Nul...
Le premier polonais que l'on rencontre est déjà bien mal barré...
A la question 'qu'est ce qui a radicalement changé depuis 20 ans et qui fait qu'aujourd'hui, c'est bien mieux qu'avant ?', notre aimable hôte met les deux pieds dedans : paf, patatra... sa réponse est spontanée et claire : 'on peut parler politique !'...
Non mais il a pas honte, sérieux... qu'est ce qu'on leur a donc bien appris pendant toutes ces années de communisme ? Et où il est le cul, bordel ?!...
Précisons que notre hôte s'appelle Adam (vrai de vrai), cela pourrait peut-être expliquer la chose... mais enfin, bon, quoi : la politique... ce n'est même pas dans le top 10 !
On lui aurait bien filé la bonne réponse directe, lui disant que chez nous, la politique n'était pas pour tout le monde, que c'était un bien triste sujet réservé à des gens bien tristes aussi, mais devant son engouement, on a tout de même hésité à lui briser son rêve d'entrée de jeu... car vraiment, il y tient.
Il faut dire, c'est un drôle de pays la Pologne... à peine libérés du joug soviétique, qu'est ce qu'ils font ? Ils élisent comme président un ouvrier ! Ah ben bravo... il va falloir qu'on leur apprenne que la politique, c'est l'affaire des gens qui savent... qu'il y a des écoles pour ça... on ne devient pas aussi triste naturellement...
Du coup, avec des drôleries pareilles, ils se mettent tous à rêver... ils refont même régulièrement un Woodstock* !
Ils sont tout de même bien mal barrés, moi je dis... rendez-vous compte : voici déjà la 17ème édition en 17 années d'autonomie, et à chaque fois ce serait pareil : une ville serait retenue pour recevoir le festival un an à l'avance, et les jeunes de cette ville doivent se charger de l'organiser durant toute l'année... ils récolteraient des fonds, rassembleraient le matériel, s'occuperaient de la logistique, des groupes pour les concerts et surtout... des invitations de personnalités pour... des débats !!
Ces festivals dureraient même plusieurs jours, les stands seraient gratuits, comme la participation, il y aurait plusieurs centaines de milliers de participants, et certaines figures de la vie politique mais aussi des dirigeants actuels s'y rendraient pour participer au débat démocratique... non mais vous vous rendez compte ??... Pire, il paraîtrait que de nombreux allemands traversent la frontière pour prendre part à cette mascarade...
… Moi je le dis tout de suite, ils sont pas prêts pour le bonheur...
Mais Adam y croit, lui... alors attention.
Cela ne fait pas une heure que nous sommes arrivés chez lui, et voilà qu'il nous parle déjà de Wałęsa... ce fameux ouvrier président...
Nous avons à peine eu le temps de ranger le tandem, prendre une petite douche, nous voulions juste taper la discuter comme ça, gentiment, juste savoir si la vie était belle à Kostryn, ou en Pologne, et le voilà déjà en train de parler de l’idole du pays, et qu'il a mené une grève à Danzig (ou Gdansk pour les puristes, mais c'est la même ville...), et que grâce à lui le pays a pu s'émanciper, et qu'il a même eu un prix Nobel, et pis et pis... et pis même qu'il était aux côtés de Merkel (il dit Merkel, il faudra qu'on lui dise aussi que la politique, c'est triste, mais décontracte : on dit plutôt 'Angela', comme on dirait Nicolas, Ségolène ou Martine...) pour la cérémonie du XXème anniversaire de la chute du mur... oui, il se trouve qu'on l'a vu, oui, mais enfin... tout de même quoi : il n'est pas dans le top 10...
Adam me laisse la main sur le bras (il n'arrête pas de faire ça... on dirait un gars du Sud : sans cesse à se tripoter quand ils parlent!), et réfléchit... 'Concrètement, qu'est ce qui a changé dans sa vie de tous les jours ?'...
Il est libre ! Il peut voyager partout où il veut... 'ça, c'est une chance !'... oui, mais ce n'est toujours pas dans le top 10, ma foi...
… il y a encore du boulot...
Et justement, puisqu'on parle 'boulot' : y en a-t-il du boulot en Pologne ?
Les investissements pleuvent... le pays est en pleine effervescence. De nouvelles boîtes s'installent un peu partout, régulièrement. Des boîtes allemandes pour la majeure partie, mais aussi anglaises, espagnoles, et même finlandaises et suédoises. Bref, cela va très vite : 'il faut bouger, y'a pas de secret'... 'Ma plus grande a un boulot à Zagan... et la cadette, à Szczecin. Je suis entre les deux, comme ça, ça va...'.
Adam nous explique que ces jeunes qui bougent gagnent très bien leur vie : 'En fait, ils apprennent vite, et en bougeant ils peuvent bien négocier leur salaire... les nouvelles boîtes ont parfois même du mal à les fidéliser !'.
'- Ma fille a un appartement de plus de 100m², avec son mari et ma petite fille... vous savez un peu combien ça coûte un appartement comme ça à louer ?... 270€ !
- Wouha, c'est pas cher !'... patatra...
La main d'Adam a quitté mon bras, il s'est reculé et s'est redressé de tout son long, me regardant d'un drôle d'air, comme si j’appartenais à une nouvelle espèce tombée du ciel...
'Mais 270€, c'est une somme !'
…
Un peu couillon, pas tant par ce que j'ai pu dire, mais par l'air sévère qu'a soudainement pris notre hôte, je pose la question qui peut-être expliquerait tout : 'Mais, qu'est ce que vous appelez un bon salaire ?'
'Un ingénieur gagne environ 3000 à 3500 slotis par mois... ça fait... environ... 800... voire 1000€.'
…
Les choses deviennent effectivement beaucoup plus claires...
'- Mais avec ce qui reste, qu'est ce qu'il est possible de faire ?
- Hé, c'est que ça va très vite... il faut payer une nounou, et la garderie... avant, tout ça c'était gratuit, mais maintenant, il faut payer... et c'est pas donné ! Et ça n'arrête pas d'augmenter... d'ailleurs c'est bien simple, tout n'arrête pas d'augmenter, ça se voit tous les mois... le problème, c'est que les salaires n'augmentent pas aussi vite... enfin, pour les jeunes qui bougent, ils augmentent déjà pas mal, le plus dur, c'est pour ceux qui refusent de bouger...... mais vous avez certainement faim, je discute, je discute...'
Adam me tient à nouveau l'épaule... 'si vous avez besoin de quoi que ce soit, sonnez, je descends.
- Justement, oui, on hésite sur la destination à prendre... peut-être auriez vous une idée d'un itinéraire... on vise la Lituanie, mais on hésite entre Pozńan et Gdańsk, on voudrait...
- Y'a pas à hésiter : il faut aller à Gdańsk... ah oui oui oui : il faut voir Gdańsk, il n'y a même pas à hésiter...
- Qu'y a-t-il à y voir ?
- C'est magnifique, vous verrez... c'est au bord de la mer, la vieille ville est magnifique, avec des bâtiments sublimes... et puis c'est aussi là que tout a commencé, il faut aller voir le chantier naval, c'est la ville de Wałęsa, bien sûr, de Solidarnosc, ...'
Et le voilà reparti sur le chemin de la politique...
...
Après avoir encore longuement parlé, un vol de cygnes est passé au dessus de nous... Adam a regardé le ciel, s'est aperçu qu'il faisait déjà nuit... alors il s'est excusé d'avoir tant parlé, et nous a rappelé de sonner si nous avions besoin de quoique ce soit...
Une dernière main sur l'épaule, un 'dobranoc', et sa main est partie, secouée couillonnement tandis qu'il rentre retrouver sa belle en s'amusant à voix basse... 'Hou la la, ça va râler !'...
* Plus de détails sur le festival sur la page traduite de l'anglais, sur le lien suivant.
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