dimanche 29 juillet 2012

La route western


Un homme à l’harmonica.

Plein de mystères.

Qu’on entendrait sans le voir, caché quelque part… pourquoi pas derrière le tronc d’un sapin, bottes tachées par quelques fraises foulées.

Et qui jouerait sans se lasser ses notes stridentes.

Viouaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaouuuuuuuuuu [bis repetita] (approximatif).


Voilà tout ce qui manque à cette départementale 176 : un homme à l’harmonica.
Car pour le reste, tout le folklore du western spaghetti y est : poussière, duels, dissuasion, ombre de la mort qui rôde… et il y a même les petits buissons qui roulent en travers du paysage.

Si la Lituanie détient ce triste record de nombre de tués sur la route, nous tenons peut-être une piste : à observer la physiologie de cette D176, un début d’explication pourrait naître.

Certainement ancienne piste, celle-ci a été rénovée : elle a été découpée en 3 bandes dans sa largeur. La bande du milieu, large d’un peu plus d’un véhicule et demi, est bitumée. Et de chaque côté, une bande de gravier, large environ d’un véhicule, peu tassée.

Le décor est planté. Posons-y les acteurs.

D’un côté, Frankas, au volant de son poids lourds. De l’autre Manuelas, dit le Cheyenne, au volant de son véhicule léger. Tous deux en sens contraire, lancés sur la D176, bien rivés sur l’âme de sa bande bitumée.

La D176, qui coupe à travers une forêt de hauts sapins, est légèrement courbée, de sorte que Frankas et Manuelas semblent entrer en scène de profil, sortant du rideau végétal… distants d’environ cinq hectomètres, sans se faire face, ils s’ignorent superbement l’un et l’autre. Au fond de lui, Manuelas sourit… son palmarès parle pour lui… deux hectomètres ont expiré : il n’en reste déjà plus que 3… les véhicules se tournent peu à peu l’un vers l’autre, le soleil se reflète sur le pare-brise de Frankas, le balayant sur toute sa largeur… Manuelas pose ses mains à dix heures dix, mitaines de cuir qui glissent… un hectomètre de moins… les véhicules sont maintenant face à face, le soleil passe sur le pare-brise et alors Manuelas voit le regard salace de Frankas… que pensez-vous qu’il arrivasse ? Manuelas perd toute audace, quitte la place, et, au moment où Frankas passe, dans le talus il se ramasse.

Patatrasse...

Bon, évidemment, comme nous l’avons dit en introduction, tout cela serait plus crédible s’il nous avions eu quelque part un homme au maracas… enfin, à l’harmonicas.

Bref…


Dans la réalité, on tient tout de même davantage à la vie que dans les films. Les véhicules se croisent tout simplement, gardant chacun les roues gauches sur le bitume, tandis que les roues droites flottent plus ou moins approximativement sur le gravier selon la vitesse d’approche.

En revanche, quand un de ces véhicules est un tandem, il est rare qu’un véhicule venant en sens contraire daigne se déporter : il faut alors faire montre de ténacité pour défendre son droit à un petit bout de bitume. Un regard noir sous la visière du casque, un mégot éteint que l’on machouille, mitaines bien serrées sur le guidon… bref, vous voyez le genre.

Sans quoi, à chaque fois, on se ramasse lamentablement au creux du talus, là où tous les graviers grossiers repoussés par quelques véhicules terminent leur course et s’entassent s’en être tassés : bande instable et infranchissable, cela a pour nous l’effet de ces aménagement d’arrêt d’urgence que l’on voit au bas de certaines routes de montagne et dans lesquels les poids lourds en détresse viennent se planter tout aussi lamentablement.

Il nous faut alors descendre de notre monture, la repousser sur la chaussée et redémarrer… jusqu’au prochain véhicule par trop obstiné.

Nuées de poussière ou klaxons furieux (que les véhicules roulent dans un sens ou dans l’autre d’ailleurs), tel est à peu près le choix qui nous est offert.

Fort heureusement, cela ne dure pas : nous bifurquons bientôt sur la D202.


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lundi 23 juillet 2012

De la lenteur...

Certains voyageurs à vélo ne jurent que par les routes bien propres et bien lisses, fuyant les très inconfortables pistes… de tels voyageurs, en Lituanie, sont alors très vite limités dans leur choix : ne restent pour eux guère plus que les nationales qui puissent convenir à leur choix de confort, dans l’attente des futures réfactions de réseaux plus denses élargis aux départementales et autres plus petites routes.

Nous en avons rencontré, et il faut bien admettre que les discussions tournent alors souvent court : les atomes ne crochent pas, les charges électriques semblent même parfois se repousser, bref, les aspirations sont simplement autres. La démarche n’est alors pas la même : les uns ont à cœur de faire tourner les jambes et le compteur, les autres, de provoquer la diversité et de remplir des carnets.

Les moteurs sont simplement différents.

Lors de ces confrontations, une certaine tendance semble se dessiner : il semblerait (au risque de provoquer une levée de boucliers), que la vitesse soit inversement proportionnelle à la densité de découverte…

… et c’est en tout cas bien l’idée partagée par certains voyageurs tout à fait inhabituels que nous avons croisés :
‘wir lassen den Stau hinter uns’ (traduction ‘nous laissons les bouchons derrière nous’ (le site existe aussi en français (mais la traduction est souvent approximative...)), couple de retraités allemands en vadrouille à travers toute l’Europe à bord… d’un tracteur quasi millénaire et d’une roulotte.




Aurez-vous d’ailleurs lu ‘Die Entdeckung der Langsamkeit ?’ (la découverte de la lenteur)… ce livre de l’auteur allemand Sten Nadolny fut également traduit en français.

La lenteur… tout un univers à redécouvrir.

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Il ne nous a guère fallu plus d’une petite dizaine de kilomètres de l’asphalte lississime de l’A4 pour que nous décidions du parcours pour rejoindre Vilnius : ce sera par la départementale 176 et 202.

Car sur l’A4, cela va tout simplement bien trop vite.

Vent dans le dos, nous voici propulsés à plus de 40km/h. Une inertie grisante qui dissuade de freiner, s’arrêter ou même faire demi-tour pour sortir un carnet, un appareil photo et prendre notes… pourtant, le lieu est riche d’éléments : petites vendeuses de baies en bord de route, paysannes paniers au creux du bras qui traversent, charrettes à photographier, radars automatiques vandalisés, employés affairés à les remettre en état et à tondre autour (!), panneaux de circulation cocasses, publicités décalées… nous nous laissons dévier par ce courant rapide, glisser sur les éléments, précéder l’instant, tout en étant forcément toujours en retard sur le présent... drôle de chose que la vitesse.

Délaissant ce flux de moteurs, de courants d’airs et de klaxons, nous échouons sur un large parking au niveau du carrefour de la départementale 176.



Au fond du seau noir bien rempli, sous ce soleil, les fraises des bois tournent en confiture… Artūras s’est endormi, une fois de plus emporté par l’élan de son ami, et surtout, de la bière.

Chemise déboutonnée, allongé à même le sol, sur cette bande de gazon qui borde le bitume, et face de homard au soleil, Artūras ronfle.

Un coupé BMW s’arrête. Un homme en descend, s’approche du dormeur, et le réveille du bout de la chaussure. Un cornet de fraises, et le voilà reparti.

Artūras s’étend, sort de la glacière une nouvelle bière, fait quelques pas, puis s’assoit un peu plus loin, à l’ombre qui a tourné. La bière est descendue, et la cannette balancée en direction des autres entassées au soleil. Le lancer est raté, la canette roule sur le bitume. Rien toutefois qui ne nécessite de se relever.


De l’autre côté de la voie, inconsolable depuis cinquante ans, la mère de Pirčiupiai, figure de tristesse au regard figé, indifférente au tumulte qui coule à ses pieds.

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samedi 14 juillet 2012

Collision


Cadillac décapotable rouge écarlate, cheveux aux vents et bras levés au ciel par l’extase. Le tout sur un paysage fondu par la vitesse. Et en larges lettres dorées, l’inscription ‘Best of shopping’, signe de bienvenue pour la proche capitale.

Nous n’avons pas fait cinq cents mètres sur cette route nationale que les contrastes nous saisissent déjà.

Les pieds de ce panneau publicitaire sont chatouillés par les épis de céréales et quelques bleuets. Discrètes ombres parmi les herbes hautes, des femmes sont accroupies, et désherbent les allées des plantations.

Les véhicules passent à quelques mètres d’elles, à haute vitesse.


Pioche dans une main, seau dans l’autre, une femme patiente de l’autre côté de la voie pour la traverser. Le village, avec ses façades et ses toits gris, est en effet situé de l’autre côté des champs. On en vient à pied, sur la piste grossière. Dix à quinze minutes selon l’âge. Parfois avec une charrette, laissée sur le bord droit de la chaussée : trop dangereux, ou trop pénible de traverser...

L’Europe n’a pas seulement financé les routes : l’Europe insuffle également l’ivresse de la vitesse.

Une ivresse nouvelle et qui a son prix : la Lituanie détient le record de nombre de tués sur les routes.

A peine l’ivresse de la vitesse est-elle expérimentée que déjà sa conséquence s’importe : des radars sont également installés sur le bord de ces nouvelles bandes au bitume rutilant. Saisissez l’ironie : pour le lituanien, l’Europe semble importer de concert l’outil du plaisir (des routes magnifiques) et son entrave (limitations de vitesse et outils de contrôle automatique), mesures coercitives à l’appui.

Un dentiste brandissant d’une main son sucre d’orge tandis qu’il fait sonner sa fraise dans la main droite…

N’y a-t-il pas comme un vice à cela ?


Nous avons eu de folles années. Des années glorieuses, où plaisirs de l’ivresse, de la vitesse ont eu tout l’espace de s’exprimer. Un plaisir humain, naturel, intuitif, viscéral, destructeur. Un plaisir, inévitablement, bordé, balisé, sécurisé au fil des années et des mesures sécuritaires visant à diminuer le nombre de victimes d’accidents de la route. Pour enfin, après avoir raboté les indulgences, en arriver au point le plus aride, le plus bête, le plus absurde : la tolérance zéro. Le radar mécanique, automatique, dénué de la moindre once de capacité de jugement, et qui tranche dans le vif, à tous les coups. Violence de l’automate.

Si leur apparition ‘chez nous’, en conclusion d’une tendance toujours plus répressive inscrite à travers des décennies, a suscité bien des mouvements d’hostilité (radars sabotés, détruits, et même plastiqués), qu’imaginez-vous que cela produise ailleurs quand ils sont livrés ‘en kit’, dans un ‘pack’, directement plantés en bordure de tapis d’asphalte flambant neuf ?

N’y verriez-vous pas comme une forme de moquerie un rien méprisante ?...

Comment l’adolescent regarde-t-il son père qui, lui tendant les clefs de la Porsche, l’exhorte de ne pas dépasser le 80km/h ?




Pour intégrer le flux à haute vitesse de cette nationale, des voies d’accélération sont aménagées en embouchure des pistes de gravier qui proviennent de certains villages et dans lesquelles traces de pneus se mêlent aux marques de fer à cheval.

Au bout de celles-ci, des couvertures sont tirées : fillettes et vieillardes y attendent qu’un automobiliste vienne acheter un bocal de fraises ou de myrtilles.


Collision des mondes.
Collision des temps.


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lundi 9 juillet 2012

Varena

Le parc Dzūkija marque la zone frontalière sud-ouest entre la Lituanie et la Biélorussie. Et c’est peut-être ce qui lui vaut ces soins particuliers : piste convertie en voie de circulation pour poids lourds, voie de chemin de fer réhabilitée, promotion du patrimoine naturel par l’ouverture à Marcinkonys d’un centre touristique et d’un camping surfaits… et pour tous, cette vivace impression qu’ils tombent du ciel.

A intervalles réguliers, harnachées de câbles, des antennes relais crèvent les cimes de cet océan moutonneux de feuilles et d’aiguilles. Succession de tirets rouges et blancs qui se découpent sur le ciel, formant une ligne au-delà de laquelle le visiteur non muni de VISA ne peut aller : un au-delà de l’Europe.

Nous continuons donc de longer cette ligne frontière par l'intérieur, poursuivant notre route sur cette ancienne piste tirée au cordeau. De part et d’autre, toujours en retrait, apparaissent parfois quelques groupes de bâtisses de bois, signalées tantôt par un crucifix sculpté, tantôt par quelques prés fauchés parsemés de tas de foin rebondis. Certaines de ces bâtisses, probablement abandonnées, ont fini par imploser : volets et portes closes, leur toit s’est effondré, à ciel ouvert. Coques de bateaux échouées sur quelque récif.

Au bout de cette bien pénible ligne droite, Varena.

Varena est une ville. C’est ce que nous découvrons de suite au premier regard, tandis que nous approchons du premier bâtiment : triste construction à étages et aux balcons défraîchis, la brique y a remplacé le bois, tandis que quelques reliques de bitume gisent encore sur la placette qui lui fait face, encombrée de vieilles caisses aux couleurs d’un autre temps. Les détritus se mêlent à de rares chouquets de pelouses, ou macèrent dans de larges flaques aux reflets douteux.

La chaussée est défoncée. Des ouvertures béantes y ont été creusées, chantiers en cours non signalés, non balisés, non sécurisés, qu’il nous faut parfois contourner. Certains carrefours sont noyés sous de lourdes eaux noirâtres. Nous les traversons, sentant dégouliner sur nos mollets ce liquide tiède qui laisse aux ourlets de nos chaussettes une diffuse impression de souillure irréversible… quelques vitrines de boutiques abandonnées sont fendues de part en part, un peu de verre sur les trottoirs défoncés.

Les hommes que nous croisons, par groupes, bras croisés, appuyés sur les murs ou sur des voitures, ne nous quittent pas des yeux. Les discussions vives, les voix tonnantes s’éteignent à notre passage. Dans ce silence, le poids de tant de regard alourdit encore davantage notre embarcation, qui semble comme jamais encore s'embourber littéralement dans ces rues molles. Nous entendons pourtant notre remorque tressauter, tonner comme un glas à chaque rebond, malgré nos tentatives malheureuses de ‘pédaler sur la pointe des pieds’…

Si le ciel s’est fendu petit à petit, balayant quelques éclaircis entre ses ombres, une certaine moiteur nous gagne. Une impression diffuse de dégouliner de l’intérieur, d’être aspirés par l’asphalte, ses eaux noires, et souillés jusqu’à l’âme…

Nous pédalons, sans un mot, sans un mouvement superflu, regard rivé tout droit…
… bien au-delà des dernières rues de Varena.

Lorsque nous brisons le silence, c’est pour évoquer la nuit. Nous n’avons pas besoin de discuter bien longtemps : cette nuit, ce sera un nouveau bivouac en sauvage.

Nous nous arrêtons en forêt, à une petite soixantaine de kilomètres de Vilnius, avant de rejoindre les axes principaux. Nous franchissons une tranchée anti-feu, et poussons sur le sol sableux à travers taillis et pins, jusqu’à ne plus distinguer la moindre trace de route, chemin ou sentier.

Si la vie de la forêt, au soir, a peu à peu requinqué notre volubilité, le jour a fini par se coucher.
Nous l’imitons à notre tour, sans trouver le sommeil.

À l’affût de tout bruit.
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lundi 2 juillet 2012

Un signal venu de Mars à Marcinkonys

Il pleut toujours.

L’eau ruisselle en minces filets continus, creusant au sol des pointillés réguliers.
La plupart des toits de maisons, quand ils ne sont pas de chaume, sont en effet en tôles ondulées.

Ces tôles sont grises, brunes, rabotées, délavées, et coiffent tantôt quelques bâtiments de brique d’un blanc tout aussi fatigué, aux portes de fer grises et piquées, tantôt quelques bicoques de bois rincé jusqu’au cœur. Ces bicoques de bois ont de l’âge : le faîte s’est avachi, les murs ont discrètement abandonné la verticale, tant est si bien que le chambranle de leur porte a souvent la forme d’un léger parallélogramme. Bardées de linteaux criblés de clous en leur travers, ces portes sont alors la plupart du temps rabotées par en-dessous, rectangles grignotés et vermoulus, aux ferrures lâches. Des petites flaques se forment dans le quart de disque que les innombrables battements de ces ouvertures ont fini par creuser à leur pied.

Au bas d’une rigole, un seau également piqué se remplit petit à petit. Un aveugle pourrait croire un Manneken-Pis en action…


Par ce triste temps, les rues de Marcinkonys sont désertes. Seuls quelques visages, dans l’embrasure de fenêtres aux petits carreaux sans rideaux, trahissent une présence humaine. Des visages de vieilles femmes, aux traits creusés et coiffées de foulards, tortues multicentenaires dont le cou pivote lentement, au fur et à mesure que nous traçons notre sillon à travers les rues au sol trop meuble.

Gravier et sable crissent et crunchent sous nos roues instables qui, sous la pluie, s’apparenteraient presque à l’oreille à quelque bétonnière qui s’annoncerait de loin...


La pluie redoublant, nous trouvons refuge sous un abri de bois, drôle de construction en bordure d’une placette, en marge du hameau. Cet abri ressemble à un comptoir abrité, qui servirait de buvette aux jours de fête, et qui pourrait de par sa largeur assurer un service continu à vingt personnes de front. Devant ce comptoir, une large bande de sable gagnée par de gras chouquets accueille (ou accueillait) probablement quilles, boules ou autres jeux inconnus. Au-delà, un pré récemment fauché. Le foin est jauni, et semble avoir été abandonné sur place. Bouteilles plastiques, paquets de chips, bâtons de sucette, cannettes et autres détritus divers et variés s’y mêlent.

De l’autre côté du pré, la gare.



Un panneau flanqué de la bannière étoilée indique qu’un financement européen a été délivré pour la remise en état du bâtiment. S'il est encore cerné d’échafaudages, le quai quant à lui est neuf et terminé. Le ballaste de la voie également.

Une silhouette attend, sous la pluie. Peut-être un abri futur viendra-t-il.
Après quelques minutes, une autre silhouette a regagné le quai, et puis de nouveau une autre, bientôt suivie d’une nouvelle. Toutes, placides, attendant patiemment sous la pluie.

Bruit métallique et sourd de l’acier qui butte aux jointures des rails : un train qui arrive.
Locomotive et wagons, écussons dorés et vernis sur un fond rouge décomplexé, apparaissent, et ralentissent. Cette drôle de machine, rutilante, semble tombée du ciel.

L’arrêt est court, petite minute qui s'écoule, et déjà, le vaisseau repart. Le quai réapparaît : les silhouettes s’en retournent, rejointes par de nouvelles formes bossues, et d’autres, plus petites.

Quelques touristes portant sac à dos, casquettes et K-way de survie nous rejoignent, suivis de tous jeunes adolescents. Les premiers nous demandent où se trouvent le camping et le centre d’information avant de continuer leur chemin sous la pluie, n’ayant eu de notre part aucune réponse utile, tandis que les seconds se hissent non sans difficulté sur le comptoir pour s’y asseoir.

Le plus grand de la troupe a peut-être 12 ans. Il sort de sa poche un téléphone portable, l’allume sous l’attention magnétisée de ses compagnons.

L’appareil s’allume, et, sous la commande de son maître, se met à cracher une soupe sonore inaudible à travers laquelle quelques bribes de chanson surgissent par moments. L’effet est atteint : un silence religieux a gagné ses compagnons, le cou du jeune homme se gonfle un petit peu.

Dorénavant, ils font partie de ceux qui ont perçu la voix venue de Mars.
De Bruno Mars (‘When I see your face’…).


Le moment de grâce ne dure toutefois pas indéfiniment : l’un des plus jeunes s’est lassé et a décidé d’escalader l’une des poutres de charpente de la structure. Mars est renvoyé sur orbite, et tout le petit groupe lui emboîte le pas. Après un moment d’hésitation, le ‘chef déchu’ a rangé son appareil et s’est décidé à escalader la plus haute.


Une jeune maman est arrivée en voiture, puis la petite troupe a disparu.


Autour de nous, les bicoques craquelées ont regagné le décor, le son de la pluie sur quelque canette en alu est revenu.
Et avec lui, le froid.

Nous avalons sur le pouce un rapide pique-nique, remontons nos fermetures de cols, puis nous reprenons la route.

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