‘When fact is fiction and TV reality’
Sunday, bloody Sunday – U2
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‘- Mamie, nous partons pour un nouveau voyage.
‘- Mamie, nous partons pour un nouveau voyage.
- Et vous allez où cette fois-ci ?
- A St Pétersbourg.
- Ah oui, c’est vers le Canada, ca !
- Non, pas tout à fait, c’est en Russie
- Ah oui oui, pas très loin de Québec !
- … oui, c’est pas très loin de Québec…
- …
- …
- Et tu feras attention, dis, avec tout ce qu’on voit à la télé…’
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Après notre chasse aux publiphores, nous nous étions jurés de veiller à ne plus nous laisser avoir : dorénavant, aux arrêts de bus, aux feux rouges, à tous les endroits où il nous faut patienter, nous ne laisserions plus nos regards se laisser aspirer par ces grandes affiches de manière inconsciente, promis juré craché.
L’exercice n’est bien sûr pas facile : position, couleurs et formats sont évidemment savamment étudiés pour que nos regards ne puissent s’en extraire… mais avec un peu d’attention et d’exercice, il est possible d’y arriver. Il suffit pour cela de surveiller son regard, de se rendre compte qu’il est déjà posé sur l’affiche, et hop : de le ramener aussitôt sur autre chose.
Il faut toutefois reconnaître que parfois, les astuces déployées sont tout à fait déloyales, et la résistance s'avère encore plus délicate que de traverser un canyon vertigineux à cloche pied sur un fil en jonglant avec des quilles enflammées (voir image ci-dessous)...
L’exercice est rendu encore plus difficile lorsque le support publicitaire est mobile : c’est comme ça, c’est instinctif, le mouvement attire le regard, qu’on le veuille ou non, et la bataille est alors quasi perdue. Du panneau défilant à l’écran digital géant, toute une armada d’attraction visuelle est déployée, jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de résister. Essayez donc, une fois installés au cinéma, de ne pas ‘voir’ la page de pub insérée entre quelques bandes annonces ! La résistance est inutile, vous ne pouvez pas décider de ne pas voir.
Peut-être aurez-vous alors remarqué l’éclosion récente de nombreux écrans plats un peu partout. Et comme pour les panneaux publicitaires, les endroits où vous êtes contraints de patienter s’avèrent particulièrement propices à cette éclosion : caisses de grandes surfaces, guichets de poste, quais de métro, halls d’aéroport, etc….
Une astuce simple qui permet de remédier à la saturation de l’espace : là où dix affiches publicitaires concentrées sur quelques dizaines de mètres carrés autour du quai finiraient par devenir ‘too much’, et certainement rebuter le passant, un panneau digital a été installé, diffusant dès lors plus discrètement ces dix mêmes affiches ou plus encore, en les faisant tout simplement tourner en boucle, sans que l’impression de matraquage soit aussi flagrante.
Au fil des messages ‘la chasse aux publiphores’, si vous vous souvenez bien, nous avions loué l’attitude allemande qui avait banni de ses villes ces panneaux publicitaires géants. Nous évoquions même la gêne palpable de cette collègue allemande qui découvrait le matraquage publicitaire des quais du métro parisien.
C’est à la fois vrai, et incomplet.
Si de manière générale, la publicité affichée est moindre en Allemagne, elle peut en revanche de manière très locale, dans les plus grandes villes, être toute aussi débridée qu’elle l’est en France, sinon même plus encore.
Un tour à la fameuse gare de Stuttgart (qui cristallise l’actualité autour d’elle ces derniers temps) vous donnera par exemple un aperçu de ce que peut être un concentré de publicités ‘de bouches’, mais aussi et surtout, et c’est ce qui nous intéresse, comment l’attention du voyageur peut être occupée dans l’attente du métro.
De fait, répartis sur toute la longueur du quai et séparés d’environ une trentaine de mètres, des écrans digitaux de la taille d’un lit 2 personnes diffusent les dernières nouvelles du monde entre quelques pages de pubs.
Regarder l’attitude des gens autour de soi est alors une expérience tout à fait saisissante…
Dans ce très court laps de temps d’attente passé dans un tunnel de béton, aux parois certainement plus épaisses que 8m, le passant aura bénéficié d’une fugace ouverture sur le monde.
Il aura ainsi appris en quelques secondes et sans le moindre effort:
- Que la Reine d’Angleterre a échappé à un attentat déjoué au dernier instant
- Que le président du FMI est impliqué dans une affaire de mœurs
- Que le taux de cambriolages à domicile a grimpé en flèche ce dernier trimestre
- Qu’il faut avant toute chose choisir son nouveau Smartphone
- Et enfin, qu’un tour à Europa Park ferait plaisir à toute la famille
…
Un flux d’information projeté, direct, simple, et qui, pris en 5 centésimales hahnemanniennes chaque matin et soir sur le trajet du travail, nourrit plus ou moins consciemment une certaine part de notre représentation abstraite du monde.
'Attentat atomique déjoué en Grande Bretagne !'
'Ben Laden désarmé !'
'Nouvelle tornade en Nouvelle Zélande !'
Etc...
La dose n’est bien sûr pas mortelle, mais sa toxicité augmente évidemment au fur et à mesure que la dose est augmentée, comme, par exemple, lorsque l’écran, posé sur la commode d’un monde sensible considérablement réduit, devient la seule fenêtre sur le monde…
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