mardi 13 novembre 2012

Talons aiguille et regards...

 
A quoi cela tient-il donc que d'un côté, le talon aiguille soit très largement adopté tandis que de l'autre, il est tout simplement boudé ??
 
 
Une question existentielle qui en fera sûrement sourire plus d'un, mais qui s'impose à nous en cet instant paisible : et si cette paisibilité au fond avait quelque chose à voir avec cette histoire de talons ?....
 
 
 
 
Le cœur de Vilnius est perché sur une colline tandis que celui de Kaunas est à l’affluence de deux rivières : faut-il y voir un lien de cause à effet ? Le talon haut serait d'un côté le moyen adéquat pour gravir la colline (ou l'échelle sociale...) sans trop de peine, tandis que de l'autre, le talon plat s'imposerait pour s'offrir aux douces promenades au fil de l'eau...
 
... mouais, vous avez raison : c'est plutôt tordu comme raisonnement... et cela ressemble un peu trop aux vieilles contines de dahu qu'on sert aux enfants...
 
 

Continuons donc...
 
Kaunas est une ville étudiante... mais Vilnius l'est aussi. Pas concluant non plus...
 
 
 
'Oui, mais Vilnius est une ville de business... et puis elle est russe aussi'.

Ça, c'est Lina qui nous l'a soufflé. Il s'agit de notre hôtesse. Étudiante, elle travaille également quelques heures par semaine dans une maison de chambres d'hôtes, où nous avons trouvé domicile.
 
'Oui, Vilnius est plus russe... et c'est pour cela'.
 
On sent à sa manière de le dire que la question n'est pas insensible...
 

'- Plus d'un tiers de la capitale est habitée par des russes... des aristocrates très présents et très influents.
- Et quel rapport avec les talons ?
- Ce sont des modes en fait... on reconnaît rien qu'à sa tenue s'il s'agit d'une femme russe ou non. C'est difficile à expliquer, mais cela se voit'
 
 
Chose amusante, il y a quelque part le long de la Laisvės Aleja une fresque avec des 'types' de tenues vestimentaires réparties par pays. Nous retrouvons par exemple le type ibérique, très ample, très esmaraldique (pour lequel nous retrouvons d'ailleurs des talons...).
 
 
 
 
 
Et lorsque nous contemplons le type 'russe', nous reconnaissons effectivement quelques traits observés au sein de la capitale...
 
 

 
… mais alors, la tenue n'est-elle qu'une question de culture ??... les russes et les espagnoles mettent des talons hauts, et les lituaniens vont pied nus ?...
 
'Non, ce n'est bien sûr pas si simple... ce n'est pas non plus qu'une question de vêtements. Si je mettais des talons, on remarquerait tout de même que je ne suis pas comme elles... il y a autre chose. Une attitude, un regard...'
 
 
Au moment où elle dit cela, nous nous rendons compte que le sien est planté dans le nôtre. Un regard limpide, franc, chaleureux... et surtout qui dure.
 
C'est un fait frappant : à Kaunas, les regards se croisent... lorsque 2 personnes se croisent, les regards se cherchent et se trouvent. Et après le désert de Vilnius, c'est un trait particulièrement réconfortant. La plupart du temps, un labadiena s'ensuit, puis la promenade continue.

 
Les fenêtres sur l'âme y sont grandes ouvertes...
 
Lorsque nous le lui faisons remarquer, Lina rougit. Et du coup, elle ne sait plus où regarder... mais il ne faut pas longtemps avant qu'elle ne retrouve son aplomb : l'attrait de la discussion semble suffisant pour qu'elle accepte à nouveau de poursuivre la discussion les yeux dans les yeux, avec toutefois de nouvelles petites rides au coin, comme un sourire, une mousseline vaporeuse sur fenêtre...
 
 
'Et qu'a-t-il de si différent ce regard ?
- Déjà, il fuit... même dans un ascenseur, si par hasard tu te retrouvais avec l'une d'elles, tu remarquerais qu'elles trouvent toujours quelque chose à regarder pour ne pas avoir à croiser ton regard...
- C'est une sorte de mépris non ?
- Je ne sais pas... je ne sais pas si c'est du mépris ou de l'indifférence : si quelque chose d'imprévu arrive, tu ne les verras jamais rire... tout au plus sourire. En fait, c'est ça : ces femmes ne montrent aucune émotion... elles contrôlent tout, tandis que nous, les lituaniennes, nous sommes bien plus naturelles.
- Pourtant, à Vilnius, il y a de très nombreuses femmes qui correspondent à ta description, 'bien mises', avec talons, et toutes ne sont certainement pas 'russes', non ?
- Il y a bien sûr toutes celles qui veulent ressembler... mais qu'on reconnaît.
- A quoi ?
- Aux regards justement... ils ne sont pas indifférents, ils sont en alerte, ils regardent partout et vérifient sans cesse qu'elles sont bien regardées... admirées. Et pour le coup, elles, elles sont méprisantes, pour peu qu'elles ne soient pas admirées...
- Tu veux dire qu'au lieu de retenir ce qui vient de l'intérieur, elles sont aux aguets de ce qui vient de l'extérieur ?
- Oui, c'est ça...
- Et lesquelles des deux te semblent les plus heureuses ?
- … ça, c'est difficile à dire...
- De celle qui met des barrières sur son regard et ses émotions et qui ainsi se coupe du partage (et peut-être de rencontres plus simples), ou de celle qui a tant à cœur de plaire (ou d'en imposer), quelle est à ton avis celle qui est la plus heureuse ?...
- C'est très dur à dire... en fait, je crois que je préfère tout simplement être comme je suis et ne pas porter de talons !
- ... à Kaunas, les femmes sembleraient donc préférer aux talons hauts un bonheur simple...
- Dit comme ca, c'est sûr que c'est un peu bizarre, mais oui... c'est bien possible...
- Et c'est quoi alors le bonheur ?
- C'est se plaire telle que l'on est !
- C'est à dire ?
- Je ne sais pas moi... pas avoir besoin de talons pour se plaire !
- Mais si ces talons te rendent plus belle ?
- C'est quoi être belle ?
- … ah, là, c'est toi qui me coince... ….. on dit que la beauté est dans l’œil de celui qui regarde, peut-être qui si pour toi, le talon fait partie de la panoplie de beauté, tu en auras besoin et si au contraire, ce n'est pas pour toi un ustensile de beauté, tu n'en auras pas besoin ?
- … ça ne tient pas...
- Que veux-tu dire ?
- Je dis que la beauté, ce n'est pas une question de talons... quand je dis que le bonheur, c'est se plaire tel que l'on est, ce n'est pas une question de talon, mais bien de regard : c'est se plaire sans tous ces trucs, c'est se plaire 'à nu', sans maquillage même : c'est se regarder dans la glace et aimer son regard. En fait c'est cela : je suis heureuse quand je me plaît, quand mon regard me plaît. Après, je peux ajouter un maquillage en plus, mais ca ne sera qu'un complément, pas un susbtitut...
- Et si ton regard était malheureux ?
- Et bien je ferais en sorte de le rendre heureux !
- Et comment puisque ce qui te rend heureux, c'est d'être heureuse et que précisément, tu ne le serais pas ?'
 
A ce moment là, la voici qui part d'un grand éclat de rire... éclat de rire communicatif.
 
'C'est n'importe quoi !'
 
 

 
 
 
Mais au bout de quelques instants de silence, sourires suspendus, Lina finit par ajouter :
 
 
'Je crois tout simplement que je ferais en sorte de le devenir... il y a bien des choses que l'on peut faire en dehors de soi qui apportent du bonheur, le tout, c'est de les connaître... et d'avoir la force'
 
 
Une conclusion qui ouvre un nouveau champ de réflexion et qui inviterait à poursuivre cette discussion... mais l'heure est déjà bien avancée et d'un commun accord, nous décidons de remettre au lendemain la suite des débats...
 
 
Nous nous souhaitons labos nakties, ravis d'avoir ouvert nos fenêtres... et impatients  déjà d'être au lendemain...
 
.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Si vous souhaitez réagir, n'hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous ou à nous envoyer un message à l'adresse suivante: petits_carnets_dalsace@yahoo.fr