dimanche 23 mars 2014

Pärnu, un sentiment de chez soi

 
A quoi cela tient-il de se 'sentir à la maison' ?
 
Voilà un fait bien inattendu : arrivés à Pärnu, nous nous sentons 'comme à la maison'...
 
La soute refermée, la porte du bus se translate tout en pivotant, claque dans un bruit sourd de joint comprimé, et le bus reprend sa route.
 
Le temps de ré-assembler le gros légo qu'est devenue notre embarcation et nous voilà repartis en déambulant dans les rues de cette première ville d'Estonie.
 
Oui, c'est étrange : ce ne sont que quelques minutes de déambulation vélocipédiques et pourtant, nous nous sentons bel et bien 'comme à la maison'...
 
Depuis le mois de janvier, l'Estonie, contrairement à ses deux consœurs baltes, ou encore à la Pologne, a intégré la zone euro. Le pays aurait profité de la proximité de la Finlande pour développer à vitesse grand V son économie et raccrocher ainsi plus rapidement le wagon de Maastricht.
 
Bien enfouis au fond d'une pochette depuis que nous avions quitté la frontière germano-polonaise – les premiers jours du voyage, une éternité de cela ! – nous ressortons comme une antique relique nos billets et pièces estampillés des 12 étoiles et nous rendons dans le premier 'supermarché' qui se présente.
 
Un supermarché 'banal', avec son hangar à chariots enchaînés les uns aux autres et que l'on libère en y insérant une pièce d'un euro ou à la rigueur de cinquante centimes... les portes coulissent, les rayons sont lumineux et une radio diffuse quelques classiques américains. Baaaaaby, baaaby... tiens, les Supremes... Les gens déambulent à travers les allées, derrière leur chariot, à demi penchés vers les rayons, qu'ils scrutent lentement. Les gens se croisent sans se remarquer, regardant tantôt par dessus l'épaule d'une autre, tantôt dans la direction opposée, tous absorbés par la tâche méticuleuse... une petite fille à cheval sur le petit siège et bien agrippée à la poignée pousse quelques cris d'excitation tout en tapant des pieds sur la grille qui résonne.
 
Paysage familier...
 
Au rayon boucherie, nous devons prendre un ticket et attendre que le numéro gagnant sorte. Une petite poubelle est installée au bout du rayon pour nous soulager de l'encombrant ticket une fois le numéro sorti.
 
Devant l'étal si bien achalandé, nous surprenons un sentiment inattendu : il y a du plaisir... l'abondance nous rassure. Nous détend... nous donne comme un sentiment de sécurité... un sentiment de 'chez soi'.
 
Arrivés à la caisse, nous retrouvons les paillettes des unes de magazines... Cameron Diaz en tenue de soirée, Monica Bellucci au regard langoureux. Déjà nous voilà pris dans les filets : la revue s'est retrouvée dans nos doigts, qui caressent la tranche et font défiler les images, comme pour nous souvenir... Nos denrées avancent, s'immobilisent. Le petit panneau de séparation est levé, déjà le moment de reposer le petit monde de paillettes. Les bips de codes-barre se suivent, presque réguliers, une somme s'affiche, que l'on n'a pour une fois plus besoin de convertir, nous tendons un billet et la monnaie nous est rendue: la plupart des pièces sont rutilantes.
 
Au dos de celles qui sont usées, un cygne en envol.
 
Les portes automatiques du supermarché se referment. Devant nous, des files de voitures, pour la plupart de marques allemandes de toutes classes, bien ordonnées, auprès desquelles sont garés quelques chariots que l'on décharge. Ces derniers rejoignent le hangar, les portières de la voiture familiale claquent et la tâche ménagère est terminée : retour à la maison. Sur le côté du parking, de grands sacs de tri sont chargés par un jeune homme dans un camion benne, tandis que nous entendons le cliquetis des bouteilles consignées que l'on rassemble dans des caisses.
 
Le trajet réalisé en bus de Ventpils à Pärnu via Riga, à peine 350km autour du golf, nous a comme propulsés plusieurs milliers de kilomètres en arrière, et nous voici comme revenus aux premiers jours... de retour vers l'ouest.
 
Ici, l'ostalgie semble s'évanouir tout à fait. Une intégration parfaite. Une conversion aboutie.
 
Drôle de sensation...
 
 
 
Tandis que nous remontons la rivière homonyme, laissant la ville derrière nous non sans avoir repéré quelques cascades épanouies de chevelures blondes Loréal/JC Decaux, l'impression d'être revenu chez soi ne se dissipe toujours pas... par cette soirée bénie qui voit le soleil transpercer à l'horizon les nuages bas sous lequel il se glisse progressivement, nous croisons plusieurs cyclistes à la promenade sur quelques tronçons de piste cyclables, soleil sur les joues, sourire au coin des lèvres et qui se balancent doucement, légèrement, d'un côté, puis de l'autre, au fur et à mesure qu'ils appuient sur la pédale. Les roseaux bruissent doucement, quelques canetons fébriles poursuivent une canne qui se promène, se laissant glisser sur les flots, comme à la dérive. En travers des cours, devant les portes de garage, les vélos sont laissés à terre et la porte de l'entrée laissée ouverte.
 
Nous trouvons sans mal à poser la toile. Un camping chez l'habitant.
 
De lourdes tables de pins à l'extérieur, un fumoir. Et tout contre la forêt de résineux adjacente, des balançoires, un bac à sable. Une table d'échec, aux pièces de bois, a même été disposée un peu à l'écart, dans un petit renfoncement, près d'un cabanon au toit recouvert de végétation.
 
La jeune femme qui nous accueille prend tout son temps, souriante et posée. Nous serons seuls ce soir, car nos hôtes seront de sortie. Bien sûr, cela ne nous dérange pas.
 
Pris de cours par les derniers événements, nous lui demandons comment se dit 'merci' en estonien.
 
Elle s'en amuse et prononce doucement... 'Aitäh' !
 
Le soleil s'est à présent tout à fait imposé.
 
Tandis que l'eau chauffe par dessus le réchaud, nous restons là, assis à la grande table de pin, appuyés sur nos coudes, immobiles, à goûter de cette quiétude... toujours avec ce drôle de sentiment d'être un peu 'revenus à la maison'.
 
 
 

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