Un nuage opaque nous réveille soudain.
Enfin… le nuage opaque et crayeux est plutôt la première chose que nous croyons percevoir : la vue prédomine en effet sur tout sens, écartant du coude sans ménage aucun l’ouïe encore toute ébaudie. Car c’est bien son vacarme plus que la queue de comète qu’il laisse derrière lui qui nous a arrachés du sommeil.
‘Son, ‘il’, ‘lui’, autant de pronoms pour désigner ce poids lourd, derrière lequel est remorqué tout un attelage de grumes aux contours aspirés.
Tandis que nous regardons l’incongru rapetisser vers l'ouest, les images de la charrette de foin et du dormeur aux myrtilles nous reviennent en tête.
Voici une bien drôle d’apparition sur cette chaotique kelio 2524…
Il faut quelques minutes pour que le crissement de quelques sauterelles repeuple l’espace. Et quelques autres encore pour recouvrer tous nos esprits et reprendre la route (enfin… la piste).
Le temps tourne à l’orage, et quelques taons ne tardent pas à nous tourner autour. Avantage du tandem pour leur donner la chasse sur un revêtement instable…
Un cabot croisé un peu plus loin nous accompagne sur quelques hectomètres, dépensant certainement plus d’énergie en décibels qu’en watts pour se déplacer.
Comme le feraient quelques pistards lors d’épreuves de vitesse, nous jouons avec lui, tantôt ralentissant à l’extrême pour l’intimider, tantôt accélérant vivement pour le distancer.
Ce sera finalement le passage à proximité d’une nouvelle habitation qui lui fera lâcher prise, retournant sagement dans les jambes d’une femme affairée à ratisser l’herbe fraîchement coupée.
Et puis, inévitablement, la kelio 2425 a fini par croiser le bitume.
A quelques pas de ce carrefour, un petit parc abrite de nouveaux totems fraîchement vernis, disposés autour d’une marre à grenouilles.
Il commence à pleuvoir.
D’un crachin fin et pénétrant, qui, à la surface de l’eau, frémit en un bruissement à peine perceptible et continu.
Il est temps de mettre les bouchées doubles et de rejoindre Druskininkai.
A quelques kilomètres de là, un panneau européen indique l’installation d’une piste cyclable. Un réflexe : nous chassons aussitôt nos roues sur le côté pour l’emprunter.
Cette piste est longue de cent cinquante mètres à peine et se termine de manière assez peu habituelle…
Au loin, quelques rideaux de pluie obscurcissent l’horizon… le contre la montre s’engage. Il n’y a guère plus d’une heure d’effort devant nous… certainement moins en gérant bien.
Un nouveau panneau européen indique l’installation d’une station de ski. Pour ces collines de cent bons mètres de hauteur, voilà un bien étrange projet… un drôle de bâtiment de béton visible un peu plus loin en forêt de sapin semble indiquer qu’il s’agira d’une piste couverte.
Des ouvriers à casques jaunes s’activent également face à l’orage grandissant. Au-dessus de leurs têtes, les cimes souples et sombres s’agitent en des mouvements de plus en plus amples.
Les lignes blanches du bord de route défilent sous nos pieds, tandis que nous nous concentrons sur notre effort… l’air s’est peu à peu considérablement rafraîchit et nous sentons parfois de soudaines vagues de fraîcheur qui disparaissent tout aussi subitement. 18°C, 16°C, 14°C… si le gros de l’orage semble par chance nous contourner, l’air devient frisquet, tandis que la clarté du jour s’atténue sensiblement.
Des voitures aux phares jaunes nous croisent en nous klaxonnant.
Nous les considérons d’un œil distrait, abruti et concentré sur l’effort et les lignes blanches qui se suivent toujours.
Une pancarte indique une ville thermale à 7km.
Ainsi Druskininkai est-elle thermale…
…
Nous traversons quelques amorces d'averse… de grosses gouttes serrées qui disparaissent aussi soudainement qu’elles nous sont tombées dessus…
Longue ligne droite au cœur d’une forêt de sapins de plus en plus sombre, puis, après une légère ligne courbe, l’espace s’ouvre d’un coup : quelques baraquements de brique claire peuplent les abords de la route, un pont… et les eaux du Niémen.
… ce Niémen, antique frontière de l’empire napoléonien, que nous franchissons sans guère plus de révérence, sous des grondements annonciateurs qui ne laissent guère de doute sur la suite très proche des évènements…
… de fait, quelques dizaines de secondes plus tard, au moment où nous apercevons la pancarte de cette ville thermale, quelqu’un a tourné le robinet pour de bon…
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