à peu...

La traversée lituanienne est sur le point de se terminer : après demain au plus tard, nous aurons quitté le pays.

Après Kaunas, Vilnius, Druskininkai, et tant de bourgs et autres villages traversés ou aperçus, nous avons laissé à son tour Šiauliai derrière nous.... Nous poursuivons notre route, toujours plus au nord.
 

Le paysage s'est progressivement dépeuplé... des forêts, des plaines en jachères et un relief toujours aussi plat. Parfois quelques champs d'orges mêlés de fleurs: les bourrasques de vent qui les caressent donnent l'impression qu'une gigantesque sphère invisible roule par dessus.
 

Un paysage toujours apaisant...

Le ciel, comme à son habitude, est bas, lourd... mais semble nous accorder un moment de trêve. Nous coupons à travers les campagnes et forêts, privilégiant les pistes aux départementales et nationales goudronnées : à l'approche des frontières, leur nombre diminue peu à peu afin de minimiser celui des points de passage, et les flux s'en retrouvent concentrés...
 

Inconsciemment, nous nous rendons compte qu'une crispation involontaire nous saisit dès que nos roues franchissent la ligne de démarcation 'bitume/piste' et quittent l'asphalte... une question d'équilibre peut-être... mais bien plus sûrement, une appréhension de ce que nous croiserons.

La piste est devenue synonyme de campagne 'reculée'... ces lieux 'à part', avec lesquels nous n'avons (et c'est déjà un regret) pas encore réussi à nouer contact. Problème de langue... problème de défiance également. Ces regards insistants, durs...


Les chiens y sont également souvent lâchés... et s'il ne nous est jamais vraiment arrivé d'avoir à en découdre, nous nous méfions à chaque fois : sur la piste, notre machine n'est pas aussi vive que sur le bitume, loin s'en faut... nous nous savons agglutinés, plus vulnérables à ce genre d'attaques... oui, il y a de cela : la piste nous retient, semble nous clouer davantage au sol, nous rendant bizarrement... 'vulnérables'.




Le risque est alors grand de s'emmitouffler dans un réflexe de 'confort et sécurité'........ rejoindre les départementales, voire même les nationales si lisses et droites et sur lesquelles on file à toute vitesse...

… rejoindre les mailles principales du réseau...

… rejoindre le 'filtre'... et le filet.


… mais alors, quel intérêt ?...




Une bonne piste vaut d'ailleurs parfois mieux qu'une route de bitume défoncée... et ce matin, nous ne pouvons pas nous plaindre. Celle-ci ressemble à une piste de sable bien damée, qui roule par dessous nous dans un bruit régulier... sans secousse... et qui se laisse oublier.

Derrière nous, nos petits drapeaux, dont les bords sont à présent légèrement effilochés, se dandinent gentiment...


Le paysage, par sa monotonie, défile autour de nous, tout aussi discret... une chèvre perchée dans un pêcher, malgré la corde à son cou... un cheval, trop près de la piste, effrayé, qui arrache son pieu et s'en va dans un galop désordonné... c'est à peu près tout.

Nos jambes, d'une infinie docilité, tournent à l'unisson... pas une douleur, pas une contraction, aucun tiraillement... pédaler est devenu comme une seconde nature.

Pas d'obstacles à surveiller, pas de paysage à observer, contempler, décrypter... nos corps en rythme de croisière... un ciel bas qui ronronne... l'orge tout juste caressé... et les kilomètres, sans résistance, qui coulent les uns après les autres...



Que c'est bon…



Dans cet état de semi somnolence, la Lituanie nous semble déjà derrière nous.
 
Tandis que nos têtes dodelinent légèrement au rythme de nos jambes infatigables, des images de ces dernières semaines passent en revue, au hasard... des totems, des croix et des maisonnettes en bois... des mottes de foin, des fichus, des bouches édentées et souriantes... des ballots de branches de tilleuls... des rivières...

… une femme... surprise pendant sa baignade... à se laver les cheveux... une autre jeune fille, apparue sur le seuil d'une de ces maisons de bois, radieuse... la fresque du consulat et ses nattes tressées, les danses, les chants...


… les chants...


… la révolution vers l'indépendance... la chaîne humaine, les statues de pierre... les chars, les barbelés et les façades grises... des photos en noir et blanc, des dessins d'enfants, des photos de couleurs... les casquettes et les fanions de Vilnius, les sonos, le tohu-bohu, les défilés...

… Lina...




 
… les pieds nus, la lenteur, la cueillette... la fraise des bois...


… les étals de légumes, les charrettes et les balances à poids... le comptoir au boulier... et les rayons de Maxima...



 

… les tours de verre de Vilnius, les thermes de Druskininkai, ses cascades de fleurs et les tilleuls du soir...



… la chaleur d'Ugnė...


… les chants... les contes...

… les totems... à nouveau...

 

Deux formes longilignes et sombres se sont détachées du relief et s'élancent vers le ciel... ce sont deux cigognes noires.




Un présage heureux pour plusieurs années, paraît-il... du moins à en croire les dictons locaux... terre de paganisme.




Des rires d'enfant : une fillette en pyjama court après les dindons dans la cour...

Les quelques maisonnettes de bois que nous croisons semblent en paix.



 
 


Un homme nous regarde depuis la cabine de son tracteur... nous lui faisons un signe de tête, il répond d'un ample geste du bras à travers la petite fenêtre. Les foins sont retournés, quelques cigognes en profitent pour picorer quelques endroits au vert tendre...



Nous demandons conseil où passer la nuit. Une rivière, non loin de là. Il y a une passerelle qui l'enjambe, et de l'autre côté, un endroit charmant... des rudiments d'allemand, quelques mimiques suffisent... mais aussi et surtout, une jovialité à laquelle nous n'étions pas habitués.






La route, à travers champs et forêt est plus longue que nous ne l'aurions pensé, mais malgré nos doutes qui ont fini par se multiplier, la description du lieu est bien exacte: un abri de bois, un foyer à l'odeur prégnante d'un bon vieux feu de sapin, le tout dans une petite clairière en bordure de forêt... et une rivière qui coule gentiment à deux pas de là. L'eau est claire, nous y distinguons gardons et perches...

Sur l'autre rive, un peu plus loin, nous entendons des cris d'enfants. Des cris de jeu.
 
Une colonie peut-être...




 
Le feu crépite, le couvercle de la popote résonne lorsque nous le soulevons... ce n'est pas encore cuit...

… de l'autre côté de la rivière, le silence s'est fait. L'heure du souper... probablement...


Bien calés sur le banc de bois, emmitouflés dans nos vestes, nous nous laissons hypnotiser par le feu... la nuit s'installe peu à peu... après des semaines de semi-obscurité, elle devient de plus en plus sombre et prend progressivement ses aises...




 
De l'autre côté de la rivière, l'heure du chant.







 
… nous devrions aller nous coucher...
 




 
 

Le feu rétrécit... il s'endort peu à peu......
 
   
... dormir...
 
  
Dernier craquement... dernier rougeoiement...
 
 
... puis le voici, à son tour, avalé par la nuit.

 

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