Une des phrases préférées de notre grand-mère, peut-être même, sa préférée, est une semi question et semi acclamation, que vous aurez certainement déjà entendue autour de vous un jour.
‘Mais dans quel monde vit-on ?!’
(Ponctuation en fin de phrase incertaine…)
Je ne sais si au fond, une vraie interrogation l’habite ou simplement un insidieux besoin d’exulter ses peurs. Mais dans le doute, pourquoi ne pas essayer de répondre à cette question :
‘Mais dans quel monde vit-on ?’
Et pour cela, quoi de mieux que d’aller voir ?
‘Oui, mais aller voir où ?’ Répondrez-vous…
…
L’enfance est un temps paradoxal de la vie.
Lorsque nous la vivons, nous n’avons de cesse de nous plaindre de notre manque de liberté, de nos obligations, du devoir d’obéir à des choses idiotes, que cela nous plaise ou pas.
Et de finir nos épinards…
Mais quand, plus tard, nous y repensons, la plupart du temps, un certain attendrissement nous gagne, en plus du souvenir du goût des madeleines. Ce temps n’était pas si mal que ça en fait… loin de là même.
Ce temps avait une densité sensible qui ne trouve plus son pareil dans nos quotidiens d’adulte.
Que de découvertes chaque jour, de nouvelles saveurs, de nouvelles possibilités, de nouvelles rencontres…
Et l’on se demande un jour, sur la route du travail, ou de la maison, grands adultes libres que nous sommes, comment ce champ des possibles a bien pu s’éroder à ce point.
Bien sûr, il y a tout un tas de bonnes et de mauvaises raisons à cela. On s’habitue, on s’est engagé sur un nombre toujours plus important d’actions à réaliser par jour, dont la durée n’a pourtant pas augmenté… mais peut-être aussi parce que l’imprévu, cette chose qui peuple notre monde ouvert d’enfants, a été lentement mais sûrement balayé de nos agendas.
A défaut de ‘découvrir’, ou de se laisser ‘surprendre’, nous en sommes arrivés à un point de nos vies de grands, où nous ‘savons’ et ‘décidons’.
Aussi passons-nous notre temps à promettre aux charmantes têtes blondes que ‘quand elles seraient grandes’, elles aussi, elles comprendraient. Elles ‘sauraient’.
Et surtout, qu’elles feraient alors tout ce qu’elles auront voulu faire jusque-là (avant de leur rappeler que d’ici là, c’est nous qui faisons encore la loi, non mais…).
Et effectivement, une fois grandes, ces têtes un peu moins blondes font (ou essayent de faire) tout ce qu’elles ont toujours voulu faire jusque-là.
Dorénavant, fini les épinards, et sus à tout ce qu’on n’aime pas : le choix guidera chaque jour.
Bien évidemment, la nécessité s’en mêlera et n'aura de cesse de contraindre les plans élaborés par la volonté, et ce n’est que pour mieux l’affûter : de fait, chaque moment de temps libre, chaque instant à construire, sera guidé par un choix… ou par une habitude.
Lorsque la journée de travail est terminée, où vous rendez-vous ?
Au volant de votre véhicule, un champ des possibles s’offre devant vous… et dans plus de 95% des cas (au moins), c’est le chemin de la maison que l’on choisit, ou des courses, ou tout autre endroit dicté par la nécessité, l’habitude, ou encore (parfois), le choix.
Votre véhicule n’est pourtant pas sur rails, mais le chemin est tout de même suivi avec une parfaite fidélité.
Que sont devenus les ‘instants de surprise’ ? Les ‘imprévus’ ?
A quand remonte votre dernière improvisation sur le chemin du retour ?
Quand vous êtes-vous perdus pour la dernière fois ?
…
Sans que des constructions aux murs de béton de 8m d’épaisseur ne nous entourent, nous finissons ainsi, sans y prendre garde, à tourner nous aussi en vases clos. Un GPS embarqué dans notre portefeuille montrerait sûrement sur Google map combien notre périmètre de mouvement est faible, nos carnets d’adresses combien notre liste de connaissances est réduite, et notre agenda, combien notre temps d’ennui ou d’inactivité s’est réduit au fil du temps comme peau de chagrin…
Et dans ce monde sensible rétréci, nous sommes pourtant censés ‘savoir’, ‘connaître’ le monde, suffisamment en tout cas pour nous poser en guides pour nos têtes blondes et futurs adolescents en quête de réponses...
Dans un monde sensible aussi rétréci, comment en avoir une idée juste ?...
Comment appréhender ce qu’est le monde ?
Ou même, de manière moins ambitieuse : comment appréhender ce que sont ‘les gens’ ?
…
‘Mais après tout, qu’est-ce que cela peut bien nous faire ?’...
…
La question se veut bien sûr provocante.
Car enfin le fait est là : cela fait tout !
Nous passons en effet notre temps à regarder ce qui nous entoure.
A nous renseigner, nous informer, écouter, bref, réunir un tas d’informations qui puissent nous permettre de définir notre attitude face à ce qui nous entoure. Nous montrer prudents face à ce que nous jugeons dangereux, détendus au sein d’environnements apaisants, stressés au cœur de lieux inconnus, etc., etc….
De manière plus ou moins consciente, nous passons ainsi notre temps à capter ce qui nous entoure pour déterminer de quelle manière nous allons nous y prendre pour interagir avec cet environnement direct, avec pour objectif final, la volonté de survivre, le plus longtemps possible, et le tout à moindre effort (et même pourquoi pas, de perpétuer la tradition en assurant la reproduction de l’espèce…).
D’où bien sûr, ce besoin impérieux de s’enquérir de quel monde nous entoure…
L’approche est certainement simpliste, mais son intérêt est là : celui de montrer à quel point nous sommes tous habités par une curiosité ancrée et vitale de ce qui nous entoure. La question de savoir dans quel monde nous vivons n’est alors pas tout à fait saugrenue.
Et la question intéressante est alors simplement de savoir par quel biais nous nourrissons cette curiosité…
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