Les cales de nos chaussures claquent sur les marches en
colimaçon et résonnent dans ce cylindre rouge. L'air y est frais, et le phare,
de l'intérieur, a ces odeurs éternelles de pierres d'église. Clac de chaussure
après clac de chaussure, nous gravissons en tournant les marches, les oreilles
pleines de nos pas et le regard, fixé au sol, hypnotisé par ce vortex nauséeux.
A travers les étroites ouvertures qui se succèdent étage
après étage, les arbres rapetissent et la mer se déploie.
Les lignes, sous nos pas, tournent encore et encore, en résonnant, telles d'inlassables pales... la rambarde, fil d'Ariane d'acier, que l'on sent frais au creux de nos mains, malgré nos mitaines, aide à garder bon cap.
Bientôt, les scènes se mêlent, et le décompte des étages s'embrouille...
... était-ce la cinquième ou la septième meurtrière ?
L'horizon, par pointillés, s'ouvre, et nos calculs, en élévation, finissent tout à fait par perdre prise.
Les marches disparaissent au niveau d'un palier.
Une échelle. Une trappe.
L'apparition de tant d'éléments fixes nous laisse quelques instants groggy.
Les barreaux résonnent enfin, les gonds grincent : au prix d'une contorsion, nous
entrons dans l’œil du phare.
Des ailes se frappent et disparaissent en decrescendo.
Les vitres à 360° jouent avec le vent dans leur encadrement.
L'air est lourd et irrespirable.
D'un pas lourd et sourd, nous tournons au cœur du bocal de verre.
...
Irrésistible somnolence...
...
D'un côté, la forêt
s'étend à perte de vue.
De l'autre, la Baltique.
Deux vagues, l'une sombre,
l'autre luisante, qui se lovent au creux l'une de l'autre, tout juste séparées
par une étroite bande de sable crémeux et d'écume.
Malgré nos respirations en peine, nous restons là des
minutes, des dizaines de minutes, des heures...
Une éternité.
L'aspiration à l'immobilité est trop forte, et tant pis si pour cela, nous devons maltraiter nos pauvres corps... nous nous
laissons bouillir petit à petit au bain marie, tout absorbés par l'éternelle immobilité de ce vert
solide et franc...
... de ce bleu nonchalant...
... et par le jeu de ces vagues timorées
qui, obstinément...
… obstinément...
... se frottent...
... obstinément, à la terre.
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