mardi 28 août 2012

Coeur(s) d'Europe

Dans la guerre des étoiles, il existe une petite planète où les humanoïdes ont deux cœurs. Cette planète s’appelle Céréa, le berceau d’un peuple utopiste, les céréens.

Si ces céréens ont deux cœurs, c’est pour alimenter une masse cérébrale hors du commun, surdéveloppée, qui leur octroie une capacité de réflexion, d’analyse et de résolution de problèmes largement supérieurs à la moyenne. Leur sens développé de la philosophie les a conduits à vivre en symbiose avec la nature et développer des aptitudes pacifiques exceptionnelles.

Si leur figure emblématique s’appelle Ki-Adi-Mundi, nous pourrions volontiers y associer notre vieux sorcier de Karlsruhe…


Dans l’Europe de l’Est, les créatures à deux cœurs sont autrement plus inquiétantes… ainsi, chez les slaves, les Strzygis ("Strzygas" en polonais) seraient des créatures nées avec 2 cœurs et 2 âmes (mais aussi 2 rangées de dents dont l’une présente dès la naissance), ‘mortes’ très jeunes, et qui, animées par une seule âme restante, sortiraient de leur tombe pour errer sur terre, parfois en prenant la forme de chouette… dans la même veine, en Roumanie, si la strigoaica s’apparente plutôt à une sorcière aux capacités vampiriques, l’idée d’être animée par 2 cœurs reste, de même que ce trait caractériserait encore la nelapsi ou l’upir des légendes slaves… tous ont un autre point commun : ils sont assoiffés du sang des vivants.



Lorsque nous arrivons vers Purnuškės, paraît-il ‘l’incontestable cœur de l’Europe’, une certaine perplexité nous gagne… à en croire l’incohérence des panneaux indicatifs, il semblerait bien que l’Europe ait également… 2 cœurs.



L’un d’eux serait effectivement situé à proximité de Purnuškės.

Un panneau officiel estampé de la bannière étoilée l’atteste, ainsi que le très sérieux Institut Géographique National français : les français ne sauraient se tromper tout de même… ce lieu est donc l’exact cœur géographique de l'Europe : du Spitzberg norvégien aux îles Canari, puis du sommet de l’Oural aux îles des Açores, les 4 pointes cardinales de l’Europe ont ainsi été prises en référence pour déterminer ce savant calcul. Le 1er mai 2004, le lieu a donc été solennellement inauguré, comme symbole de l’adhésion de la Lituanie à l’Union Européenne… ce n’est donc pas de la blague !


Le lieu est depuis marqué par une colonne couronnée d’étoiles, et une petite promenade invite même le visiteur du lieu à rejoindre les 27 mâts au-dessus desquels flottent les drapeaux européens qu’il s’amusera à essayer de reconnaître…

A deux pas de là, un charmant petit restaurant sait chatouiller les papilles des clients du ‘golf du centre de l’Europe’, paysage verdoyant, un parcours, 18 trous. Un lieu calme où se promènent, solitaires, des silhouettes éblouissantes.


Pourtant, une petite pyramide indiquerait elle aussi le cœur de l’Europe, qui serait cette fois-ci situé à environ neuf kilomètres plus au sud à vol d’oiseau (ou de chouette)… sculptée par Gintaras Karosas, elle trône depuis 1996, au cœur de l’Europos Parkas.


L’Europos Parkas est un musée en plein air, précisément fondé par un homme seul, Gintaras Karosas. Des œuvres d’art venant du monde entier y sont exposées, de manière permanente. On s’y promène, en forêt, se laissant absorber par la sérénité du lieu, la poésie des œuvres, les symboliques, parfois l’humour... et de la profondeur.

On y croise des groupes, des couples… et des écoliers, dont on entend les cris.
Des cris de bataille, de jeu. Des cris de cache-cache.




Les deux lieux sont fléchés sous la même appellation : 'coeur de l'Europe'... c'est du moins ce que l'on pense reconnaître en décryptant les indications lituaniennes, qui sont souvent d'une aide toute limitée pour le voyageur étranger.

Et, lorsque deux panneaux pointant des directions opposées indiquent le centre de l'Europe, on se demande bien sûr lequel de ces deux lieux est donc le vrai cœur de l’Europe...


Quel est en effet le 'vrai cœur de l'Europe' ?


Celui inauguré en grande pompe et qui invite à une petite partie de golf après un tour au restaurant, ou celui, né de la constance et de la volonté d’un homme passionné et qui invite quant à lui qui le souhaite à se promener en forêt, et découvrir des œuvres venues des quatre coins de la planète ?


Bien sûr, tout cela est anecdotique, mais, la tentation est tout de même grande alors de glisser vers la symbolique…


Car de même que l’incohérence des panneaux indicatifs (indiquant tantôt le green du golf, tantôt la promenade d’art contributif) nous a rapidement rendus perplexes, présumant qu’il n’y avait qu’un seul ‘cœur de l’Europe’, le projet européen tel que nous le découvrons, l’observons et le vivons au fil de ce voyage ne cesse également de nous rendre perplexes…
  

Si l’on juge un homme a ses actions, si l’on juge alors l’Europe, cette abstraction sans visage, par la somme des actes estampillés de la bannière étoilée, quel message, quelle valeur, quel projet semble alors se dessiner ?


Tendrait-il plutôt en direction du green pour quelques-uns ou de la promenade d’art pour tous?...


Pour l’observateur qui se bornerait à accumuler ces actes ‘vus de l’extérieur’, ces signes glanés depuis le passage de la frontière lituanienne, une première chose lui vient vraiment à l’esprit : les routes.

Du bitume qui s’étend, de ville en ville, et qui se tisse, comme un filet, à la surface de ce nouveau territoire.

Des kilomètres et des kilomètres de routes, avec leurs radars automatiques et leurs nouveaux panneaux publicitaires qui éclosent presque ‘naturellement’ en bordures de celles-ci, tout comme éclosent en ville les panoplies d’affiches, de kiosques et d’écrans, à proximité de complexes commerciaux qui jaillissent également de terre, tels celui de Vilnius, l’’Europa center’, au pied de ses toutes nouvelles tours de verre…

… il se souviendrait alors des infrastructures de Druskininkai, ses thermes et grands hôtels (l'Europa Royale Druskininkai hotel !). De sa station de ski couverte, en cours de construction non loin de là…


… et quel projet semblerait alors se dessiner ?

Pour qui ces dispendieuses constructions ?


Le cœur de l’Europe pencherait-il plutôt côté Cour ou côté jardin ?...



 Tracts visibles à Vilnius


Et si l’observateur, devant cette Europe à deux cœurs, devait alors choisir lequel du céréen ou de la Strzygis semble le mieux correspondre à ces actes, lequel choisirait-il ?...


vendredi 24 août 2012

Comédie humaine (suite)...


De l’air…



Au-dessus de nos têtes, les aiguilles de pin égratignent à présent le ciel gris. Quelques éclaircis, quelques zébrures de ciel bleu. La chaussée de cette petite route est bosselée en de nombreux endroits. Les racines des pins qui la bordent y prennent leur aise, n’hésitant pas parfois à crever simplement sa surface.

Il peut être alors préférable de rouler sur le bas-côté, sur le tapis d’aiguilles…


Au fur et à mesure que nous nous éloignons, nous ressentons la légèreté nous gagner. Tout d’abord peut-être parce qu’enfin, nous pouvons rouler, sans veiller au bus, au camion, au piéton, au feu rouge, et que nous pouvons ainsi ressentir la légèreté de l’embarcation : nous avons laissé une bonne moitié du chargement à l’auberge ; Nous ne faisons aujourd’hui qu’un aller-retour, vers le centre de l’Europe…

Et puis ensuite, bien sûr, parce que nous laissons Vilnius derrière nous… et la détente est vraiment palpable.



Tout le monde a déjà connu ce drôle de sentiment… celui que nous ressentons lorsque nous observons quelqu’un que l’on connait pourtant, mais que nous découvrons sous un autre jour lorsque celui-ci s’efforce de plaire, de séduire.

Les enfants savent très bien en jouer lorsqu’ils voient leur parents se mettre sous leur plus beau jour lorsque quelqu'un d’important vient à la maison… et ils ont alors naturellement à cœur de contrarier cet effort de plaire, de séduire.

Allez savoir pourquoi…


C’est ce même sentiment que nous ressentons en pensant à Vilnius, capitale lituanienne… l’impression de voir une ville candidate. Une ville parvenue, une ville qui souhaiterait à tout prix s’en sortir, quitte pour cela à renier tout de son âme… une ville courtisane.

Une ville aux milles petites humiliations, aux milles intimidations, aux milles petits combats…


Lorsqu’Ugnė nous racontait qu’il n’était pas rare, quand on avait une vieille voiture, qu’il faille se garer au fond du parking, nous étions un brin sceptique : tout de même… un coup d’œil sur les parkings des grandes surfaces de la capitale semble pourtant bien confirmer ses dires. Celui qui aura la plus belle voiture s’achète ainsi le droit de se garer plus près de l’entrée… et de faire une remarque, lancer un regard méprisant à qui ne pourrait pas démontrer la même richesse… le même statut.

La course est lancée… et la lutte acharnée.


Sans y prendre gare, nous avons été aspirés par cette petite spirale pernicieuse… et nous nous apercevons en nous éloignant que notre réceptivité, notre curiosité, notre ouverture au monde s’y sont très rapidement laissées engloutir.

Une certaine irritabilité inconsciente semblait même nous habiter...

Et les mots d’une amie ‘de la ville’ nous reviennent alors en tête : ‘moi, quand quelqu’un me beugne ma portière, pas de pitié : je lui beugne à son tour !’…

Escalade pernicieuse de la violence, des petites vexations, des petites vengeances…




Au sortir de Vilnius, il nous semble effectivement si facile de se laisser avaler par cette spirale infernale…




Pourtant…




Karlsruhe. Dix années plus tôt.

Une de ces journées étudiantes à vagabonder, à se promener, écouter, contempler… observer.

Une de ces journées où l’on apprend à lire au-delà des apparences, et à s’amuser du monde… c'est un homme d'un certain âge qui, devant une vitrine de maroquinerie dans laquelle sont exposés d'élégants portefeuilles de cuir, ouvre le sien, déjà bien grignotté, sort les billets qu'il contient, les effeuille, et qui, après de longues minutes passées immobile, porte feuille usé dans une main et billets dans l'autre, finit par secouer légèrement la tête, lèvres pincées de dépit, avant de les y remettre et de continuer son chemin... c’est un autre homme, plus jeune, qui boite et avance sur ses béquilles jusqu’au coin de la rue, et qui, ce coin de rue contourné, reprend sa marche normalement avant d’enfourcher un vélo : le voilà qui part gaiement, béquilles calées sous le bras et posées sur le guidon. C’est cette fille, jolie poupée, qui parade dans la rue principale avec son groupe de copines… toutes lèchent avec un sourire en coin leur glace vanille-fraise. La glace coule, et la petite goutte termine sa course au creux de la gorge déployée… cri spontané et rouge au front, notre petite aguicheuse s’avère très vite effarouchée. C’est encore ce garçon, également avec son groupe d’amis, qui jette négligemment son cornet à la poubelle : il rate son panier… long moment de solitude à hésiter entre la honte ou la civilité, tout en veillant discrètement bien sûr à savoir si quelqu’un avait capté sa maladresse ou non… les yeux fébriles sursautent dans leur orbite sans que son corps ne trahisse ce grand moment de doute existentiel…

Après avoir feint de n’avoir rien vu, il poursuit sa promenade avec sa bande… avant de se décider à revenir discrètement remettre le cornet dans la poubelle.


Comme le dit un médecin boiteux d’une série à présent mondialement connue : ‘Tout le monde ment’… c’est bien connu.



La ville, plus qu’ailleurs, est une scène. Qui prend le temps d’observer découvre sans grand effort cette grande comédie humaine… et apprend alors à découvrir le fond de bien des gens.

Reconnaître l’ambitieux, le lâche, l’opportuniste, la courtisane, et tant de ces figures balzaciennes qui traversent les âges sans une ride…


Parmi ces nombreuses heures d’observation, il en est une en particulier qui resterait encore longtemps en ma mémoire … la scène se déroule dans les jardins du château de la ville éventail, un de ces jours de déambulation de 2001.

Un couple de jeunes adultes s’y déchire.

Cela est parti comme souvent d’un rien. D’un détail. Elle lui a demandé en faisant la moue de ne pas insister, il n’a pas su l’entendre… il a insisté. La moue s’est effacée, le sourire a fané, et un mot est sorti, bref, mais sûrement précis. Et d’autres sont venus en réponse, expression de blessure, désir de blesser à son tour… et les visages se sont peu à peu tendus, les mots sont sortis, de plus en plus nombreux, de plus en plus forts… les lèvres se sont alors progressivement tordues en de mauvais rictus.

Ils se seraient peut-être déchirés, aveugles de souffrance…

Un petit vieillard, assis sur un banc à quelques pas de là, à l’ombre de tilleuls, est alors entré en scène, petit, humble, débile…

… et de sa petite voix, il leur a proposé quelque chose d’inattendu : puisqu’ils étaient venus de loin pour contempler le château, peut-être souhaiteraient-ils repartir avec un souvenir ? Que diraient-ils s’il leur proposait de leur faire une photo ?

Oui, eux, devant le château, en amoureux… ne serait-ce pas un beau souvenir ?


Les deux jeunes gens, prêts à se déchirer jusqu’aux ongles l'instant d'avant, furent interdits : comment envoyer paître ce vieux sénile sans passer pour de parfaits muffles ?...

Le vieux sénile, profitant de ce moment suspendu, enfonça le clou en déclarant combien ce serait joli, et que cela lui ferait tant plaisir…


‘Soit’…


Ce fut alors une scène tout à fait guignolesque, le vieux se lamentant de leur inaptitude à faire ‘une belle photo’, à faire un sourire, à être ‘détendus’…

Bien sûr, les jeunes gens, posés côte-à-côte sur un coin de murette, sans se toucher, étaient de plus en plus tendus, maladroits, et toujours si peu à l’aise…

Mais, sortis l’un de l’autre, extirpés momentanément de leurs sentiments destructeurs pour n'être occupés que par le vieux malin, ils ont sûrement fini par l'écouter pour de bon et faire face à cette image à venir… à ce à quoi chacun ressemblerait, à ce à quoi cette photo ressemblerait… au souvenir qu’elle laisserait de cet instant… de ce week-end… de cette sortie… cette sortie qu’ils avaient tant souhaitée… cette sortie qu’ils étaient en train de gâcher…


Elle semait partout des souvenirs comme on jette des graines en terre, de ces souvenirs dont les racines tiennent jusqu'à la mort (Maupassant, Une vie)


Et leurs traits, imperceptiblement, ont alors fini par se détendre…

Le petit vieux toujours plus clown en rajoutait encore et encore, faisant mine (peut-être) de ne pas savoir se servir de l’appareil… et peu à peu, les yeux ont fini par démentir le visage toujours fermé, l’absurdité de la bouderie a fini par germer en eux… et, tour à tour, sans qu’ils ne se croisent tout de suite, chacun a de nouveau tourné un regard rapide vers l’autre, à la fois désireux, mais fier… ne souhaitant tout de même pas être le premier à s’avouer ‘vaincu’…

Lorsque leurs regards se sont de nouveau soutenus, se sont avoués, ils sont devenus trop humides… les sourires ont alors éclaté, les rires contenus ont explosé, et ils ont alors fait face au petit vieux.

Clic : voilà... la photo était parfaite.




Quelle grandeur que ce vieux sorcier… les amoureux sont repartis bras dessus, bras dessous, le vénérable sage s’en est allé de son côté, la mine sereine du devoir accompli, et je suis resté encore longtemps assis sur ce banc, à l'ecart, savourant encore toute la saveur de ce petit miracle.



Depuis ce jour, en me promenant en ville, reconnaissant souvent l’ambitieux, le lâche, l’opportuniste, la courtisane, je sais au fond de moi qu’il suffirait d’un vieux sorcier pour désarmer ces âmes cannibales et enrouer la machine, dénouer l’escalade de violence…


… mais où se cache-t-il ?




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Au fil des kilomètres qui nous éloignent peu à peu de la capitale, le bitume s’est effiloché et a fini par disparaître.

Mais cela ne saurait durer.

Des engins de chantier préparent déjà les rues de Verkiai : de longues saignées sont creusées le long de cordes tendues, les bouches d’égout sont déposées, l’assise de la future chaussée est en train de se faire tasser… une poussière ocre se répand sur les draps tendus à côté de la maisonnette de bois. Bientôt, la voie sera bitumée, les trottoirs posés. C’est ce que promet l’écriteau à la bannière étoilée.




Avec ces maisonnettes, nous retrouvons nos petits vieux à foulard, les jardins florissants, les puits et leurs seaux, des bancs et des balancelles...

Nous croisons quelques pêcheurs, de retour des rives de la Neris ou du Lac Balsys. Et de nouveaux cueilleurs.

Une quinzaine de kilomètres sépare tout juste le cœur de Vilnius d’ici…


Nous continuons encore une petite vingtaine de kilomètres vers le nord, nous rapprochant de Purnuškės, où se situe paraîtrait-il le 'Centre de l’Europe'...

jeudi 23 août 2012

Comédie humaine...


Un sourire au milieu d’une montagne de draps.

C’est ce que nous découvrons en levant la tête, juste après avoir perçu un ‘wouahou ! It’s fun !’

Juste au moment où nous bataillions avec des planches, des balais, des cagettes et autres sortes de trucs et de machins divers et variés entassés dans la remise où notre tandem a élu actuellement domicile (ce qui suffit déjà de si bonne heure à nous mettre de mauvais poil), voici qu’un signe que l’on n’espérait plus à Vilnius nous est parvenu : de l’en-thou-sias-me !

Du baume au cœur qui, du coup, nous permet de retrouver un peu de sérénité : au lieu de tirer bêtement, nous repoussons un à un les trucs et les machins, et voilà notre embarcation tirée des griffes de la remise.

Sa voix est douce et gazouille... elle n'avait jamais vu pareille monture. Nous lui racontons d’où nous venons, où nous allons, comme à chaque rencontre, et nous lui posons les mêmes questions en retour.

Les bras toujours chargés de linge, d’où dépassent seulement ses chevilles, ses pieds, ses mains et sa tête, elle nous explique qu’elle est née à Vilnius… mais qu’elle est quelqu'un de simple et qu'elle ne restera pas à Vilnius.

Faisant mine d’être surpris, nous lui demandons ce qui lui déplaît ici à ce point qu’elle n’imagine pas y rester : sa main droite lâche la boule de drap, se referme, rejoint le bas de son nez et, du bout de l’index, lui envoie directement une chiquenaude. Dans le même temps, sa gorge a poussé un petit cri étouffé par ses lèvres serrées, ses yeux se sont à moitié clos et son menton s’est relevé bien haut en détournant légèrement la tête… nous reconnaissons dans la seconde notre duc au long gilet blanc croisé la veille.

‘Tous snobinards !’

Et la voici qui nous explique que la ville a beaucoup changé depuis qu’elle était petite, que les gens sont devenus toujours plus arrogants, et de nous rappeler ce qu’Ugnė nous avait déjà dit ‘les gens ne sont heureux que lorsqu’ils trouvent plus malheureux qu’eux !’… non, elle ne se voit décidément pas rester ici. Kaunas sûrement !

Nous devrions aller voir Kaunas…

Une voix tonne par la fenêtre : un air penaud passe sur son visage, un dernier sourire comme une excuse, puis notre interlocutrice tourne les talons en nous souhaitant bon voyage, silhouette trottinant tout en rabattant de ses bras les pans tombant… petit soleil dans un matin gris.


Nous passons le portail de fer, qui se rabat dans un claquement métallique lourd, puis descendons en direction de la vieille ville, où nous retrouvons les groupes serrés de touristes que nous devons parfois fendre à coup de coudes et de klaxons.


Nous franchissons la Neris, regagnant ainsi la rive nord de la ville et le quartier Šnipiškės, aux hautes tours de verre.



L’avenue de la Constitution y est par endroits large de 6 voies. Nous y roulons comme sur un tapis : le revêtement est flambant neuf, tout comme les trottoirs, les pelouses, les abris bus aux affiches promotionnelles éclatantes, et bien sûr, les halles de la Place de l’Europe.

‘Europa’, gravée comme sur un fronton et inscrite en large au-dessus de l’entrée du complexe commercial qui borde cette immense place, au pied des tours de verre, et qui serait posée comme une signature…

Les écrans géants et autres banderoles publicitaires maxi format (l’une si justement intitulée ‘more & more’ !) n’ont pas été oubliés, placés en surplomb des silhouettes qui patientent docilement sous l’abri bus de verre…






Parallèle à cette opulente avenue, à 400m à peine plus au nord, la krokuvos gatvė longe ses traditionnelles maisons de bois aux toits de tôle grises. La terre battue y forme par endroits des tâches plus sombres de boue, parfois même des flaques s’y étendent de part en part.

Lorsque nous les traversons, le reflet des tours de verre ondule et vacille…




Nous sortons de la ville par Minties gatvė, puis par Žirmūnų gatvė. La première nous dévoile sans far la tristesse de ses tours de béton décrépites (de l’époque soviétique), la seconde quant à elle concentre les constructions de tôles accueillant les véhicules pour réparation, vidange, changement de pneus et autres opérations pendant que leur propriétaire, selon l’heure, patiente au snack-bar ou remplit quelque caddie dans les entrepôts alentours du Maxima XX.
Enfin l'air devient plus respirable.

mercredi 15 août 2012

... Vilnius !

Si la première question posée au voyageur par le sédentaire angoissé concerne la nourriture (nous l’avons déjà évoqué), la seconde, presque immédiate, suit de très près et se résumerait à un ‘Et pour dormir ?,’ qui serait peut-être même encore plus crispé.

Pour dormir, hé bien c’est très simple : surtout après une journée bien chargée en efforts et en découvertes, ce n’est vraiment pas compliqué… il suffit de s’allonger et de fermer les yeux !

Compatissant pour le dépit que cette boutade ne manque pas de susciter alors, nous nous empressons de caresser dans le sens du poil, et de rassurer, et d’assurer encore et encore qu’on trouve toujours une solution, et que ce n’est jamais un vrai problème dans les faits…


… mais il faut s’avouer parfois qu’arriver dans une capitale sur le tard sans n’avoir rien réservé au préalable n’est peut-être pas la meilleure idée que l’on puisse avoir dans l’absolu.



Si, et c’est bien connu, tous les chemins mènent à Rome, toutes les rues de Vilnius semblent mener à la place de la cathédrale, centre névralgique de la capitale. Les amoureux s’y donnent rendez-vous, les touristes y viennent flâner et les jeunes skate-borders aux vêtements amples y trouvent un terrain branché et décontract sur lequel ils peuvent exprimer à la fois la joie encore enfante de la glisse et la blasitude adolescente…

Echoués là, nous profitons de ce large espace à ciel ouvert pour reprendre souffle… et esprit.



Nous le savons pourtant : éviter d’aborder une ville en fin de journée, sur un état de fatigue avancé… ce n’est bon ni pour les nerfs, ni (et c’est une conséquence) pour la cohabitation des passagers d’une embarcation commune.

Malgré tout, cohabitation heureuse ou non, il va être temps de trouver à loger.

Festival de musique celte aidant, tous les numéros que nous tentons sont désolés. Nous faisons chou blanc. Ambiance dans les rangs…


Un bonhomme passe pas très loin de nous. Une fois, deux fois… à la troisième, il ose nous aborder. Le moment n’est certainement pas le mieux choisi… mais le bonhomme (un homme d’environ cinquante ans, tenue de treker décontract) fait preuve de trésors de courtoisie. Oui, nous voyageons à vélo (cela se voit tout de même…..). Oui, nous venons de France (c’est bien le drapeau que vous voyez là, oui…). Et pourquoi le drapeau allemand ? Oui, nous parlons allemand : ah, vous êtes allemand ?

C’est plus fort que nous : l’enthousiasme idiot des retrouvailles de quasi-concitoyen finit par nous gagner...

Il s’appelle Reiner.


Reiner voyage à vélo aussi. Parti d’Allemagne, il va aussi vers la Russie. Il est en convalescence à Vilnius ; après 3 semaines de voyage, son genou l’a obligé à temporiser : il a changé ses pédales auto juste avant de partir. Pas eu le temps de s’y habituer. Tendinite au bout du chemin. Rien à faire sinon qu’attendre.

Est-ce de voir avec quelle bonne humeur il nous fait part de ses contrariétés ? Cette bonne humeur finit par nous gagner à notre tour. Nos frictions de passagers soudés parfois ‘malgré eux’ se sont estompées sans que nous y prenions garde, et lorsqu’enfin Reiner nous indique qu’il connaît une auberge – certes très modeste – mais où, il semblerait, une chambre a dû se libérer, les derniers nuages semblent avoir disparu pour de bon.

En roulant au pas (Marie préfèrera tout de même marcher à côté avec Reiner), nous suivons notre nouveau compagnon dans les rues de la vieille ville.



Le premier tableau qui nous est offert en passant le seuil de l’auberge semble immortaliser l’homo numericus à l’aube du troisième millénaire.

En face de la porte d’entrée, tout contre le mur, une banquette, rembourrée (mais une banquette n’est-elle pas toujours rembourrée ?...), sur, ou plutôt, en travers de laquelle, est affalé un jeune homme aux joues tout aussi rembourrées, tongues, short et marcel détendus, bouche légèrement ouverte, yeux mi-clos, et comme aspiré par l’objet posé sur son ventre rebondi : un PC portable modèle réduit.

Il y a quelque chose de très romain dans ce tableau…


Personne à la réception.

Deux pensionnaires passent, shorts et marcels de même style, savates qui traînent sur le carrelage, serviette de bain en bout de bras ballant.

Et toujours personne à la réception.

Reiner s’adresse à tout hasard à notre empereur ventripotent. Ce dernier, sans esquisser le moindre mouvement ni détourner son regard de l’écran, bredouille quelques mots vagues, devant probablement signifier qu’il n’en a aucune idée (ou plutôt qu’il s’en contrefiche et que ce n’est pas son affaire)…

Patientant encore quelques instants, une fille aux yeux trop lourds, a fini par apparaître derrière le comptoir. Noms, prénoms, nationalité… blablabla, et voilà les draps, la chambre est par là. Elle tourne les talons et disparaît de nouveau dans le petit cagibi attenant d’où elle était sortie, retrouvant dans un renfoncement discret écran, clavier et souris.

Reiner semble désolé : il nous avait prévenus que le lieu était assez... ‘modeste’.

Nous le rassurons et le remercions au contraire : au moins avons-nous où dormir. 



Petit déjeuner en terrasse, au petit matin.

La nuit, comme toute nuit passée en auberge, a été agitée, et courte.
Et l’orage, au petit jour, n’a rien arrangé.

La maison dort… ou plutôt ronfle, à son aise.

Matinal, un homme d’un certain âge, cheveux et barbe plus blancs que gris, et soignés, semble déguster sa lecture, sourcils relevés, regard par-dessus ses demi-lunes et demi sourire aux lèvres.

L’orage a apporté un peu de fraîcheur, et c’est un petit matin qui s’étire, léger et frais, calme, serein. Et ensoleillé.


Un jeune homme vient s’assoir.
Mal réveillé, hirsute, il fume.

Indistinctement, le demi-sourire de notre lecteur matinal semble s’être éteint petit à petit, et le voilà même tiré de sa rêverie : effectivement, il constate qu’il est dans le mauvais sens de la brise. Il se lève et change de place.

Nouvelle cigarette, et, pas de chance, la fumée semble ne pas vouloir le quitter… le voilà qui tousse, une fois, puis deux.

N’y tenant plus, notre sage se lève à nouveau et demande au fumeur de bien vouloir griller la suivante un peu plus loin.

Impassible, le fumeur le regarde, saisit sa clope, l’aspire en cillant des yeux, puis d’un petit sourire, expire au visage de son interlocuteur.


‘… un proverbe lituanien dit que ‘si tu vois un homme heureux, c’est que la maison de son voisin brûle’. Et c’est une bonne définition des gens ici.’

La voix de Ugnė semble résonner à nos oreilles.


Interdit, le pauvre homme ne trouve mot à dire : il tousse, secoue la tête, contemple le visage satisfait de son interlocuteur, puis, après un bref moment d’hésitation, referme violemment son livre et quitte les lieux.

Le jeune homme soupire, s’avachit, et en termine de se réveiller.

L’heure semble toute indiquée pour aller faire un tour en ville …


La vieille ville est déjà bondée de touristes. Des groupes nonchalants de bobs et de lunettes de soleil, au-dessus desquels sont brandis parapluies, fleurs de plastique fluorescentes, fanions secoués et autres totems tribaux censés sonner le rappel, déambulent de cathédrales en églises, puis d’églises en cathédrales, occupant en processions les rues étroites sur toute leur largeur.

Traversant ces drôles de complexes organiques aux milles panoramiques, nous redescendons Didžioji gatvė pour rejoindre la place de la cathédrale.


Le lieu n’a plus le même visage que la veille au soir. De jeunes employés, casquettes vissées sur la tête, distribuent des invitations de restaurants, de pubs, bars et autres lieux de sortie pour le soir, accompagnés pour l’ambiance de drapeaux publicitaires et de sonos. Des groupes de touristes semblent attendre, se recomposant petit à petit vers la fin de la pause récré-achat, grimaçant sous le soleil. Les queues devant des petites roulottes de vente de boisson grandissent, des glaces coulent déjà sur les doigts et les mentons…

Un peu en retrait, un petit pavillon : un point d’information touristique.

Désirant y trouver une carte de la région, nous nous enfilons dans la queue. Tendant l’oreille en approchant petit à petit du guichet, il nous semble qu’invariablement, un mot revient à chaque échange, à chaque nouvelle personne : Trakai. L’employé doit toucher une commission à chaque Trakai prononcé… et cela ne manque pas.

A peine avons-nous dit bonjour et dit que nous avions besoin d’une carte de la région qu’une carte est dépliée devant nous, que Trakai est entourée d’un rond de stylo bille et que la route pour rejoindre ce lieu incontournable est tracée.

‘- Non, nous avons besoin d’une carte pour le vélo… on est venu à vélo !
-       Pas de problème, vous pouvez rejoindre Trakai à vélo !
-       Mais on ne veut pas aller à Trakai !
-       Mais c’est très joli, il y a un château magnifique, tu dois aller à Trakai !
-       On a juste besoin d’une carte un peu détaillée pour le vélo…
-       Vous pouvez louer des vélos à Trakai si vous voulez, et y aller en train…
-       Mais, on voyage à vélo, on vient de Berlin, tout ce qu’on veut…
-       Alors Trakai n’est pas loin pour vous !’

Et, la dame suivante semblant s’impatienter, la carte autoroutière, les brochures de Trakai en anglais, allemand et russe nous sont remises avec un grand sourire et un ‘believe me, go to trakai !’ définitif, et la dame suivante a pu avancer à son tour… peut-être souhaiterait-elle aller à Trakai ?...


Ne sachant trop s’il fallait en rire ou en pleurer, nous trouvons un peu plus loin refuge à l’ombre et nous nous asseyons sur un muret en bordure de la place, contemplant ce drôle de spectacle.


Discrets, de jeunes couples traversent régulièrement la place, à travers cette cohue. D’une rare élégance, visages impassibles, ils semblent considérer tout cela de loin.

Les jeunes femmes, à qui leur amant prête le bras, marchent lentement, petits mollets ronds comprimés par de très hauts talons. Bouches fermes et surlignées d’un trait de maquillage, regard effacé derrière le verre opaque en forme d’œil de libellule, elles passent, impassibles, beautés froides et absentes, aux talons qui claquent sec sur le parvis.

Leurs compagnons ne sont pas en reste. Cheveux gominés, figure tout aussi impassible, lisse, et paupières mi closes, ils semblent comme à la parade.

L’un deux attire particulièrement le regard : longs cheveux laqués, tirés en arrière et coupés droit au niveau de la nuque, il ne marche pas, il glisse à la surface du pavé. Le haut du corps est immobile, les bras croisés, mains et poignets avalés dans les manches jointes. Il porte un gilet de laine blanche, ample, et qui lui descend jusqu’aux chevilles. Ses mouvements sont lents, calculés, maîtrisés… le parvis est une scène.

Arrivé près du muret où nous nous trouvons, notant probablement que nous l’observions, il tourne doucement la tête vers nous, baisse les yeux sans incliner la tête, nous regarde de toute sa hauteur sans s’arrêter, puis la détourne avec la même lenteur tout en relevant le menton. Monsieur semble avoir fait montre de tout son mépris à notre égard…


Quel drôle de spectacle.




Nous allons grignoter un morceau sur gedimino prospektas

Attablés en terrasse, la plupart des clients (principalement des hommes) sont occupés : à rédiger une note, à lire un journal, à pianoter sur un clavier. Beaucoup mangent seuls. Un chemisier plus blanc que blanc étincelle parmi ces costumes sombres. La serveuse passe de table en table, dynamique et élégante, cheveux noués et tirés en arrière, toujours bien droite. La commande est prise proprement, efficacement, sans un sourire.

Les attaché-case quittent peu à peu les tables et s’en retournent aux affaires urgentes. La terrasse se vide, et est aussitôt débarrassée, toujours aussi proprement, mécaniquement. Si l’heure de pointe est passée, pas de relâchement, et toujours pas le moindre signe de chaleur dans les beaux yeux gris de la serveuse. Nos tentatives de discussions se heurtent à un mur de professionnalisme, et même un couteau qui tombe de table est ramassé avec rapidité et efficacité.


Revenant sur Senamiestis, nous retrouvons les hordes de touristes affairés à trouver le souvenir ad hoc qui immortaliserait cette expédition, profitant du ‘best of shopping’... Ironie de l’histoire, ce sont les matriochkas qui la plupart du temps trouvent les faveurs du flâneur. Si certaines restent à l’égérie des grands moustachus de l’Histoire russe, d’autres poupées ont su se moderniser, adoptant comme thème quelques icônes de l’Ouest, épousant ainsi, entre autres, Barak Obama, John Lennon, mais aussi Harry Potter, les Simpsons, le roi lion et Spiderman, tandis que, un peu à l’écart, Berlusconi côtoie la petite sirène...




Nous regagnons une toute petite ruelle, appréciant le calme soudain de l’endroit, et entrons dans le musée de l’ambre. L’endroit est frais, et calme. Deux qualificatifs qui nous permettent de souffler. Le musée réunit de véritables trésors, et nous déambulons de l’un à l’autre, émerveillés par ces joyeux naturels, que des millions d’années ont su magnifier. Un passionné est à l’origine du musée. Il aurait consacré toute sa vie à l’ambre, à le chercher, le ramasser, le polir, le chérir, le brosser, le tailler… une vidéo retrace la vie peu banale de cet homme. C’est un poète. L’ambre serait selon lui des larmes divines, saupoudrées sur les mers, et qui sont chaque matin rejetées sur les rives, comme un signe de compassion et de bienveillance à celui qui, s’y promenant, les découvre, luisantes sur le rivage… la vidéo s’interrompt brutalement. ‘On ferme’.

Il est l’heure de fermer, on ferme... ‘à 54 ??’ Aucun sourire de la part de la jeune femme à la caisse, pas une ou quelques minutes de rab qui permettraient de terminer la vidéo. Sans sommation, et malgré nos sourires incrédules, nous sommes purement et simplement jetés dehors, dans la chaleur et le brouhaha ambiant… des larmes divines de compassion et de bienveillance…


Un tour à la République Užupis, drôle de quartier prétendument bohème où circulent de grosses cylindrées allemandes, ne suffira pas à retrouver une légèreté. Des gamins défoncés squattent les rives de la Vilnia, au-dessus de laquelle reste malgré tout la ‘jeune fille d’Užupis’, sirène de bronze juchée au creux d’une niche de pierre taguée.




Vidés, fatigués, les jambes lourdes, nous reprenons le chemin du retour pour l’auberge romaine…


Remontant Didžioji gatvė à la tombée de la nuit, nous découvrons ‘Vilnius by night’, très jet set. Le bal de berlines les plus onéreuses au monde, pour bon nombre d’entre elles immatriculées en Russie et Biélorussie , les jeunes créatures sans vergogne qui en descendent, les porte-cigarettes, les cigarettes fines, les sacs à main aux chaînes dorées, tenus avec une nonchalance calculée en creux de bras, les poignets dans lesquels, bien en évidence, sont tenus de petits bijoux électroniques… les talons ont encore pris quelques centimètres, et malgré les chevelures, malgré les robes d’une infime épaisseur qui semblent rendre à présent tout sous-vêtement superflu, aucune douceur, aucune grâce ne se dégage de ces silhouettes si parfaitement sculptées...

Beautés froides à l’âme inaccessible, nous nous demandons bientôt à quel saint ces probables euphrasies et autres aquilinas ont vendu leur(s) charme(s)…




Regagnant l’auberge, nous retrouvons notre empereur romain dans la même position, affalé cette fois-ci sur une banquette de l’étage. Nous croisons un authentique moine, barbe par-dessus la bure, cordon autour de la taille et serviette de bain autour de l’avant-bras, regard rivé droit devant lui. Reiner n’est pas rentré. Tohu-bohu dans la salle principale, où de jeunes adulescents s’adonnent à quelque concours de boisson…

Nous fermons la porte de papier de notre chambre à double tour, si las d’une si longue journée… demain matin, avec soulagement, nous nous échapperons de nouveau sur les routes, rejoindre ‘le centre de l’Europe’...

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