lundi 2 décembre 2013

Une nouvelle traversée du désert


Il a plu une bonne partie de la nuit.
 
Sur la plage, le sable est criblé de minuscules impacts. Nous dirions que la plage a la chair de poule...
 
Les enfants sont déjà levés : ils sautillent d'impatience... ce matin, traite de brebis au programme. Une femme d'une bonne cinquantaine d'années arrive en effet, à vélo. Nous nous demandons d'où elle peut bien venir : sur des dizaines de kilomètres à la ronde, il n'y a pas un village. Juste un océan de pins en bord de mer.
 
La chèvre, remisée dans son enclos, se laisse faire, étonnamment docile. Les enfants goûtent le lait encore tiède et font la grimace tour à tour. Ingrid rit.
 
 
La suite du programme : se baigner, et partir à la recherche de petites pépites en bord de mer... d'ailleurs, si nous le souhaitons.....
 
 
L'invitation est charmante, mais une fois de plus, il va nous falloir reprendre notre route.
 
Où allons-nous ?
Vers Ventspils, au Nord.
 
Ingrid nous indique un phare sur la côte, un peu plus loin. C'est dans notre direction. Nous ne croiserons personne. C'est de toute façon une région très calme, comme nous le constaterons.
 
Nous remercions, puis, après le claquement traditionnel de nos pédales, nous nous en retournons une fois de plus, laissant avec un petit regret Ingrid et sa petite troupe rejoindre le rivage, serviette en bout de bras.
 
 
Si la piste, jusqu'ici, avait pu être capricieuse, nous nous rendons rapidement compte que finalement, elle était restée encore très praticable au regard de ce que nous découvrons peu à peu... la roche, est en effet rapidement repoussée en bordure, tandis que le milieu de la chaussée est colonisé par des nappes sableuses. D'abord superficielles, elles deviennent très vite de plus en plus épaisses. Nous regrettons bientôt ces parties ondulées qui nous remuaient certes les tripes, mais qui tout de même restaient 'en dur' et sur lesquelles nous pouvions garder un certain équilibre. Sur ce sable, qui grignote considérablement la voie, nous n'avons aucun moyen de 'sonder' la profondeur des nappes qui se multiplient en travers de nos roues. La roue avant chasse parfois quelques instants, avant de gripper à nouveau sur une surface dure atteinte 'au fond', et nous devons bientôt pédaler 'sur la pointe des pieds', tout sens en éveil, sur la crête d'équilibre.
 
La piste s'enfonce tout droit à travers la forêt de pins, toujours plus au nord. Parfois, nous traversons une clairière, où quelques saules baignent leurs pieds dans des marres de joncs sombres.
 
Malheureusement, le sable continue d'envahir la piste et il nous devient bientôt impossible de rouler ailleurs qu'en bordure de celle-ci. Lorsqu'une poche de sable interrompt la bordure, nous devons mettre pied à terre et, selon, pousser un peu plus loin ou traverser pour emprunter la bordure d'en face.
 
 
 
Voilà déjà une bonne heure que nous roulons. Une douzaine de kilomètres tout juste. Autant dire que ce n'est pas un record... pourtant, nous peinons. Le ciel est lourd... et si l'air reste frais, nous sentons une atmosphère orageuse : l'air, en l'inspirant, semble en effet s'épaissir.
 
 
Une piqûre.
 
Une claque : au creux du genou, la dépouille d'un taon.
 
 
La piste s'est rétrécie. Ses bords se sont relevés, et, pour notre plus grand malheur, la voie s'apparente progressivement à une véritable cuvette... il nous faut pousser.
 





Une autre claque. Une autre dépouille.
 
Un soleil voilé à travers le rideau nuageux. Nous avons chaud... nos sourcils sont humides. Une nouvelle claque... cette fois-ci, c'est raté.
 
La piste émerge enfin de la cuvette sableuse, nous pouvons remonter en selle. Nous roulons prudemment, sans cesse en porte à faux... nous remarquons malheureusement qu'à cette allure, nous ne distançons plus les petits rapaces qui nous suivent... derrière nous, l'escadron de taons gagne progressivement en effectif, et il nous devient difficile, en semi-équilibre, d'éclaircir vraiment leur rangs. Les piqûres se multiplient. Si – avantage du tandem – nous chassons les attaques sur nos bras et nos visages, celles, plus pernicieuses, qui se concentrent sur le bas de nos postérieurs et le dessous de nos cuisses ne peuvent être évitées... nous profitons de quelque halte pour écrémer les rangs de nos adversaires, mais il semble que plus nous avançons, et plus cette horde sauvage se densifie... nous accélérons, mais le tandem chavire, roues noyées en travers d'une nappe de sable... soit : la guerre est déclarée...
 
Nous laissons le tandem et la carriole au sol, en travers, échoués dans le sable, et nous nous frappons mutuellement en tenant joyeusement le décompte. Lorsqu'enfin, nous avons gagné la bataille, nous relevons notre monture et reprenons tant bien que mal l'allure.... jusqu'à constater quelques centaines de mètres plus loin qu'un nouvel escadron s'est matérialisé derrière nous...
 
De quoi tourner dingue...
 
 
En bord de 'piste', un panneau de bois nous indique un phare. Trois kilomètres nous en séparent... trois kilomètres de mini dunes de sable traître et de kamikazes obstinés...
 
Nous passons bientôt la majeure partie du temps à pousser, en marchant à côté de nos roues, en entrecoupant cette joyeuse randonnée de haltes lors desquelles nous nous frappons mutuellement.
 
Nous comptons les poteaux électriques qui se succèdent en bord de piste. Un tous les vingt mètres environ. Tous les dix poteaux, une halte à claques. Au bout de cinquante poteaux, un kilomètres de grignoté.
 
Une bifurcation : aucune direction n'indique le phare...
 
 
En face, la piste devient un chemin forestier, bordé des sempiternels poteaux goudronnés. A gauche, deux voies plus ou moins parallèles s'enfoncent dans les pins.
 
Nous prenons à gauche...
 
 
Les deux sentes s'émancipent peu à peu du sable. La roue avant s'élève un peu, grignote la butte, puis redescend presque aussitôt dans un creux avant de contourner un amas rocheux. Une sailli, une nouvelle butte, puis le ciel enfin s'éclaircit : dans cet espace retrouvé, un trait de rouge, vertical, se détache du ciel.
 
Enfin le voici : le phare.
 
 

 
 

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